Moins qu’hier (plus que demain) : une bd de vacances et de sourires…

 

La collection  » Glénaaarg  » de chez Glénat ne s’encombre pas de politiquement correct, et l’humour qu’elle véhicule aime grincer ! La preuve, dans ce livre qui parle d’amour sans le montrer !

moins qu’hier – © Glénat

Fabcaro est un auteur particulièrement éclectique, puisque, scénariste, il a travaillé autant pour les éditions Jungle que pour les éditions Dargaud, pour Fluide Glacial comme pour les éditions Glénat.
Sa marque de fabrique, cependant, reste l’humour… Un humour que n’auraient sans doute pas désavoué Greg ni Gotlib, dont il a osé reprendre les séries cultes, Achille Talon et Gai Luron, avec plus ou moins de réussite…
Mais il n’est jamais meilleur que lorsqu’il peut se laisser aller, lorsqu’il se permet de ne pas suivre les pas de ses anciens, lorsqu’il a la possibilité de faire étalage de ses deux talents conjugués : être une sorte de moraliste non-sérieux à l’ancienne (je pense à La Fontaine, par exemple…), et l’être avec une sorte d’humour quelque peu provocateur, et l’être surtout au travers d’un dessin d’un réalisme évident, d’une réalité simple mais particulièrement aboutie.

moins qu’hier – © Glénat

Un des thèmes qu’il a toujours aimé traiter, un de ces thèmes qui forment l’essentiel, d’ailleurs, de l’inspiration artistique de l’homme depuis qu’il a la possibilité de penser, de réfléchir, d’imaginer, de rêver (et des rêves qui ne sont pas footeux…), je veux parler, évidemment, de l’amour. Celui avec un  » A  » majuscule, parfois…. Celui, surtout, avec un  » a  » tout ce qu’il y a de plus minuscule et de plus mesquin !…

 

moins qu’hier – © Glénat

La mesquinerie est en effet au centre de toutes les pages de cet album, ou presque… Fabcaro nous raconte, dans ce livre, en gags d’une page, la vie de plusieurs couples. Nous montre, plutôt que nous raconte, d’ailleurs, et il le fait au travers d’un dessin qui, volontairement, se refuse à être expressif. Les personnages, hommes et femmes, sont neutres. Et ne prennent vie, finalement, que grâce à leurs mots, au travers d’un album qui prouve que Fabcaro est d’abord et avant tout un vrai dialoguiste. Quelque peu ubuesque, parfois, et toujours totalement incorrect ! C’est le quotidien qui l’intéresse, le quotidien de gens qui vivent ensemble, ne s’aiment peut-être plus, mais veulent encore continuer à y croire. Un quotidien qui n’a rien de magique, qui fait bien plus sourire que rire, et encore, avec des sourires de grisaille plutôt que d’arc-en-ciel !

moins qu’hier – © Glénat

En 62 pages, Fabcaro croque, en traits à peine colorés, la vie de tous les jours de tout un chacun, de nous aussi, donc… Et ce livre se savoure comme se savoure, sous le soleil des vacances, un bon cocktail…
Un livre à emmener sur la plage, donc, ou à l’ombre d’un parasol, sur un terrasse accueillante… Un livre, également, à lire à deux, pour éviter les faux-pas de la vie en commun et retrouver le plaisir de rêver ! Ensemble, bien sûr!…

Jacques Schraûwen
Moins qu’hier (plus que demain) (auteur : Fabcarao – éditeur : Glénaaarg/Glénat)

Mutations – épisode 1

 

Après « Mermaid Project », revoici Romane et El Malik, dans un futur proche, lancés dans une nouvelle enquête à tendance écologique… Les Cétacés se révoltent!

 

Mutations©Dargaud

 

Dans la série « Mermaid Project », on découvrait un duo d’enquêteurs efficace … Trop efficaces sans doute, puisque, après avoir réussi à démanteler des activités répugnantes de manipulations génétiques, ils se retrouvent, dans cette nouvelle série, renvoyés, au chômage, en fait. Romane et Brahim, cependant sont appelés à la rescousse, malgré le fait que Romane soit de peau blanche dans une société où l’Afrique et la peau noire ont pris le pouvoir…

Des mammifères marins, porteurs d’explosifs, se font exploser contre des bateaux de pèche… Un terrorisme animal qui ne peut qu’inquiéter le monde, un terrorisme animal que seuls Romane et Brahim peuvent probablement comprendre, eux qui, dans le cycle précédent, ont eu à communiquer, réellement, avec des dauphins…

Nous sommes, vous l’aurez compris, dans de la science-fiction, ou même de l’anticipation. Pour que fonctionne un tel scénario, il faut qu’il soit plausible, de bout en bout, il faut que toutes les inventions qui en accompagnent les péripéties tiennent la route, plus que ça, même, forment une trame qui ne peut jamais être prise en défaut.

A ce titre, le travail de la scénariste Corine Jamar et de son complice Leo sont exemplaires. Les sujets qu’ils abordent, les mutations génétiques, l’évolution de la planète et de sa faune, le racisme et ses futurs, tout cela participe à un récit extrêmement charpenté. Un récit qui, sous couvert d’imagination, s’inscrit pourtant totalement dans le monde tel qu’on le connaît de nos jours : changements climatiques, industrialisation à outrance, pêche intense, et impossibilité de l’âtre humain de se révéler autre chose qu’un prédateur…

 

Corine Jamar: scénario

 

Mutations©Dargaud

Le dessin de Fred Simon oscille entre réalisme et caricature, et ce graphisme fait merveille dans tout ce qui touche à la nature, aidé en cela par le coloriste, Jean-Luc Simon, dont les originalités enrichissent, sans aucun doute, les ambiances d’une part, mais les narrations elles-mêmes.

Des narrations qui pourraient quelque peu rebuter certains lecteurs, tant il est vrai que, à l’instar de la bd du temps de la ligne claire, le texte, ici, prend de la place, et de l’importance ! Une importance qui reste lisible, grâce à Fred Simon qui parvient, sans difficulté apparente, à aérer ses planches, voire même quelques dessins. Par son travail de découpage, mais aussi par le soin qu’il met, à certains moments, à peaufiner ses décors, tant extérieurs qu’intérieurs.

 

Fred Simon: dessin

 

 

Mutations©Dargaud

 

J’ai toujours bien aimé la science-fiction quand elle reste plausible, quand elle ne se perd pas dans des chemins de traverse qui éloigne le lecteur de la réalité, de SES réalités.

C’est pour cela que j’aimais Mermaid, c’est pour cela aussi que j’aime ce « Mutations ». Une série qui commence, qui réussit à associer poésie, réflexion et action… Une réussite, donc, incontestablement…

 

Jacques Schraûwen

Mutations – épisode 1 (scénario : Leo et Corine Jamar – dessin : Fred Simon – couleur : Jean-Luc Simon – éditeur : Dargaud)

Montana – Une Aventure de Tex

Montana – Une Aventure de Tex

Tex est un personnage mythique des fumetti, bandes dessinées italiennes publiées en petit format. Le voici aux mains de Giulio De Vita, interviewé dans cette chronique… Et la réussite est au rendez-vous!

Tex©Le Lombard

C’est en 1948 que ce cox-boy aventureux et quelque peu solitaire a pris vie en Italie sous la plume d’Aurelio Galleppini au dessin et de Gian Luigi Bonelli au scénario. Très vite, ce héros sans peur ni reproche, inscrit totalement dans la tradition du western traditionnel, a remporté les suffrages du public, jusqu’à devenir, d’année en année, la bd la plus vendue en Italie.
70 ans plus tard, Tex existe toujours… Je vous conseille, d’ailleurs, de retrouver les nombreux albums qui ont été édités en français, chez l’éditeur « Clair de Lune »…
Et aujourd’hui, revoici donc Tex, mais en grand format, et en couleurs. Le premier volume est paru chez l’éditeur Mosquito, superbement dessiné par le non moins superbe Serpieri, loin de l’érotisme torride de Druuna.
Et c’est au Lombard que la deuxième renaissance Tex est éditée.
Le dessinateur, Giulio de Vita, a choisi un style beaucoup plus classique que celui de Serpieri, c’est évident. Je dirais qu’il est plus dans la continuité du héros mythique de la bd italienne populaire, mais qu’il l’est avec un vrai sens de la modernisation. Tex est infiniment moins manichéen que dans les fumetti, il a un côté humain qui n’était pas toujours évident dans les petits formats dessinés, il faut bien le reconnaître, à la chaîne et avec une simplicité proche, souvent, du simplisme…

Giulio De Vita: Modernisation

Tex©Le Lombard

La modernisation de ce personnage se trouve également dans la narration. Là où, auparavant, Tex se contentait de vivre des aventures linéaires, tout à fait traditionnelles, Manfredi, le scénariste de ce « Montana » a quelque peu modifié la manière de raconter une histoire, la façon de mettre en scène ce cow-boy et ses errances, et ses combats.
Disons, plutôt, qu’il a respecté, dans la forme, l’esprit même des aventures de Tex : il y a des bons, des méchants, des cavalcades solitaires dans la nature, des coups de feu, des bagarres, de l’amitié…
Mais il y a aussi, en trame de fond, d’autres thèmes qui sont abordés : la trahison, l’amour, la lâcheté, le pardon, la violence gratuite, la bêtise humaine, le racisme.
Deux lectures sont possibles avec ce « Montana », et le dessin de de Vita accompagne parfaitement le scénario, réussissant ici à être spectaculaire, là à se faire intimiste.
Un scénario qui nous montre Tex à la poursuite d’une bande d’assassins tueurs d’Indiens, pour une vengeance qui ne peut être que sanglante…

Giulio De Vita: Thèmes

 

Tex©Le Lombard

Parlons-en de ce dessin…
Réaliste, classique, il ne cherche à aucun moment à éblouir, il se met au service d’une histoire solide, d’un personnage tout aussi solide, d’un environnement fabuleux aussi et surtout.
S’il est vrai que, quand on parle de western en bd, on pense immédiatement à Giraud et à son Blueberry, on ne peut cependant pas dire du tout que le graphisme de Giulio de Vita s’en inspire. Ce dessinateur est bien plus dans la filiation d’un Hermann, mitonné d’un Swolfs. Son dessin est lumineux, grâce entre autres à une couleur qui met en évidence, en les éclairant avec un vrai talent, les différents plans utilisés par de Vita. Son dessin est, comme la couleur d’ailleurs, cinématographique… Mais là aussi, de Vita se différencie des auteurs de western dessiné en ne privilégiant pas le côté « spaghetti », mais en se replongeant dans un classicisme qui n’empêche cependant nullement le réalisme dans la représentation des corps et des paysages.
Des paysages omniprésents… Tex, dans les fumetti, ne se confrontait pratiquement jamais à son environnement. Les cases, petites, ne le permettaient pas. Ici, l’environnement joue un rôle essentiel ! Décors de nature, décors de neige, décors de ville, décors d’intérieurs, le soin apporté par les auteurs à tous ces détails qui font que la représentation de la vie se fait avec fidélité, ce soin est absolument remarquable !

Giulio De Vita: Dessins
Giulio De Vita: Couleur

Tex©Le Lombard

Amateurs de western amateurs de dessin réaliste particulièrement abouti, amateurs de bonnes histoires qui aiment aussi les digressions, vous ne serez pas déçus, croyez-moi, par cet excellent retour du cow-boy Tex !…

Jacques Schraûwen
Montana – Une Aventure de Tex (dessin: Giulio de Vita – scénario: Gianfranco Manfredi – couleur : Matteo Vattani – éditeur: Le Lombard)