Marsupilami : 30. Palombie Secrète

Marsupilami : 30. Palombie Secrète

21 avril : la série bd consacrée au Marsupilami fête ses trente ans d’existence, avec un trentième album haut en couleurs !

Tout a commencé en 1952, dans un album des aventures de Spirou,  » Spirou et les Héritiers « .  C’est dans ce livre nous montrant Fantasio lancé dans une série de défis qu’est né, sous la plume et l’imagination du génial Franquin, le Marsupilami, animal étrange et improbable à la longue queue.

Son existence aurait pu s’arrêter là. Mais Franquin, incontestablement, s’est tout de suite pris d’une espèce d’affection artistique pour cet animal étrange, maillon improbable entre l’humain et l’animalité pensante. Et il en fait, au fil des années et des albums, un compagnon indispensable de ses héros fétiches. Voire même de l’inénarrable et indispensable Gaston !

Il serait fastidieux, inutile même, osons le dire, et terriblement pédant, de comptabiliser les apparitions du Marsupilami dans l’œuvre de Franquin. Laissons cela, voulez-vous, aux exégètes en mal d’occupation ! Non sans souligner l’extraordinaire  » Nid des Marsupilamis « , que tout amoureux de la bande dessinée se doit de posséder !

Ce qu’il faut savoir, par contre, c’est qu’il a sévi, dessiné par son artiste de papa, jusqu’en 1970, dans  » Le Faiseur d’Or « , album dessiné, pour tout ce qui ne touche pas à la petite bête jaune et noire, par Fournier.

A partir de là, silence radio. Silence bd plutôt, jusqu’au 1987.

C’est en 1987, en effet, il y a trente ans, que Franquin a accepté de confier son personnage à un dessinateur belge, Batem.

Et c’est à partir de là que le Marsupilami est devenu un héros à part entière de la bande dessinée, sans jamais trahir ce que Franquin avait voulu qu’il soit.

Les premiers albums, d’ailleurs, créditaient Batem comme dessinateur, Greg comme scénariste, et Franquin comme metteur en scène. Et puis, Batem s’est retrouvé seul aux commandes graphiques de cette série, avec l’aide de quelques scénaristes au talent incontestable, comme Greg bien sûr, mais aussi Yann, Saive, Dugomier et, depuis quelques albums, Colman.

Humour, parfois décalé, mais toujours bon enfant, réflexion, aussi, sur notre monde, voilà les axes autours desquels ce personnage mythique du neuvième art continue, pour notre plus grand plaisir, à exister.

Batem: les origines de la série

A raison d’un album par an, le Marsupilami a évolué, bien sûr, il s’est intéressé aux problèmes écologiques de notre époque, suivant en cela, d’une certaine manière, ce que Franquin avait voulu, avec Gaston déjà, et de manière plus  » militante  » avec ses époustouflantes Idées Noires.

Il a évolué, oui, sans jamais vieillir, et il continue à séduire un large panel de lecteurs, des lecteurs de tous les âges, pour qui la nostalgie n’est pas (ou plus) un moteur…

Je sais que dans certains milieux qui se pensent intellectuels, le fait d’être populaire est considéré presque comme une tare.

Quand la popularité naît d’une démarche véritablement artistique, ce qui, c’est vrai, n’est pas toujours le cas, elle est le signe d’une vraie connivence entre auteurs et lecteurs, et se révèle, dès lors, à la fois ludique et intelligente.

Avec Le Marsupilami, c’est indéniablement le cas.

Et si le personnage a évolué au fil de ces trente dernières années, il continue toujours à faire autant sourire. A amuser. A plaire… Mais en devenant plus actuel, plus ancré dans une certaine forme d’écologie, oui…

Batem: un personnage qui défend la nature

Trente ans d’existence pour une série, qui deviennent 65 ans quand on pense à la première création du Marsupilami, cela se fête…

On aurait donc pu craindre un album  » souvenir « , ou un album de plus dans une belle série… Et il n’en est rien, puisque scénariste et auteur, Colman et Batem, ont décidé d’offrir à leurs lecteurs quelques belles surprises…

Construit en deux petites histoires, ce trentième album nous emmène dans une Palombie secrète, certes, mais aussi dans la grande famille des Marsupilamis, tout aussi secrète…

Batem: le nouvel album

N’oublions jamais que, selon ce qu’il disait lui-même, Franquin cherchait essentiellement à amuser, à faire sourire, à faire rire. Il était, graphiquement, d’une belle générosité, une générosité inventive, sans cesse, et toujours respectueuse de ses lecteurs.

L’héritage qu’il nous a laissé se retrouve, bien évidemment, dans ses séries cultes, de Spirou aux Idées Noires, en passant par Gaston. Mais il se trouve aussi ici, dans cette série dessinée par Batem, et qui nous enchantera encore pendant de longues années, très certainement !

 

Jacques Schraûwen

Palombie Secrète (dessin : Batem – scénario : Colman – éditeur : Dupuis/Marsuproductions)

Le Mystère du Monde Quantique: Lauréat Prix BD FNAC

Le Mystère du Monde Quantique: Lauréat Prix BD FNAC

Ne comptez pas sur moi, surtout, pour vous résumer, de quelque manière que ce soit, cet ouvrage qui nous parle d’un des aspects les plus étonnants de la science, celui de la physique quantique. Mais une des  » pistes  » du monde quantique devrait, cependant, vous livrer une clé pour entrer dans cet album avec plaisir : l’influence que peuvent avoir des événements qui ne se sont pas réalisés, mais dont on pense qu’ils auraient pu se produire… Et, qui sait, qu’ils se sont vécus dans des univers improbables mais existant, malgré tout, aux frontières parallèles de notre propre monde.

Et là, le côté ardu de la théorie quantique rejoint le fantastique et la poésie, c’est évident. Et c’est ce chemin-là que les auteurs ont choisi de suivre dans cet album extrêmement particulier. Un chemin qui a enchanté, sans aucun doute, le scénariste, par ailleurs scientifique, Thibault Damour.

Thibault Damour, le scénariste

Le scénario s’attache à la fois, donc, à la puissance scientifique de cette théorie quantique et à sa puissance évocatrice.

Mais pour que ce scénario  » tienne la route « , pour qu’il ne débouche pas sur un pensum trop ardu, il fallait qu’un dessinateur réussisse à entrer de plain-pied dans cet univers scientifique. Et c’est bien le cas de Mathieu Burniat, grâce à la rondeur de son dessin, grâce à un certain classicisme dans le découpage agrémenté d’une audace quant à la trame narrative.

Ce jeune auteur belge aime les paris à l’aspect impossible, et ce prix FNAC couronne, déjà, son éclectisme toujours ouvert à la qualité !

Mathieu Burniat, le dessinateur

Un prix mérité, donc, pour l’inattendu d’un tel album, et pour la réussite qui en fait, en définitive, un livre tout à la fois scientifique et poétique, romanesque et plein de réflexions sur notre propre univers, notre propre existence…

 

Jacques Schraûwen

Le Mystère du Monde Quantique (dessin : Mathieu Burniat – scénario : Thibault Damour – éditeur : Dargaud)

Le Retour en France d’Alphonse Madiba dit Daudet

Le Retour en France d’Alphonse Madiba dit Daudet

Deuxième volume d’une saga à  la fois truculente, ubuesque et terriblement moderne, ce livre nous montre une Europe et une Afrique politiquement totalement incorrectes ! Un petit régal !…

Dans le premier épisode, on suivait les tribulations de Madiba, obligé de quitter la France et de retourner dans son pays africain, imaginaire mais symbolique de ce grand continent sans cesse à la recherche de lui-même : la Balaphonie.

Dans ce livre-ci, il est donc de retour « chez lui »… Obligé de se faire passer pour un enseignant, obligé aussi de rembourser les sommes qui lui avaient été données pour qu’il aille faire fortune en Europe, il se sent abandonné par la chance et le bonheur!…

Son seul but, désormais, est double : en faire le moins possible, d’abord, et donc arrêter d’enseigner pour aller boire des bières avec des amis, et, ensuite, tout faire pour retourner en France d’où il a été expulsé.

Arnaqueur à la petite semaine, il va commencer par utiliser ce moyen que tous les utilisateurs d’Internet ont déjà croisé : envoyer des mails pleurnichards pour demander de l’argent !…

Mais ça ne fonctionne pas….

Rien ne semble, d’ailleurs, lui ouvrir des portes vers le continent européen !

Jusqu’au jour où il remarque, au cours de ses pérégrinations sur internet, que bien des agriculteurs célibataires français cherchent l’âme sœur en Afrique !

La décision de Madiba est vite prise : il  » accroche  » un de ces agriculteurs qui va venir l’épouser, vite fait, en Balaphonie. Il l’accueille, déguisé en femme, mais la supercherie est rapidement  découverte, et il est jeté en prison, avec les homosexuels, dans un pays qui condamne l’homosexualité comme un  » crime  » !…

A son corps défendant, il devient, puisqu’il est  » travesti « , symbole d’une lutte pour les droits de l’homme, de tous les hommes, surtout les gays! Et, à ce titre, il intéresse une avocate française qui va s’occuper de son cas… C’est dire que, à la fin de cet album, tous les espoirs d’un retour en France lui sont désormais permis !

C’est à une véritable galerie de portraits que nous invitent les auteurs de ce  » Madiba « . Portraits de personnages, bien sûr, truculents comme je le disais, de Madiba lui-même à sa tante, du consul de France au paysan français, d’un commissaire de police véreux à un sorcier incompétent, de quelques femmes en espérance, elles aussi, de quitter ce pays où ne règnent que corruption et misère.

Et finalement, c’est le portrait d’un pays, imaginaire certes, mais terriblement vraisemblable, que nous découvrons dans ce livre. Un pays, ses habitants, leurs rêves de connaître des ailleurs meilleurs, leurs envies de migrations pleines de promesses rarement tenues. Le propos, tout en sourires, tout en situations d’humour incontestable, se fait ainsi, malgré tout, sérieux, en une époque comme la nôtre où l’Afrique, comme je le disais plus haut, se cherche une identité forte.

C’est bien de culture, au sens large du terme, que ce livre, amusant de bout en bout, nous parle. De mélange de cultures, aussi, tant il est vrai que tout acte culturel ne peut qu’être  pluriel !

Le scénario d’Edimo est endiablé, mouvementé, sans temps mort.

Le dessin d’Al’Mata a des airs de naïveté qui ne sont qu’apparents : de construction tout à fait classique, ses planches rythment parfaitement le récit, et sa couleur, lumineuse, nous restitue plus que des ambiances fabriquées : une vraie vision d’un pays de chaleur et de beauté naturelle !

Je me dois aussi de souligner le plaisir vraiment tangible que le dessinateur a de dessiner des  » trognes « , de pousser jusqu’à la presque caricature les expressions de ses personnages.

J’avais aimé le premier tome… J’aime tout autant, plus même, ce deuxième volume ! L’éditeur, c’est vrai, n’est pas distribué partout… Mais n’hésitez pas à demander ce livre (et le précédent !…) à votre libraire, ou sur internet, vous ne le regretterez pas !…

 

Jacques Schraûwen

Le Retour en France d’Alphonse Madiba Dit Daudet (dessin : Al’Mate – scénario : Edimo – éditeur : L’HarmattanBD)