Pulp Mixtions : Petit Illustré de la Cruauté Ordinaire

Pulp Mixtions : Petit Illustré de la Cruauté Ordinaire

Petit livre, petits dessins, humour noir… Le quotidien de l’info telle qu’on ne vous la donne jamais ! Des faits divers pourtant tous vrais !

Pulp Mixtions © Anamosa

D’accord, c’est plus du dessin d’humour que de la bande dessinée… Du dessin de presse, même, dans l’acceptation la plus large de ce terme souvent galvaudé.

C’est, de toute façon, du dessin simple, sans fioritures, et dont le but n’est certainement pas d’être esthétique.

En fait, Matthieu Chiara se fait l’illustrateur d’une des parts les plus étranges, les plus sournoises, les moins ragoûtantes de l’être humain, dans sa grande majorité. Je veux parler d’une forme routinière du voyeurisme…

Il suffit, pour se convaincre de cette réalité humaine si peu humaniste, de regarder un journal télévisé et de voir les sujets mis à la une… Il suffit de regarder, lorsqu’un accident a lieu, la foule qui, très vite, s’agglutine…

Le fait divers, qu’on le veuille ou non, attire, intéresse, fait partie de nos conversations au jour le jour.

Le fait divers est la matière première de ces « Pulp Mixtions ».


Pulp Mixtions © Anamosa

Mais n’allez pas croire que Matthieu Chiara ratisse large… Que du contraire ! Il ne s’intéresse qu’au pire du pire, qu’à ses petites histoires qui démontrent que l’horreur fait partie intégrante de l’âme humaine, il n’illustre que tout ce qui, dans l’actualité, démontre la laideur, la bassesse, la bêtise des hommes et des femmes qui nous ressemblent…

Il nous raconte un homme qui bat son voisin avec un grille-pain, il nous parle d’un mari empoisonné par sa femme le jour de la Saint-Valentin, il nous dessine une grand-mère qui casse tous les rétroviseurs qu’elle croise !

Notre monde est sordide, semble-t-il ainsi nous dire, de page en page, de dessin en dessin. Sordide, certes, mais d’une turpitude qui, tout compte fait, mise en pleine lumière, fait aussi sourire… De quoi, peut-être, nous rendre toutes et tous moins voyeurs, donc moins cons !


Pulp Mixtions © Anamosa

Soyons honnête, ce livre s’inscrit dans une tradition française qui a vu éclore les talents de gens comme Siné, Vuillemin, Reiser, et bien d’autres, mais avec un dessin qui manque parfois de consistance.

Cela dit, je ne boude pas mon plaisir, et, ma foi, c’est bien du plaisir que j’ai ressenti en lisant ces quelque 90 dessins. Mais un plaisir, et c’est tant mieux, qui ouvre la porte aussi à bien des réflexions !

Je ne suis pas certain que ce petit livre se trouve facilement… Mais j’imagine que vous pourrez le commander chez votre libraire préféré, voire à contacter directement son auteur sur son site .

Bonne lecture !

Jacques Schraûwen

Pulp Mixtions (auteur : Matthieu Chiara – éditeur : Anamosa)

http://matthieuchiara.eklablog.com/

Les Petites Cartes Secrètes

Les Petites Cartes Secrètes

Familles recomposées et bande dessinée : un récit tout en tendresse et intelligence !

Tom et Lili sont frère et sœur. Séparés parce que leurs parents le sont et ont choisi de se partager leurs enfants. Tom et Lili sont fusionnels, également. Et, loin l’un de l’autre, ils s’écrivent et rêvent ensemble que leurs parents retombent amoureux l’un de l’autre !


Les Petites Cartes Secrètes © Delcourt

Le divorce, la séparation de deux enfants qui s’aiment, voilà le centre vital de ce livre.

Réussir à faire un livre amusant, tendre, romantique, désespérant, souriant, poétique, dramatique, tout cela en même temps, en prenant comme thème principal un vrai sujet de société, ce n’était pas évident du tout, certainement. Mais le résultat est à la hauteur de la gageure, sans aucun doute, et cet album est bien plus qu’une réussite : une véritable émotion d’écriture et de dessin !

Lili, la cadette des deux enfants héros (malgré eux) de cette histoire, vit avec sa mère. Tom, lui, vit avec son père.

La maman est dépressive, et Lili a toutes les peines du monde à lui rendre le sourire.

Le papa, lui, décide de refaire sa vie avec une autre femme, ce que refuse Tom.

Et Tom et Lili cultivent, au fil de leurs échanges de mots grâce à de simples cartes postales, un but identique, revivre ensemble, sans nuages, sans peine et sans haine !


Les Petites Cartes Secrètes © Delcourt

Et Tom, meneur naturel, imagine plan après plan pour rabibocher leurs parents, des plans que Lili, loin de lui, l’aide à réaliser. Des plans, évidement, qui ne fonctionnent pas, qui ne peuvent fonctionner, tant il est vrai que le monde de l’enfance et ses espérances ne peut que se heurter à la violente intransigeance de l’existence adulte !

Le canevas de ce récit est celui de ces cartes postales échangées, qui rythment à la fois la narration et l’appréhension du réel par ces deux enfants perdus et éperdus.

Tout se construit à partir de ces échanges épistolaires, dans un monde d’enfance qui n’est pas « connecté » et qui prend le temps de donner aux mots leur vraie puissance, celle de la vérité des sentiments exprimés !


Les Petites Cartes Secrètes © Delcourt

On pourrait s’attendre à une histoire « angélique », mettant en évidence la poésie et ses possibles, et mettant en avant la réussite de l’espérance.

Mais il n’en est rien, et ce livre, avec un dessin tout en douceur, tout en souplesse, un dessin simple comme le sont les sentiments des deux héros enfants, avec des couleurs et un graphisme qui pourraient être ceux d’un livre destiné à la seule jeunesse, ce livre, oui, n’évite aucunement les vraies difficultés à vivre la situation qui est imposée à ces deux enfants. Et la construction du scénario est telle que les rebondissements existent, savoureux parfois, profondément tristes d’autres fois, mais toujours traités à hauteur d’enfance !


Les Petites Cartes Secrètes © Delcourt

Je parlais d’un livre destiné à la seule jeunesse. Il n’en est rien, vous l’aurez compris. Mais c’est pourtant un livre « également » ouvert à un lectorat adolescent. Un lectorat qui sait, très souvent, ce qu’est la situation vécue par Tom et Lili. Des lecteurs qui prendront plaisir à voir que le drame peut aussi se révéler une porte ouverte vers de nouveaux chemins aux neuves promesses.

Ce livre m’a séduit, totalement. Sans aucune mièvrerie, il aborde de front un des réalités sociologiques de plus en plus présentes dans notre époque. Et il le fait avec intelligence, dans le propos comme dans le graphisme, il le fait avec réalisme et poésie en même temps, il le fait en laissant les événements eux-mêmes dramatiser les quotidiens qu’il nous raconte.

La Bande Dessinée s’attache souvent à nous donner une image du monde tel que nous le connaissons au jour le jour. Elle le fait rarement avec un regard qui reste celui de l’enfance, même lorsque l’horreur quotidienne prend vie.

Un livre, donc, qui ne pose pas de questions directes, mais qui permet à tous ses lectrices et lecteurs de s’en poser, en pensant à eux et à leurs proches.

Jacques Schraûwen

Les Petites Cartes Secrètes (dessin et couleur : Cyrielle – scénario et cartes postales : Anaïs Vachez – éditeur : Delcourt/une case en moins)


Les Petites Cartes Secrètes © Delcourt

Pin-Up – La French Touch

Pin-Up – La French Touch

L’érotisme discret et souriant de Patrick Hitte.

S’il est vrai que Patrick Hitte n’est pas un dessinateur de bande dessinée, force est cependant de reconnaître, d’emblée, que les femmes qu’il dessine mériteraient toutes d’être des héroïnes du neuvième art !

Pin-Up © Paquet

C’est dans les années 40 que le terme « pin-up » apparaît. C’était l’époque où les aviateurs dessinaient sur la carlingue de leur engin de mort une femme dévêtue. Un peu, sans doute, pour se rappeler à eux-mêmes qu’ils étaient encore humains, donc capables d’amour et de désir !

Mais la réalité des « pin-up », filles de papier à accrocher aux murs d’une chambre pour des rêves tout en douceur, cette réalité existe depuis bien plus longtemps que la guerre 40/45 !

Dès le dix-huitième siècle, les estampes légères et légèrement osées (voire bien plus !) ne manquaient pas. Et d’année en année, de siècle en siècle, de gravure en dessin, de peinture en photographie, de bd en illustration pure, la pin-up a fini par faire partie intégrante de la réalité sociologique de notre civilisation. Pour preuve, je vous invite à (re)découvrir toutes les revues légères de l’entre-deux guerres, Froufrou ou Le Sourire, qui mettaient en évidence les charmes tout aussi évidents de la Parisienne… Il en a été de même, quelques années plus tard, avec les premières revues consacrées au naturisme, des revues achetées par bien des non-adeptes de nudité publique !


Pin-Up © Paquet

Sociologique, oui, tant il est vrai qu’à chaque époque les « pin-up », quel que soit le nom qu’on leur donnait, se firent l’image même des idéaux féminins en cours, de la manière dont une société, à un moment précis de son histoire, de son évolution, créait ses propres codes, ses propres canons de la beauté.

Les femmes se devaient d’êtres pâles et corsetées au dix-neuvième siècle, puis rondes et pulpeuses, puis « garçonnes », puis vêtues de seules transparences, puis fines et élancées, puis ménagères, puis sportives…

Les pin-up, ainsi, de tout temps, ont été les miroirs des goûts amoureux et libertins d’un moment choisi de la grande histoire humaine !

Cela dit, une pin-up, c’est d’abord et avant tout un plaisir rapide, souriant, une sorte de gourmandise vite savourée… C’est une image de femme, une image qui réduit, c’est vrai, la femme à se révéler d’abord et avant tout en paysage d’intimes rêveries, mais qui, ce faisant, en fait également l’axe essentiel de ce qu’est la beauté. Donc de ce qu’est l’art, et l’envie que l’humain aura toujours de se faire le miroir de cette beauté quand elle se veut érotique.


Pin-Up © Paquet

Patrick Hitte est un dessinateur, un illustrateur. Un amoureux de la femme, aussi, libertine de façon à la fois discrète et évidente. Dans la filiation de Gil Elvgren et dans le compagnonnage de Hugault (ou de Dany), il nous montre des femmes souriantes, des regards qui fixent le lecteur-spectateur, il nous les montre à peine vêtues, ou déjà quelque peu dévêtues, il les immortalise dans des situations qui, le plus souvent, sont celles du quotidien et de l’habitude.

Le trait est souple, le mouvement toujours présent, la couleur est lumineuse.

Et la touche française, annoncée dans le titre, réside dans une proximité offerte au spectateur, une proximité toujours non caricaturale, toujours amusée, une proximité qui fait de ces femmes dessinées des êtres humains qui s’amusent à se montrer, à se dévoiler, à nous amuser !…

Jacques Schraûwen

Pin-Up – La French Touch (auteur : Patrick Hitte – éditeur : Paquet)


Pin-Up © Paquet