Olympus Mons : 1. Anomalie Un

Olympus Mons : 1. Anomalie Un

« Olympus Mons », c’est un volcan situé sur la planète Mars, d’une hauteur de plus de 22 kilomètres. C’est aussi, bien évidemment, une référence à la mythologie grecque. Et ici, c’est une aventure dans laquelle les extraterrestres occupent la place centrale !

 

Voici un livre qui ne peut absolument pas être résumé ! Le scénario s’apparente plutôt à un puzzle qu’à un récit linéaire. Un puzzle de lieux, de situations, de personnages.

Jugez-en… Pour une part de l’histoire racontée, on est sur la planète Mars, face à ce fameux Olympus Mons, en compagnie d’une équipe russe. Pour une autre part, c’est en 1492 qu’on se retrouve, avec Christophe Colomb face à une montagne rouge. Pour une autre part encore, c’est dans la Mer de Barents qu’on plonge à la découverte d’un objet qui semble posé sur une colline sous-marine. Un autre groupe de personnages monte une montagne en Turquie, et un dernier héros, médium, a des visions qui le mettent en présence d’extraterrestres enfouis sous la mer…

Et toutes ces histoires, morcelées, se mélangent dans cet album, se suivent, s’arrêtent, recommencent, d’une façon qui a l’air totalement anarchique. Mais qui ne l’est pas, puisqu’on comprend, assez vite, qu’un point commun les unit, au-delà des lieux et des époques, et que ce lien, fait d’anomalies, géologiques surtout, génétiques peut-être, fera toute la trame de cette série !

 

Il y a énormément de texte, dans cet album, trop peut-être !… Mais ce texte permet, en même temps, de donner une assise sérieuse, voire scientifique, à ce qui nous est raconté. Le texte est, finalement, le seul liant de ce livre, un liant qui, peu à peu, abandonne la réflexion pure pour entrer de plain-pied dans l’aventure.

C’est de la science-fiction, bien sûr, une science-fiction qui utilise quelques-uns des poncifs habituels au genre : la présence « d’anomalies », l’existence de civilisations extraterrestres, le besoin humain de dépasser ses limites, quelles qu’elles soient, la prépondérance dans notre société du pouvoir militaire. Ce qu’on dit officiellement, ce qu’on tait…

Mais l’intérêt de ce livre, premier de ce qui doit être une saga, on le devine, est de ne pas faire de ces poncifs des éléments pesants, mais de les utiliser comme des codes chers au genre sf, mais permettant des trouées vers le monde qui est le nôtre, aujourd’hui. On est moins dans la veine d’Asimov que dans celle de Bradbury.

 

Mais on reste dans une approche assez classique de la SF, malgré tout. Par le scénario, bien sûr, par le dessin aussi qui, malgré quelques prouesses techniques (et colorisées…) se révèle d’abord et avant tout d’un réalisme assez statique. Mais parfaitement assumé !

Ce n’est pas un mauvais livre, loin de là ! Mais c’est un premier tome…. Et j’attends, pour avoir un jugement plus complet sur cette aventure humaine et extraterrestre, de voir ce que la suite de cette série va nous réserver…

Cela dit, il plaira, très certainement, à tous les amateurs du genre, et je sais qu’ils sont nombreux !

A découvrir, donc, sans arrière-pensée…

 

 

Jacques Schraûwen

Olympus Mons : 1. Anomalie Un (dessin : Stefano Raffaele – scénario : Christophe Bec – éditeur : Soleil)

Les Nouvelles Aventures de Sibylline : Le Secret de Mélanie Chardon

Les Nouvelles Aventures de Sibylline : Le Secret de Mélanie Chardon

La petite souris créée en 1965 par le génial Raymond Macherot reprend du service. Et, ma foi, en une trentaine de pages, elle réussit un beau retour, quelque peu nostalgique, certes. Mais pas seulement !…

 

Quand on parle de Raymond Macherot, c’est de la grande histoire du neuvième art qu’on parle. C’est en 1959 que cet artiste complet a donné vie au colonel Clifton, un personnage à l’humour très flegmatique, vite suivi par d’autres héros tout aussi symboliques de l’essor de la BD dans les années 60 et 70 : Chlorophylle, Chaminou, Pantoufle et bien sûr Sybilline.

Bien entendu, Macherot n’a pas été l’inventeur de la bd  » humano-animalière « . Calvo, par exemple, en fut un représentant génial. Mais Macherot fut peut-être le premier à créer des personnages qui, immédiatement, plurent à tous les publics. Je me souviendrai toujours, par exemple, de ses rats noirs et de la blessure de Torpille qui, enfant, me faisait pratiquement sangloter, et ce de lecture répétée en lecture répétée !

Sibylline est elle aussi un personnage mythique de la bande dessinée, et on peut dire que reprendre aujourd’hui cette héroïne qui a fait les bonheurs des lecteurs de Spirou dans les années 60 tenait du pari, de la gageure, du défi même !

Un défi que Corteggiani, scénariste chevronné, a accepté de relever. Et si la réussite est au rendez-vous, c’est grâce à son talent de dialoguiste, sans aucun doute, un dialoguiste capable de mettre dans son scénario des mots lisibles à plusieurs niveaux de lecture, et, donc, de coller au monde d’aujourd’hui. Etre moderne, oui, mais sans trahir Macherot !

Corteggiani: un défi…

 

L’histoire de ce nouvel album, un récit concentré en trente planches, possède la linéarité qui était chère à Macherot. Taboum, l’ami de Sybilline, tombe sous le charme d’une affiche qui montre le portrait d’une horrible sorcière recherchée par un certain docteur Typhus, accompagné d’Ekzéma, un chat efflanqué. Cette horrible sorcière, affirme ce médecin, a un pouvoir de séduction extrêmement dangereux, et c’est la raison pour laquelle il la poursuit depuis de longues années.

La narration, donc, est assez simple. Mais pas du tout simpliste, comme je le disais, dans la mesure où les thèmes abordés, en arrière-plan ou de manière plus frontale, sont des thèmes qui parlent vraiment de notre époque : cet album est d’abord et avant tout une fable… Une fable sur la beauté, la séduction, l’amour, la passion, une fable sur l’amitié, une fable sur les rapports humains. Une fable, surtout, sur les apparences et la façon dont elles peuvent prendre le pouvoir sur la vérité !

Corteggiani: une fable…

 

Netch, dessinateur belge, a plongé avec délice dans l’univers de Macherot revisité par Corteggiani. Mais ce n’est pas vraiment du copier-coller qu’il nous livre. On a plutôt l’impression, en face de son dessin, de se retrouver dans un hommage pointu à Macherot, avec, de ci de là, des talents très personnels qui se montrent et s’affirment. La couleur par exemple, même si elle rappelle celle de Leonardo à l’époque de Macherot, est plus lumineuse, créant plus de contrastes… Et la façon dont il dessine le mouvement, dont il donne vie à ses petits personnages, la manière dont il donne à Sibylline des expressions immédiatement perceptibles, tout cela réussit à créer, au-delà de la nostalgie, une belle complicité avec les lecteurs d’aujourd’hui, j’en suis certain. Tout comme je suis certain que ses « méchants » auraient plu énormément à Macherot lui-même!

Necht et Corteggiani: le dessin

Ce n’est bien entendu pas un album innovant, c’est même un album qui s’inscrit ouvertement dans une démarche de continuité et d’hommage tout en même temps.

Mais c’est surtout une histoire attendrissante, un livre amusant à lire et à regarder, une de ces lectures qui ne se prend pas la tête et qui se veut, sans forfanterie, véritablement ouverte à tous les publics !

 

Jacques Schraûwen

Les Nouvelles Aventures de Sibylline : Le Secret de Mélanie Chardon (dessin : Netch – scénario : Corteggiani – éditeur : Casterman)

La Parole du Muet : La bergère et le malfrat

La Parole du Muet : La bergère et le malfrat

Fin des années 20, à Paris… Le cinéma est de moins en moins un art, de plus en plus une industrie. Mais quelques-uns croient encore à la beauté de ce qu’on n’appelle pas encore tout à fait le septième art…

 

 

     La Parole du Muet © Bamboo/Grand Angle

 

Parmi eux, Célestin, qui a quitté sa province, sa famille, le métier qui l’attend et dont il ne veut pas, pour accomplir ses rêves dans la ville lumière. Son rêve : devenir réalisateur !

Seulement, les chemins qui conduisent à cette espérance ont beau être pavés de bonnes intentions, c’est à un univers interlope que le Gros Célestin est confronté. Il parvient à trouver du boulot dans une salle de cinéma, certes, mais une salle sans beaucoup de public… Sauf à certains moments, certains soirs, dans la clandestinité, lors de la projection de petits films érotiques.

Dans ces films, une actrice aux impudeurs tranquilles attire Célestin, qui y voit une actrice extraordinaire.

Cette jeune femme, Constance, accepte de jouer pur Célestin… Et c’est cette jeune femme envoûtante, muette, qui se trouve au centre de ce second et dernier volume.

 

 

La Parole du Muet © Bamboo/Grand Angle

Laurent Galandon ne se contente pas de raconter une histoire qui pourrait n’être, finalement, qu’une idylle entre deux paumés de l’existence. Son scénario est extrêmement varié : il y a de l’aventure, il y a du rêe, du sentiment, du sentimentalisme même, du polar, aussi, une galerie de personnages tous plus vrais que nature, il y a de la haine… Au travers du cinéma de la fin des années vingt, Galandon nous brosse le portrait haut en couleurs de toute une époque, celle où la vie en paillettes cachait à peine la misère et les bas-fonds dans lesquels truands et riches dévoyés tenaient bien des leviers de décision.

Cela dit, son scénario, en ce qui concerne l’intrigue « policière », « aventureuse » en tant que telle est extrêmement bien construite, et fait penser, d’ailleurs, à ces « serials » qui fleurissaient dans le cinéma de l’âge d’or du muet. Et c’est et ce sera sans doute toujours la force de ce scénariste de réussir, avec talent, avec un sens aigu de l’observation, à mêler l’action et la réflexion, à rendre vivants des personnages qui, sous la plume d’autres scénaristes, n’auraient peut-être été que des caricatures.

 

 

 

 

      La Parole du Muet © Bamboo/Grand Angle

 

La parole du muet, c’est le silence de Constance, c’est le talent naissant de Célestin, c’est la solidarité des petites gens pour que leurs rêves à tous deux s’accomplissent. La parole du muet, c’est le cri de la vengeance que Constance veut mener. La parole du muet, c’est la puissance de l’image qui, petit à petit, prime sur le discours, jusque dans les prétoires.

La parole du muet, c’est du dessin, extrêmement expressif, traditionnel dans sa construction, mais résolument moderne dans son traitement qui cherche, sans cesse, à dépasser la simple anecdote, la simple description. Frédéric Blier dans un style qui, sans être réaliste, réussit à donner vie à des réalités tangibles, se révèle ici comme un dessinateur particulièrement doué du septième art.

Il faut aussi souligner le soin apporté par Sébastien Bouet au travail de la couleur. Ombres et lumières créent en elles-mêmes des perspectives qui accompagnent celles du scénario.

« La Parole du Muet », c’est un diptyque intelligent, passionnant même. Deux livres qui trouveront, sans aucun doute, une place de choix dans votre bibliothèque d’amoureux des septième et neuvième arts !

Jacques Schraûwen

La Parole du Muet : La bergère et le malfrat (dessin : Frédéric Blier – scénario : Laurent Galandon – couleurs : Sébastien Bouet – éditeur : Bamboo/Grand Angle)