64_page numéro 27 – une revue bd belge fête ses dix ans !

64_page numéro 27 – une revue bd belge fête ses dix ans !

Il s’agit d’une revue de récits graphiques… C’est-à-dire, plus simplement, une revue, indépendante, ouverte à la jeunesse de la bande dessinée, à des auteurs variés qui y trouvent l’occasion, la chance aussi parfois, de montrer leurs talents…

copyright 64page

Et cette revue fête cette année, en effet, ses dix ans d’existence, et cela mérite bien d’être souligné ! Et soutenu !…  Chaque numéro se construit autour d’une thématique précise. Ici, dans ce numéro 27, il s’agit du Japon…

copyright 64page

Un thème qui permet de découvrir des auteurs qui ne manquent vraiment pas d’intérêt, et dont certains, j’en suis sûr, brilleront bientôt… Wanwine, Harotin, Di Nunzio, Gemmel, réussissent par exemple à sortir des sentiers battus, chacun à sa manière, pour nous donner sa propre interprétation du Japon.

copyright 64page

Ce numéro, également, a un côté éditorial important, avec un très bel article consacré à Taniguchi. Avec, aussi et surtout, un hommage à l’immense Cécile Bertrand, morte il y a quelques mois, une dessinatrice de presse active dans les pages de cette revue, depuis des années, une dessinatrice de presse ayant bien souvent aidé les jeunes, une femme engagée, aussi, sans compromissions, et dont le décès s’est déroulé dans une sorte d’indifférence inacceptable… Cet hommage, donc, était plus que nécessaire !

copyright 64page

Elle fut coloriste, elle fut dessinatrice pour jeune public, elle fut aussi une collaboratrice active de cette revue 64_page. Elle fut surtout, et depuis des années, une observatrice de la vie qui nous entoure, du monde qui nous enserre. Tout au long de ses dessins de presse, vifs, efficaces, lucides… Intelligents et engagés, toujours, mais sans tape-à-l’oeil inutile!

copyright 64page

Cécile avait l’humilité du vrai talent… Elle était un regard… Elle ne s’est jamais mise en avant pour le seul plaisir d’un égo inutile… C’était, tout simplement, quelqu’un de bien… De vivant… De souriant…  Quelqu’un dont les engagements étaient ceux de la bienveillance, au long des conseils qu’elle prodiguait aux nouveaux venus dans le monde de plus en plus censuré du dessin politiquement incorrect…

copyright 64page

Cette revue, hors des sentiers battus, avec une vraie qualité d’impression et une belle variété de contenu, mérite, oui, d’être découverte… D’être soutenue, aussi ! N’hésitez pas à vous y abonner…

Jacques et Josiane Schraûwen

64_page numéro 27 (www.64page.com/abonnements)

copyright 64page
copyright centre de prévention du suicide

Bandes dessinées anciennes : Vivre ? – Un livre ancien, un livre intelligent…

Ce livre date d’il y a presque quinze ans. Je l’ai découvert lors de la fête de la BD, à Bruxelles… Et je pense que cet album mérite de ne pas être oublié, pour plusieurs raisons…

copyright centre de prévention du suicide

La première raison, et la plus importante sans doute, c’est son sujet : le suicide ! Oui, cette réalité dont les médias nous parlent, de temps en temps, comme pour se donner l’alibi de la réflexion sociétale et humaniste… Cette réalité qui touche, de nos jours, dans un silence souvent terrible, bien des gens, de toutes les générations, de toutes les origines sociales, cette volonté qu’a un être humain à décider de quitter définitivement le monde des vivants. Un monde dans lequel il ne se sent plus la possibilité d’exister…

copyright centre de prévention du suicide

Edité par le Centre de prévention du suicide, en 2010, cet album n’a pas été destiné à la vente. Il a été, si mes renseignements sont bons, distribué dans des bibliothèques, des centres médicaux, des manifestations publiques. On peut aujourd’hui le retrouver, je pense, en cherchant un peu… Son but était de faire réfléchir, d’ouvrir les yeux, simplement, sans discours moralisateur, sans appel de fonds, sans d’autre ambition que de laisser 13 dessinateurs de bd et un scénariste nous livrer leurs réactions dessinées face au suicide…

copyright centre de prévention du suicide

Quatorze auteurs, oui, qui, chacun à sa manière, se sont interrogés sur ce qu’est ce geste ultime, sur ce qu’il peut représenter, pour eux-mêmes, pour celles et ceux qui l’ont accompli, pour celles et ceux qui s’en sont revenus de ce lieu entre mort et vie, pour celles et ceux qui en ont été les compagnons ou les observateurs. Cela fait une couverture de Schuiten, d’abord, et, ensuite, douze récits rapides, incisifs parfois, poétiques aussi, douze petites histoires dessinées qui sont autant de jalons, non pas pour comprendre le geste du suicide, mais pour en approcher les méandres…

copyright centre de prévention du suicide

Ne cherchez pas dans ce livre un quelconque « message » bien structuré, bien scénarisé… Chaque auteur, et on le sent de page en page, a eu la liberté de nous offrir un propos sans jamais chercher à l’édulcorer… Cela fait des récits positifs, cela fait des récits pleins de regrets, cela fait des récits sombres et puissants, cela fait un livre hétéroclite qui, finalement, nous parle de nous, de nos propres angoisses, de nos propres manques d’attention, aussi, parfois, souvent…

copyright centre de prévention du suicide

Avec un album tel que celui-ci, ouvrant ses pages à plusieurs auteurs, on ne peut, lecteur, qu’apprécier certains chapitres, en aimer moins d’autres, c’est évident. Et c’est aussi la force de ce bouquin, justement, de ne rien imposer comme regard, comme réflexion. Encore moins comme « morale » ou jugement. Cédric Hervan nous décrit le suicide comme un dernier voyage conscient… Dimitri Piot nous raconte la nécessité, presque poétique, de retrouver le bonheur que la mort de l’aimée a effacé… Cédric Manche nous raconte le hasard qui peut arrêter ce qui semble inéluctable… Bernard Swysen construit une sorte d’enquête policière autour d’une mort volontaire… Jean-Marc Dubois, avec un dessin aux somptueux aplats de noir, nous parle de la mémoire peut-être plus forte que la mort… Marianne Duvivier, dans un style poétique qui lui appartient totalement, réussit à faire croire en l’espérance… Johan De Moor s’essaie à l’humour presque potache… Etienne Schréder parle de lui, et de la force de l’écriture, de la lecture… Renaud Collin et Vincent Zabus dessinent et écrivent la nécessité de l’écoute, la simple écoute de l’autre… Xavier Löwenthal réussit à mettre le doigt sur l’indifférence, cette terrible indifférence qui fait de la mémoire une force inutile… Romain Renard, en touches extrêmement sensitives, aborde la thématique des tentatives de suicide. Et l’excellent Maxime De Radiguès clôture ce livre avec la simple nécessité de l’amitié, de contacts réels entre les vivants…

copyright centre de prévention du suicide

Le voyage dans les paysages de la mort volontaire ne m’a pas été douloureux… Il m’a fait comprendre, et qui n’a pas besoin de comprendre, que le suicide est une route qu’on peut emprunter, sans espoir de retour, pour bien des raisons… Il m’a fait réfléchir à mes propres désespérances… A mes propres errances… Au besoin de l’âme de se trouver des raisons d’exister…

Ce livre est important, parce que non moralisateur, seulement ouvert à la réalité que les médias, aveugles tellement souvent, ne rendent visible qu’au travers de chiffres, de statistiques froides et formatées… Le suicide, la mort en général, ce ne sont pas des chiffres… Ce sont des drames, ce sont des volontés, ce sont des départs foudroyants. Ce sont des gestes qui, autour de nous, existent, et qui pourraient être évités, parfois, si nous prenions simplement le temps d’ouvrir les yeux.

D’aimer…

Jacques et Josiane Schraûwen

Vivre ? (album collectif édité en 2010 par « Centre de Prévention du Suicide »02 650 08 69 – ligne de crise 0800 32 123

Tous Nos Étés – Les souvenirs, les regrets, les tristesses… La vie !

Tous Nos Étés – Les souvenirs, les regrets, les tristesses… La vie !

J’aime les livres, je le dis souvent, qui laissent parler l’émotion, le cœur, avant tout le reste. Et c’est bien le cas avec ce livre, tout en demi-teintes, tout en tendresse, tout en sourires…

copyright grandangle

Comme chaque année, ou presque, la « famille » se retrouve, pour les vacances d’été, dans une maison qui est la leur, héritage en copropriété, en quelque sorte. Seulement, voilà, cela devrait être le dernier été vécu dans ce lieu porteur de tant de rêves et de tant de réalités… Une affaire d’héritage, oui, un oncle voulant vendre pour récupérer sa part et vivre sa vie, avec de neuves attaches.

Et c’est donc aux feux de ce dernier été que les auteurs de cet album nous offrent un livre choral… Un livre aux personnages assez nombreux, dont les destins, confondus, ne le sont cependant que par des réalités différentes vécues. Au centre de cette famille dans laquelle le mot « union » n’est pas une expression toute faite, il y a Julie. Du haut de ses trente ans, elle est enceinte. Elle est aussi, surtout peut-être, veuve… Et ce lieu loin des routines de la vie de tous les jours, c’est le cocon dans lequel elle aurait voulu, elle aurait aimé se perdre, un cocon solide et irréel en même temps, un endroit dans lequel le temps s’arrête au gré des souvenirs.

copyright grandangle

Pour elle, et grâce à cette famille qui l’entoure, survivre, c’est vivre quand même. Pour elle, le projet de devoir ne plus jamais revenir en cet endroit où elle vécut son amour, c’est une souffrance réelle. Mais une souffrance qu’elle montre peu… Porteuse à la fois d’un deuil et d’une vie à venir, Julie est peut-être la seule à sentir que cette maison a d’autres secrets que les siens… D’autres passés… Des secrets qui amènent les auteurs de ce livre à user d’une narration parfois déroutante, remontant dans le temps au rythme de souvenances qui, étrangement, ne sont pas uniquement celles de Julie… N’est-ce pas cela aussi, être vivant : dépendre de vies dont on n’a aucune idée…

copyright grandangle

Et, ce faisant, c’est un peu de l’Histoire qui est abordée, celle de 1959, celle de 1968. Ce faisant, c’est une sorte de long poème graphique que les auteurs nous offrent. Un poème, oui… Un de ces textes dans lesquels il faut s’enfouir pour en découvrir les mouvances, les impossibles rimes, les douceurs, les extravagances, les folies… Les routines, aussi… La poésie, c’est un lac sans fond dans lequel, en se plongeant, on se retrouve, on se découvre… La poésie de la mémoire, dans ce livre, c’est celle aussi d’un rythme ensoleillé qui entraîne les lecteurs dans une forme d’existence à la fois tranquille et unique…

copyright grandangle

Il y a dans cet album une vraie tendresse dont peu d’auteurs en bd sont capables… Et elle se dévoile au travers d’une description de la vérité d’une famille, dans laquelle il n’y a rien de formaté, dans laquelle, surtout, chaque membre a sa propre personnalité, son propre vécu. Il en résulte, au niveau du texte, du dialogue, l’utilisation d’un langage simple, quotidien… Emouvant aussi, comme cette question et sa réponse :

  • Tu vas mieux ?
  • On essaie.

Et s’il est vrai que la mort est omniprésente dans ce livre, il est tout aussi vrai qu’elle devient un vecteur de transmission, de continuité entre les âges et les gens… D’éternité, en quelque sorte. Oui, ce livre est un livre sur l’Amour, au-delà du temps, de tous les temps !

copyright grandangle

Le texte de Séverine Vidal, vous l’aurez compris, m’a superbement séduit… Il en va de même pour le dessin de Victor L. Pinel… On y ressent véritablement l’ambiance lumineuse et parfois en demi-teintes de ces vacances au soleil que nous avons toutes et tous un jour vécues… Ses couleurs sont un outil graphique essentiel à la sensation et l’émotion du temps qui passe… Son trait, semi-réaliste, permet de ne rien alourdir d’un sujet qui, tout compte fait, touche de très près à la vie de tout un chacun. Et son travail sur les visages et, plus précisément encore, sur les bouches de ses personnages, permet un vrai mouvement au sein de chaque planche…

copyright grandangle

Un très bon livre… Un livre à la fois souriant et émouvant, un livre « positif », mais loin des modes qui nous imposent de l’être… Un livre humain, tout simplement, dans lequel, comme dans la « vraie vie », les souvenirs sont de l’infini les mille survies…

Jacques et Josiane Schraûwen

Tous Nos Étés (dessin : Victor L. Pinel – scénario : Séverine Vidal – éditeur : Grandangle – 160 pages – juillet 2024)