Saint-Barthélemy : Une série historique en trois tomes

Saint-Barthélemy : Une série historique en trois tomes

Pierre Boisserie au scénario et Eric Stalner au dessin, c’est l’assurance d’une bande dessinée qui laisse  la  place à l’aventure dans ce qu’elle peut avoir de plus épique… Et c’est bien le cas ici !

 

Saint-Barthélémy©Arènes BD

 

Le massacre de la Saint-Barthélemy, voilà bien une des horreurs de l’Histoire qui appartient à la mémoire collective. Une horreur que, malheureusement, d’aucuns perpétuent de nos jours en choisissant, encore et toujours, de mourir et de faire mourir au nom d’un dieu toujours muet.

C’est un thème, évidemment, qui a été bien des fois utilisé, en littérature, au cinéma, en bande dessinée également, avec l’excellent « Charly 9 » de Guérineau par exemple.

Pour Stalner et Boisserie, cependant, cet épisode qui vit l’assassinat gratuit de milliers de protestants et qui annonça l’arrivée au pouvoir d’un Henri IV pour qui Paris vaudra bien une messe, ce moment sanglant de l’histoire de France sert de canevas, de décor à une aventure humaine. C’est en effet  le destin d’un jeune protestant, Elie Sauveterre, que nous suivons dans ces trois albums. Un destin qui en croise d’autres, qui, grâce à quelques flash-backs particulièrement bien agencés, se définit dans la durée d’une existence, voire même de plusieurs existences parallèles. Il y a dans cette petite série un drame familial, un drame historique, de l’amour, de la violence, du pardon et de la haine, de pouvoir et de la lâcheté, du sang et des sourires, des mains tendues et des corps torturés…

 

Saint-Barthélémy©Arènes BD

 

Avec Pierre Boisserie, l’humain a toujours pris la première place, mais qu’on ne s’y trompe pas : cela n’empêche nullement les deux auteurs à plonger leur récit dans une grande Histoire particulièrement vivant, particulièrement bien décrite, bien racontée, avec un regard « historien » qui permet au lecteur lamda de mieux saisir cette époque lointaine qui ensanglanta Paris et la France au seul prétexte d’idées, de croyances, et de recherche insensée de pouvoir et de possession !

Son sens du dialogue fait merveille dans ces trois albums, et chaque personnage, de bout en bout et jusqu’à l’éclaircie des dernières pages, a son propre langage, sa propre manière de s’exprimer, ce qui, bien entendu, ajoute à la véracité de la narration.

Quant au dessin de Stalner, il s’inscrit résolument, depuis toujours, dans une démarche réaliste qui, elle aussi, affermit le propos et la réalité historique du récit.

Il faut aussi souligner le travail de la coloriste qui, au-delà des seules ambiances, réussit, avec une palette assurée, à mettre en scène véritablement ce qui nous est raconté. Ses rouges flamboient, ses clairs-obscurs mettent les visages et les expressions en évidence, le tout avec un véritable talent qui dépasse la seule colorisation.

Au total, une très belle série, animée, possédant tous les ingrédients d’une bien agréable lecture !

 

Jacques Schraûwen

Saint-Barthélemy (dessin : Eric Stalner – scénario : Eric Stalner et Pierre Boisserie – couleurs :  Florence Fantini – éditeur : Les Arènes BD)

 

Les Schtroumpfs Et Le Dragon Du Lac

Les Schtroumpfs Et Le Dragon Du Lac

C’est en 1958 que les Schtroumpfs ont vu le jour. Ces lutins bleus au langage expressif plus que précis ne devaient qu’être des faire-valoir dans la superbe série Johan et Pirlouit, de Peyo. Mais 60 ans plus tard, ce sont ces personnages typés qui continuent à enchanter des lecteurs de toutes les générations !

 

 

Les Schtroumpfs©Le Lombard

 

Et nous voici donc en face de la trente-sixième « Histoire des Schtroumpfs ».

A chaque fois que je prends entre les doigts un album de ces petits héros qui réussissent à mêler la folie pure à la sagesse la plus moralisatrice, je ne peux pas m’empêcher de voir surgir de ma lointaine enfance des sensations qui s’accompagnent de frissons… Combien de fois ai-je lu « Les Schtroumpfs Noirs », avec toujours les mêmes peurs aux mêmes endroits du récit ? Il faut dire que les premiers albums de cette série ont bénéficié du talent anarchiste et déjanté de l’immense Yvan Delporte ! Et que, sous la houlette de Peyo et de Delporte, les Schtroumpfs pouvaient s’apprécier à différents niveaux de lecture, donc à différents âges de lecteurs !

 

Les Schtroumpfs©Le Lombard

 

Bien sûr, le succès d’édition étant ce qu’il est, le succès international, aussi, grâce au cinéma d’abord, grâce à la télévision ensuite, les scénarios des Schtroumpfs sont devenus plus simples, plus immédiats, plus linéaires. Mais ces minuscules héros, héritiers, tout compte fait, de légendes qui courant à travers toute l’Europe, n’ont jamais cessé de plaire… A un public nostalgique, au fil des années, sans doute, mais aussi à un public intergénérationnel. Les parents ont aimé les Schtroumpfs, leurs enfants aussi, leurs petits-enfants également !

Cette série est devenue aujourd’hui, incontestablement, de la bande dessinée pour jeune public avec, de ci de là, des réflexions plus adultes, plus années en tout cas sur le monde tel qu’il est : le racisme, l’ambition, la  maladie, la différence, de peau ou de languee, par exemple… Mais toujours en utilisant des codes de lecture et de narration immédiatement accessibles, avec des méchants récurrents, comme Gargamel, sans lesquels il n’y aurait aucun contrepoint à la gentillesse des petits héros bleus au bonnet blanc.

Dans cet album-ci, pas de Gargamel !

 

 

Les Schtroumpfs©Le Lombard

 

Pas de méchant sorcier, non, mais un autre méchant qui, cette fois, n’a pas du tout les apparences d’un personnage à ne pas aimer de but en blanc ! Un méchant moins manichéen, blond, jeune, souriant. Mais un vrai méchant qui a emprisonné son oncle, Florimond de Jolival, pour lui voler son château et toutes ses possessions et agir en vrai dictateur.

Mais voilà, le baron Florimond avait recueilli un dragon que le Grand Schtroumpf avait déjà côtoyé en 1964, dans le superbe album de Johan et Pirlout, « Le Pays Maudit ». Et ce dragon, Fafnir, qui ne crache plus que de l’eau, vient chercher de l’aide chez les Schtroumpfs. Des Schtroumpfs qui, bien sûr, vont aller sauver le baron, réinstaller la paix et le plaisir de vivre dans la population, le tout sans violence !

 

Je me dois de dire que j’ai éprouvé un réel plaisir à retrouver Fafnir ! J’ai toujours aimé, chez Peyo et ses successeurs, cette manière qu’ils ont à transformer au fil de leurs récits d’enfantines angoisses en sourires bienveillants !

Et j’ose dire que ce trente-sixième opus d’une des séries mythiques du neuvième art remplit parfaitement son contrat ! Il fait sourire, il amuse, il se lit d’une traite, avec des dialogues qui ne cherchent qu’à accentuer la lisibilité de l’aventure sans jamais chercher à éblouir.

Serais-je nostalgique ?… Oui, sans doute, mais pas plus que tout un chacun qui aime, de temps en temps, retrouver adulte les traces de son enfance… Et  nostalgique avec la certitude, pour cet album-ci du moins, que les Schtroumpfs ont encore de bien beaux jours devant eux, et bien des sourires d’enfants à faire naître !

 

Jacques Schraûwen

Les Schtroumpfs Et Le Dragon Du Lac (créateur : Peyo – dessin : Jeroen De Coninck et Miguel Diaz- scénario : Alain Jost et Thierry Culliford – couleurs : Nine Culliford – éditeur : Le Lombard)

 

Trump en 100 Tweets

Trump en 100 Tweets

Un livre et une exposition réjouissants….

 

Voici le portrait de l’empereur politique incontesté et incontestable du tweet ! Une sélection et quelques détournements de Vanessa Duhamel, dessinés par l’immense François Boucq.

 

 

François Boucq est un auteur qui a toujours réussi à concilier deux carrières très différentes. D’une part, la bd réaliste absolument parfaite, avec, par exemple, l’extraordinaire série western Bouncer. Avec, aussi, plusieurs albums scénarisés par Jérome Charyn, comme « Bouche du Diable », d’une actualité brûlante… Et d’autre part, dans Fluide Glacial entre autres, François Boucq a toujours aimé cultiver un sens de la dérision extrêmement iconoclaste, à la limite souvent du surréalisme le plus débridé, avec un personnage emblématique, Rock Mastard.

Aujourd’hui, il trouve un personnage encore plus fou et démesuré, le président américain Trump, et sa manière graphique de nous en faire le portrait est absolument jouissive ! A découvrir dans un petit livre et aux cimaises d’une exposition à Paris.

 

 

          Trump© Éditions I

 

Je ne vais pas ici me lancer dans une analyse politique de ce politicien aux cheveux transparents et de sa façon de communiquer manquant pour le moins de subtilité. On parle assez de lui dans tous les médias que pour ne pas en rajouter une couche !…

Par contre, ce que je peux souligner, c’est le talent extraordinaire de François Boucq, devenant ici dessinateur de presse. Son dessin, en effet, ne se contente pas de gribouillis plus ou moins réussis comme le font bon nombre de dessinateurs de presse. Ce qui l’intéresse, comme dans ses bandes dessinées, ce sont les personnages, les visages, les expressions, les mouvements. Et sa façon de rendre compte des mimiques de Trump est absolument phénoménale. C’est du portrait, réellement, du portrait éclaté, du portrait qui pointe dans chaque dessin sur des détails insignifiants qui, pourtant, finissent par être terriblement signifiants.

 

     Trump© Éditions I

 

La bêtise humaine n’a pas de borne. Elle en a même de moins en moins… Et même si Malraux, en disant en son temps que « le 21ème siècle sera religieux ou ne sera pas », n’avait pas totalement tort, il aurait dû ajouter que cette « religiosité » ne serait qu’absence d’humanisme… Et qu’elle se compléterait par une volonté de bien des dirigeants de notre planète de ne vivre qu’au travers de leurs propres reflets.

Et ce petit livre, en « dés-hommage » totalement irrespectueux de Trump, ne nous montre cet être étrange qu’au travers du prisme de ses propres miroirs, en fait ! Miroirs de mots, miroirs d’attitudes, miroirs toujours déformants et sans cesse déformés.

On rit, on sourit, mais on grince des dents aussi. Tout simplement parce que l’absence totale de distanciation face à soi-même et face au pouvoir que l’on détient, cette absence ne peut, finalement, que faire peur, horriblement peur !

 

 

          Trump© Éditions I

 

L’humour, le vrai, le seul, est, comme le disait je ne sais plus qui, la politesse du désespoir. Mais Boucq et Duhamel en font ici quelque chose de totalement impoli, d’une impolitesse qui, cependant, n’abuse jamais d’agressivité. Les mots de Trump choisis ici et les dessins qui les illustrent sont des tranches de vie, des comptes-rendus, en quelque sorte, d’une existence particulière, celle d’un homme dont les ambitions restent inconnues et de toute façon, aussi incontrôlables que ses tweets !

 

Jacques Schraûwen

Trump en 100 Tweets (un livre de Boucq et Duhamel, chez éditions i – une exposition à Paris, à la galerie Huberty Breyne à la rue Saint-Honoré)