Les 7 Ours Nains contre Le Gros Méchant Loup – Et si nous revisitions les contes de l’enfance avec Emile Bravo ?

Les 7 Ours Nains contre Le Gros Méchant Loup – Et si nous revisitions les contes de l’enfance avec Emile Bravo ?

Emile Bravo, c’est l’auteur d’un Spirou exceptionnel (le journal d’un ingénu- l’espoir malgré tout), certes, c’est aussi l’auteur d’une série jeunesse parfaitement maîtrisée (Jules), et c’est un grand gamin qui s’amuse à réécrire les contes les plus célèbres !

copyright seuil

On nous dit que les livres de cette série, « Les Sept Ours Nains » sont destinés à un jeune public… C’est assurément vrai ! Mais il est tout aussi vrai qu’ils ne pourront également que plaire à un autre public, celui des adultes qui se réjouiront en voyant se réinventer, au long de quelques bandes dessinées en format italien, les histoires qui ont bercé leur enfance, et qu’Emile Bravo détourne avec brio… Avec imagination… Avec un œil qui frise autant que frisent ses dessins…

copyright seuil

Dans cet album, le cinquième de la série je pense, les sept ours nains ont quitté le cirque pour lequel ils travaillaient, et décident de reprendre leur vie d’avant les paillettes trompeuses du « spectacle »… Mais, dans la forêt, ils rencontrent un petit chaperon rouge en larmes parce que le Loup a mangé sa grand-mère… Ils découvrent que ce qui devrait être leur maison est occupée par sept nains pas du tout accueillants… De péripétie en péripétie, le récit d’Emile Bravo file dans tous les sens avec un sens de la logique, cependant, qui lui est propre et qui, ma foi, est bien plus que réjouissant !

copyright seuil

Logique, oui… Iconoclaste aussi, mais toujours gentiment… Jouissif, on le sent, d’abord pour l’auteur, ensuite pour ses lecteurs… Ces sept ours qui découvrent que la fraternité est une richesse sont attendrissants, ridicules parfois, souriants souvent, mignons comme des peluches livrées aux pires des horreurs, aussi !

copyright seuil

Des horreurs, oui, comme ce combat qui oppose les sept petits ours aux sept « vrais » nains… Comme cet ogre qui aime la chair des enfants, des vieux, et des petits ours, qui possède des bottes de sept lieux… Comme une happy end qui, finalement, délire totalement dans des nausées dessinées avec, on le sent, une jubilation de petit gosse content de dire et de dessiner d’énormes bêtises ! Oui, je suis certain qu’Emile Bravo reste un môme capable de nous parler de la guerre avec Spirou, capable d’imaginer l’adolescence ancrée dans le monde d’aujourd’hui, capable aussi de s’amuser en nous baladant, au gré de ses douces folies, dans des contes ancrés à nos mémoires et qu’il mélange avec un plaisir pour le moins communicatif !

copyright seuil

Et puis, ce faisant, Emile Bravo reste un adulte ayant envie de dire aux enfants qui le lisent, aux grands enfants aussi qui sont leurs parents, que les histoires sont faites pour être réinventées, toujours… Que les apparences ne sont que des miroirs déformants… Que l’ogre et le loup ne sont pas vraiment, peut-être, ce qu’ils ont l’air d’être…

Cela ne signifie pas que cette bd, cette série, possède une morale ! Ce mot, je pense qu’il ne fait pas partie de l’univers de Bravo… Son univers, c’est de nous offrir des récits, variés, dans lesquels, définitivement, la vie, en une sorte de labyrinthe tranquille, reste victorieuse…

Et, ma foi, je suis vraiment plus que séduit par ses sept ours nains qui parviennent, en usant et abusant de références ultra-connues, à devenir des compagnons de rêveries pour tout un chacun !

Jacques et Josiane Schraûwen

Les 7 Ours Nains contre Le Gros Méchant Loup (auteur : Emile Bravo – couleur : Anna Benoit – éditeur : Seuil jeunesse – 2024)

64_page numéro 27 – une revue bd belge fête ses dix ans !

64_page numéro 27 – une revue bd belge fête ses dix ans !

Il s’agit d’une revue de récits graphiques… C’est-à-dire, plus simplement, une revue, indépendante, ouverte à la jeunesse de la bande dessinée, à des auteurs variés qui y trouvent l’occasion, la chance aussi parfois, de montrer leurs talents…

copyright 64page

Et cette revue fête cette année, en effet, ses dix ans d’existence, et cela mérite bien d’être souligné ! Et soutenu !…  Chaque numéro se construit autour d’une thématique précise. Ici, dans ce numéro 27, il s’agit du Japon…

copyright 64page

Un thème qui permet de découvrir des auteurs qui ne manquent vraiment pas d’intérêt, et dont certains, j’en suis sûr, brilleront bientôt… Wanwine, Harotin, Di Nunzio, Gemmel, réussissent par exemple à sortir des sentiers battus, chacun à sa manière, pour nous donner sa propre interprétation du Japon.

copyright 64page

Ce numéro, également, a un côté éditorial important, avec un très bel article consacré à Taniguchi. Avec, aussi et surtout, un hommage à l’immense Cécile Bertrand, morte il y a quelques mois, une dessinatrice de presse active dans les pages de cette revue, depuis des années, une dessinatrice de presse ayant bien souvent aidé les jeunes, une femme engagée, aussi, sans compromissions, et dont le décès s’est déroulé dans une sorte d’indifférence inacceptable… Cet hommage, donc, était plus que nécessaire !

copyright 64page

Elle fut coloriste, elle fut dessinatrice pour jeune public, elle fut aussi une collaboratrice active de cette revue 64_page. Elle fut surtout, et depuis des années, une observatrice de la vie qui nous entoure, du monde qui nous enserre. Tout au long de ses dessins de presse, vifs, efficaces, lucides… Intelligents et engagés, toujours, mais sans tape-à-l’oeil inutile!

copyright 64page

Cécile avait l’humilité du vrai talent… Elle était un regard… Elle ne s’est jamais mise en avant pour le seul plaisir d’un égo inutile… C’était, tout simplement, quelqu’un de bien… De vivant… De souriant…  Quelqu’un dont les engagements étaient ceux de la bienveillance, au long des conseils qu’elle prodiguait aux nouveaux venus dans le monde de plus en plus censuré du dessin politiquement incorrect…

copyright 64page

Cette revue, hors des sentiers battus, avec une vraie qualité d’impression et une belle variété de contenu, mérite, oui, d’être découverte… D’être soutenue, aussi ! N’hésitez pas à vous y abonner…

Jacques et Josiane Schraûwen

64_page numéro 27 (www.64page.com/abonnements)

copyright 64page
Sous Terre Pour Survivre : 1. Pogrom

Sous Terre Pour Survivre : 1. Pogrom

Un livre de plus sur la guerre 40-45 et ses massacres ?… Non, un premier album d’une histoire dans laquelle cette guerre nous est montrée à hauteur d’enfance…

copyright Flachs

Nombreux sont les livres consacrés à la guerre, à la résistance, à l’horreur de la shoah… Parmi eux, nombreux sont les vrais chefs d‘œuvre d’intelligence et d’émotion, comme « Irena », ou « Les enfants de la résistance ». D’autres livres, un peu trop nombreux à mon goût, nous racontent des histoires héroïques… Certes, l’héroïsme a existé, mais je ne pense pas qu’il soit de bon ton, aujourd’hui, d’essayer d’en refaire une valeur ! D’autres livres, aussi, dressent un portrait froid de cette époque, un portrait sans âme, purement historique. A mon humble sentiment, ces livres me semblent assez inutiles, comme « Oradour » de Miniac et Marivain.

copyright lamiroy

D’autres livres, enfin, sacrifient à une mode, à un mouvement de l’actualité, comme toutes ces bandes dessinées consacrées à Oradour, ou aux résistants de l’Affiche Rouge… Même si, parmi ces derniers albums, certains sont des vraies réussites, je pense que d’autres sont simplement l’essai de quelques-uns de se donner une bonne conscience !

Ce livre-ci, que j’ai décidé de partager avec vous, est étonnant de lucidité, d’émotion, oui, ingrédient essentiel à la réussite de toute réalisation artistique… C’est un livre de mémoire, construit comme l’est la mémoire humaine, avec des allers-retours incessants entre ce qui fut et ce qui est… Avec des souvenirs qui sont tantôt ceux d’images, de lieux, de bruits, tantôt ceux de peurs, de fuites, de douleur, tantôt encore de visages, de noms, de gestes…

copyright lamiroy

Ce livre nous raconte les souvenances de Gisèle Flachs qui fut enfant en Pologne et puis en Ukraine, Juive sous le pouvoir absolu d’une idéologie dont la répugnance n’arrête pas de vouloir ressurgir (et y arrive bien trop aux quatre horizons de notre planète, sous l’œil indifférent de l’ONU et de toutes les « démocraties » bien-pensantes) ! Gisèle Flachs, une petite fille à qui l’Histoire a volé son enfance… Une petite fille qui a survécu, envers et contre tout, et qui a raconté son histoire, bien plus importante que l’Histoire majuscule, dans un livre extrêmement simple, extrêmement puissant.

copyright lamiroy

David Peeters, l’auteur de cette « adaptation », en trois volumes je pense, nous parle, en fait, de la non-disparition du chagrin… De la nécessité, pour exister plutôt qu’être, de refuser les mémoires officielles, fonctionnarisées… De ces cimetières qui sont parfois la conscience du temps qui passe… Du déni des gens bien-pensants, aussi : « Les camps ?… Jamais entendu parler ! »… De la peur, de l’espoir, de la désespérance devenant une nécessité de vie…

Ce faisant, David Peeters évite la facilité d’un récit linéaire chronologiquement parlant. Il dessine au rythme d’une mémoire qui n’est pas la sienne, mais qu’il s’approprie avec une véritable amitié, ai-je envie de dire. Il remet les choses en place, et nous parle des gens normaux, de ces civils, aussi, qui furent des masses à accepter la haine comme conduite quotidienne, des civils oui, qui ne furent pas moins dégueulasses que les hommes en uniforme nazi.

copyright lamiroy

David Peeters a derrière lui une existence bien remplie, dans le monde de la cuisine, de la peinture, de l’érotisme, de l’édition, de la bd. Ici, avec un dessin qui évite toutes les caricatures, toutes les démesures, avec un récit qui, totalement, s’inscrit dans une volonté d’humanisme, il arrive à une maîtrise de son graphisme en noir et blanc imposante… Bien sûr, on y trouve des références, une filiation, avec des auteurs comme Comès ou Chabouté. Mais sa façon de construire son histoire, de la découper, de créer des planches aux perspectives proches du style des comics américains, tout cela rend son travail, artistique mais aussi humain, d’une belle originalité.

copyright lamiroy et flachs

Un excellent livre, vous l’aurez compris. Un de ces livres qui provoque chez les lecteurs des interrogations, des remises en question, des moments de silences réfléchis… Un livre que, je pense, on ne peut pas « critiquer », mais bien « chroniquer »… C’est-à-dire en parler comme un simple lecteur qui, face à une œuvre, quelle qu’elle soit, se décide de parler de lui, de ses sensations, de ses idées.

Un excellent livre, oui… Intelligent et graphiquement abouti… Un livre qui devrait, je pense, se retrouver bien vite en bonne place dans votre bibliothèque…

Jacques et Josiane Schraûwen

Sous Terre Pour Survivre : 1. Pogrom (auteur : David Peeters – éditeur : Lamiroy – avril 2024 – 114 pages)