Ce que disait, hier, une de mes filles : « C’est avec une profonde tristesse que j’ai appris ce matin, via la radio, le décès du grand Akira Toriyama. En sortant de ma voiture, j’ai interpellé mes collègues, mais aucun d’entre eux ne connaissait ce nom… »
Et pourtant, Akira Toriyama a marqué l’enfance et l’adolescence de beaucoup d’entre nous !
Je me souviens encore des soirées où j’empruntais discrètement des mangas à ma sœur aînée pour les dévorer dans ma chambre. A 16 heures, en rentrant de l’école, je m’installais devant la télévision. Je me retrouvais plongée dans des combats épiques entre Freezer et Sangohan, des résurrections grâce aux 7 boules de cristal, ou encore des péripéties de Trunk et Sangoten.
Oui, Akira Toriyama, c’est tout cela ! C’est Dragon Ball !! Ou, pour être plus précise, c’est le génial créateur de Dragon Ball. Et là, je suis sûre que vous situez ! Personne n’a pu traverser les années sans entendre parler de Dragon Ball, sans en fredonner les génériques français, sans croiser les personnages.
À mes yeux, et ce n’est que mon avis, ce grand homme reste le père des Shônen, vous savez, ces mangas que l’on considère, à tort, destinés aux garçons et qui suivent un « Nekketsu », un canevas récurrent qui raconte généralement l’histoire d’un héros, souvent orphelin, abandonné, parfois rejeté et qui pourtant renferme en lui un grand pouvoir et dont la naïveté et la bonté vont le faire s’entourer d’une bande d’amis fidèles.
Bien sûr, Akira Toriyama est également le créateur du Docteur Slump et de bien d’autres œuvres. Il a contribué à pas mal de projets, comme les jeux vidéo Dragon Quest ou Blue Dragon, mais c’est la franchise Dragon Ball qui l’a propulsé au sommet de la renommée.
En ce mois de mars 2024, « l’univers geek » perd une grande figure, mais, heureusement, la relève est assurée, notamment avec des pépites comme Demon Slayer (Kimetsu No Yaiba), My Hero Academia (Boku No Hîro Akademia), Jujutsu Kaisen …
Merci à Akira Toriyama d’avoir marqué mon enfance, mon adolescence et d’avoir inspiré toute une génération de nouveaux mangakas.
Un album « hommage » à des auteurs qui ont fait, jusqu’en 1988, les beaux jours de bien cds enfances… Un album nostalgique ?… Oui, sans aucun doute. Mais pas uniquement !…
Ce sont 80 auteurs, dessinateurs et scénaristes, qui illustrent cette nostalgie. Des auteurs qui ont, certes, grandi en lisant les pages d’un magazine désormais défunt, mais des auteurs, aussi, beaucoup plus jeunes… Et ces rencontres entre un passé révolu et des artistes d’aujourd’hui forment une sorte de paysage improbable d’une aventure littéraire exceptionnelle : celle de la bande dessinée.
Ce livre, épais de quelque 400 pages, ne se contente pas de dessins… Il s’ouvre d’ailleurs sur un article de Daniel Couvreur qui, dans un style vif, documenté, nous parle de l’univers de Tintin, en nous disant qu’il s’enrichit du temps qui passe. Un article de fond, donc, qui est un peu comme un panégyrique d’Hergé et de son œuvre. C’est son admiration pour un artiste qui occupe une place importante dans le monde du neuvième art qui transparaît au travers des propos de Daniel Couvreur, peut-être parfois trop louangeurs. Mais c’est, je le répète, un article honnête et extrêmement bien fouillé.
Plus loin dans l’album, un deuxième article vient tempérer le portrait encenseur du « maître » Hergé. Un article de Jérôme Dupuis, intitulé « Les fabuleuses aventures du journal Tintin ». Un texte dans lequel l’auteur nous dresse le portrait d’un journal et de sa vie au quotidien, ai-je envie de dire… Un article dans lequel la figure emblématique d’Hergé nous est montrée sans fards… Sans faux-semblants… Hergé n’était pas un saint, loin de là, et Jérôme Dupuis nous le montre en maître incontesté (et obligatoirement incontestable et donc à contester) d’une ligne éditoriale (et graphique) qu’il imposait fermement. Les conflits furent nombreux entre Hergé et ses « employés », et plusieurs nous sont racontés dans cet article… Mais ce qui nous y est aussi et surtout raconté, c’est le creuset extraordinaire qu’a été le magazine Tintin, sous Hergé, mais aussi sous des rédacteurs en chef comme Greg. C’est après Hergé, en effet, que sont nées des bandes dessinées, dans les pages de « Tintin », qui, peu à peu, ont transformé les petits mickeys bien- pensants en œuvres de plus en plus adultes dans leurs thématiques, mais toujours destinées à tous les publics…
Un troisième article analyse de manière sérieuse, avec des interviews, ce que fut la place de la femme dans le journal des jeunes de 7 à 77 ans. Anne-Claire Norot fait œuvre, en quelque sorte, d’historienne de la bd, à travers le prisme d’une évolution qui ne fut pas toujours aisée, loin s’en faut, évolution sociétale et, donc également, artistique… Il y eut des présences féminines dans les récits parus dans «Tintin », mais correspondant toujours à une époque bien précise… Chez Michel Vaillant comme chez Modeste et Pompon, les femmes sont secondaires… Quant aux autrices, c’est avec Liliane Funcken qu’elles ont commencé, discrètement, à se révéler, jusqu’à ce que naissent, de nos jours, des autrices exceptionnelles comme Alix Garin, Mobidic, Clara Lodewick, et bien d’autres encore.
Un dernier article, de Julien Bisson, nous montre que, certes journal pour jeunes, Tintin s’est quand même très souvent ouvert à des thèmes sérieux, au fil des époques traversées par ce magazine… « La multiplicité des genres », pour les scénarios comme pour les graphismes, a permis aux lecteurs de découvrir des personnages comme « Simon du Fleuve », « les Scorpions du désert », et l’époustouflant et trop oublié « Martin Milan » (oublié, oui, jusque dans les pages de cet hommage…).
Cela dit, cet album-hommage est surtout un objet « dessiné » qui mérite le détour, largement ! Et qu’il y ait des oubliés, comme Christian Godard, Dany Futuro, Chick Bill, et d’autres, c’est tout compte fait normal… Tant et tant d’artistes importants, essentiels parfois, sont passés par les pages de ce journal dont les héros réussissent encore et encore, pour ma plupart d’entre eux, à ne pas vieillir!
Comme dans toute « anthologie », il y a bien évidemment des « nouvelles dessinées » qui déplairont à certains, qui en hérisseront aussi d’autres… Mais l’avantage d’un album comme celui-ci, c’est aussi de pouvoir zapper, se promener…
Zapper… C’est, par exemple, un peu ce qu’a fait Boucq en baladant son Jérôme Moucherot chez Franquin, chez Tibet, chez Hermann et Rosinski !
Et, honnêtement, que de belles surprises dans ce livre !… Je suis certain que chacun y trouvera, avec et sans nostalgie, son bonheur, son plaisir de lecteur en tout cas. Comment, par exemple, ne pas être séduit par Philippe Foerster s’appropriant l’univers de Clifton ?
Comment ne pas être ému, aussi, par Alix Garin nous montrant Franquin face à Pompon… Il y a là, en quelques traits simples, la transcription, presque muette, d’une émotion profonde… D’une relation presque intime entre un auteur et son personnage…
Je ne vais pas vous citer tous ceux qui m’ont ébloui… Ils ne m’ont pas, non, replongé dans mon enfance de lecteur, mais, tout au contraire, ils m’ont rappelé qu’être lecteur, c’est d’abord être curieux, c’est aussi devenir ouvert à de nouvelles formes de récits… Tout en continuant à garder ses anciens goûts quand même ! Et c’est cela, sans aucun doute, la force et l’intelligence de cet album que de varier les plaisirs en nous baladant, lecteurs, dans des tas d’univers qui, finalement, nous ressemblent… Et, ce faisant, de nous rappeler que c’est dans la différence, des genres, des auteurs, des gens que l’on croise, que l’indifférence peut être niée…
Un livre indispensable pour tous les amateurs de BD… Et même si je ne comprends pas qu’aucun « hommage » au personnage titre ne se trouve dans les pages de cet album, je ne peux que vous recommander chaudement de vous plonger dans les découvertes infinies que propose ce livre !
Jacques et Josiane Schraûwen
Tintin – numéro spécial 77 ans (éditeur : Le Lombard et Moulinsart – 400 pages – 2023)
A 75 ans, Wasterlain n’en a pas fini de nous étonner, avec un dessin reconnaissable entre tous, avec des scénarios échevelés qui laissent la part belle à la science-fiction, à l’aventure, à l’humour, à la fable très ancrée, également, dans nos quotidiens…
J’ai chroniqué son dernier album ce samedi matin sur l’antenne de La Première RTBF… Ecoutez !…