Une chronique à lire et à écouter… Dans cette série des » Mystery « , ce sont les personnages secondaires de la série-mère XIII qui sont mis à l’honneur… Ici, c’est une totale réussite, et je vous invite à faire la connaissance de Jonathan, le père d’un certain Jason Fly !… Et à écouter les deux auteurs de ce très bon album…
Résumer quelque album que ce soit de la série » XIII » ou » Mystery » tient de la gageure, bien souvent. C’est que dans la série-mère, Van Hamme s’est amusé à multiplier les péripéties, autour des thèmes qui l’envoûtent depuis toujours, l’argent, le pouvoir, les compromissions. Dans Mystery, heureusement, les scénaristes, pourvu qu’ils respectent les prérequis inhérents à la série originelle, ont carte blanche, ou presque, pour laisser parler leur imagination, une imagination qui, dès lors, peut s’écarter résolument des sentiers tout tracés par Van Hamme.
Avec Jonathan Fly, c’est incontestablement le cas. Le scénariste Luc Brunschwig a vite trouvé ses propres marques en nous livrant, certes, le portrait d’un journaliste, le père de XIII, engagé en faveur des droits civiques. Mais ce qui a surtout motivé Brunschwig dans cet enfouissement dans un univers qui n’est pas le sien, c’est, justement, de rester lui-même, et d’y retrouver les thèmes qui lui sont chers depuis toujours… Et plus que l’histoire de Jonathan, c’est toute l’origine de celle de Jason qu’il nous livre dans cet album. L’origine, donc l’enfance !…
Luc Brunschwig: l’enfance
Cela dit, l’intérêt de ce livre se situe également dans la façon dont Luc Brunschwig nous décrit une époque bien précise de l’histoire des Etats-Unis. Bien sûr, comme XIII est d’abord une série d’imagination, les noms, les lieux ne sont pas ceux que l’on connaît. Mais quand on parle des droits des afro-américains, on sait bien que c’est de Luther King que Luc Brunschwig parle aussi… L’Histoire, la grande, est omniprésente dans cet album, avec sa part d’imagination et d’invention, évidemment, mais ancrée réellement et profondément dans ce qu’est l’Histoire des Etats-Unis dans les années 60. Une histoire qui, d’ailleurs, éveille quelques échos dans l’Amérique qu’on connaît aujourd’hui.
Luc Brunschwig: Histoire et actualité
Mais un album bd, ce n’est pas que du texte, du scénario, c’est aussi, et surtout souvent, du dessin, du graphisme.
Prendre le relais de William Vance n’est sans doute pas chose évidente, tant le talent réaliste de cet auteur est puissant et reconnu de tout le monde.
Olivier Taduc réussit à ce que les personnages qu’il dessine aient plus qu’un air de ressemblance avec ceux créés par Vance, sans pour autant faire du copier-coller. Son style se différencie très vite de celui de son aîné, par la façon, entre autres, qu’il a de construire ses planches, de privilégier un » gaufrier » classique qui lui permet de dessiner, graphiquement, une narration qui accompagne celle de son scénariste, la dépasse même parfois, la complète en tout cas, dans une belle osmose. Il y a des influences, bien sûr, comme chez tout dessinateur, d’ailleurs, et ce sont des influences assumées. Celle de Vance… Celle de Joubert, aussi, dans l’approche que Taduc a des visages de ses personnages, dans l’intérêt qu’il porte à la pureté des traits, entre autres, de l’enfant dont il nous raconte les questionnements et les doutes.
Olivier Taduc: William Vance
Olivier Taduc: un dessin varié…
Ce qui est frappant aussi, dans cet album, c’est l’utilisation de la couleur. Alors que, dans la série originelle, la couleur n’avait qu’une importance relative, elle se révèle ici extrêmement importante. Par les ambiances, c’est vrai, qu’elle crée selon les lieux, selon les heures de la journée, selon les personnages mis en scène, mais aussi dans la ligne du temps, dans le passage entre le passé et le présent.
Olivier Taduc: la couleur
Si je devais choisir, dans la série » Mystery « , l’album que je trouve le plus réussi, le plus abouti, faisant aussi le plus preuve d’originalité par rapport aux albums connus de XIII, ce serait celui-ci, sans aucun doute possible ! On n’y retrouve pas le souffle de Van Hamme, nourri de richesse et de connotations toujours économiques, au sens large du terme, mais on y découvre un autre souffle, que je trouve infiniment plus important dans tout récit, littéraire ou dessiné : le souffle de l’humanité, de l’humanisme, du rêve qui se détruit, de l’existence qui n’efface rien des fêlures de l’enfance et de ses espérances !
Un très bon livre, donc, qui plaira autant aux amoureux de la série originelle qu’à ceux qui aiment un one-shot bien charpenté, intelligemment construit !
Jacques Schraûwen
XIII Mystery : 11. Jonathan Fly (dessin: Olivier Taduc – scenario: Luc Brunschwig – couleur: Bérengère Marquebreucq – éditeur: Dargaud)