René Follet – un illustrateur humaniste au service du guidisme

René Follet – un illustrateur humaniste au service du guidisme

Nombreux sont celles et ceux qui, d’enfance en adolescence, se sont construits au travers d’un mouvement de jeunesse tel que le scoutisme, y découvrant leurs propres chemins grâce, très souvent, aux revues de ces mouvements dans lesquels les dessins étaient nombreux.

René Follet © CHBS

De nos jours, en une époque où les « étiquettes » sont de plus en plus nombreuses, il est souvent de mauvais ton de se revendiquer du scoutisme, de ses valeurs, de son encadrement souvent empreint de foi.

Disons les choses nettement, dès l’abord.

J’ai grandi dans le scoutisme, de louveteau à scout, de scout à assistant de troupe, d’assistant de troupe à Akéla, d’Akéla à chef d’unité. Et ce scoutisme était « catholique », oui. Ce qui ne m’a pas empêché d’avoir mes propres convictions, agnostiques et laïques !

Cette religion ne m’a jamais gêné aux entournures, loin s’en faut, elle me fut même, tout au contraire, chance de réflexion pour en éviter tous les carcans. Et je ne remercierai jamais assez l’abbé Morel qui me fit comprendre que cette religion était partie intégrante d’une forme de patrimoine, et qui est resté un ami lorsque mes pas m’ont éloigné (enfin) des dogmes de l’Eglise Catholique.

Pourquoi cette introduction très personnelle, me direz-vous ?

René Follet © CHBS

Tout simplement parce que ces dessinateurs qui ont vu leurs dessins publiés dans des revues scoutes étaient empreints, eux aussi, de cette culture catholique… Judéo-chrétienne dit-on parfois…

De Joubert à Mitacq, de Forget à Follet, ces artistes n’ont jamais caché leurs convictions religieuses, chrétiennes. Et c’est aussi, cette honnêteté vis-à-vis d’eux-mêmes qui en a fait des auteurs résolument humanistes.

Parmi eux, donc, René Follet.

Un être simple, charmant, accueillant, souriant, presque timide.

Un personnage tranquille, dont le talent a rythmé l’existence, dont l’existence à rythmé le talent…

Il fut auteur de BD, bien évidemment, avec, c’est vrai, un succès mitigé au niveau des ventes. Mais avec, par contre, une admiration sans borne des plus grands de ses « collègues », parmi lesquels les immenses William Vance, Hermann, et bien d’autres, dont son ami, l’extraordinaire Emmanuel Lepage.

René Follet © CHBS

Ce manque de succès de vente est sans doute dû au fait que René Follet se sentait quelque peu à l’étroit dans le carcan précis d’un découpage de bande dessinée. Je pense que pour lui, un seul dessin pouvait suffire à raconter toute une histoire…

Il était un illustrateur de premier plan, et pour s’en convaincre, si besoin en était, il suffit de se plonger dans les livres de chez Dupuis qu’il a illustrés : la chevalerie, les Grecs, Cordées souterraines…

Pour se rendre compte aussi de la puissance de son trait, de sa façon, dans une sorte de parallélisme artistique avec Forget, de jouer avec les perspectives pour accentuer la gestuelle de ses personnages, leurs mouvements, leurs mouvances, il faut s’intéresser à ses dessins rapides, à ses croquis.

Et pour ce faire, il n’y a rien de mieux, sans doute, que de le découvrir dans ce petit album broché qui se consacre à toutes les illustrations qu’il fit dans le monde du guidisme en Belgique.

Que ce soit pour accompagner des feuilletons ou pour raconter la vie d’un camp, que ce soit pour parler des jeux scouts traditionnels ou pour montrer le rythme des saisons, René Follet s’est fait, dans la revue « Trèfle », observateur des guides pendant des années essentielles du vingtième siècle, de 1966 à 1976. Essentielles, oui, parce qu’elles permirent au féminisme de transformer foncièrement un mouvement comme le guidisme, en l’ancrant dans un sens égalitaire des hommes et des femmes, sans pour autant perdre le sens essentiel de la tolérance.

Et à ce titre, oui, sans aucun doute possible, le crayon de Follet est humaniste… L’image qu’il donne de la jeune fille au fil des années, change, évolue… Refuse tout conformisme pour rendre compte, simplement, d’une évolution des mentalités, donc des réalités, dans le guidisme et le scoutisme comme dans la vie de la société en général.

René Follet © CHBS

Ce livre ne se contente pas de mettre côte à côte des tas de dessins. Jean-Louis Hengchen, l’auteur, a effectué un travail de fond. D’abord en nous présentant, en plusieurs pages illustrées, ce que fut la carrière et les engagements de René Follet. Ensuite, en classifiant les dessins, nous permettant ainsi de profiter des thèmes choisis par Hengchen pour découvrir toute l’évolution dans le regard aigu de l’immense René Follet…

Aigu et, toujours, « gentil »…

La gentillesse de Follet : une vraie qualité humaine et humaniste, elle aussi ! Qui transparaît totalement dans ce livre que les amoureux de la BD et de Follet sauront apprécier…

Jacques Schraûwen

René Follet – un illustrateur humaniste au service du guidisme (auteur : Jean-Louis Hengchen – éditeur : Cahiers d’Histoire Belge du Scoutisme)

Pour commander ce livre :

CHBS (Thierry Scaillet) 25, rue Georges Willame – 1400 Nivelles

www.chbs.be

info@chbs.be

René Follet © CHBS
Le Lombard

Le Lombard

Trois suites récentes à ajouter à votre pile de livres à lire !

Bruxelles, Quito et le Kansas : quelques voyages pour oublier tous les confinements, et ils ne manquent pas de nos jours !

Le Maître Chocolatier : 2. La concurrence

(dessin : Chetville – scénario : Corbeyran et Gourdon – couleurs : Mikl – éditeur : Le Lombard – 72 pages – parution : février 2020)

Dans le premier tome de cette série qui ne devrait compter que trois volumes, on découvrait un jeune homme passionné par l’univers du chocolat. Passionné, oui, au point de claquer la porte de son employeur mercantile, au point de se révolter contre son père, industriel chocolatier, tout aussi mercantile… Passionné, aussi, au point de créer, dans un quartier de Bruxelles improbable, une boutique consacrée exclusivement au chocolat de grande qualité.

Dans le premier tome, Alexis Carret voyait, petit à petit, le succès pointer à l’horizon, avec l’aide d’une amie d’enfance, Clémence, avec l’assistance d’une jeune femme muette, Manon, avec le soutien d’un ami aux ambitions pas très nettes, Benjamin.

Mais voilà, la vie n’est pas faite que de réussite, et la bande dessinée serait mièvre sans rebondissements. C’est ce que Corbeyran et Bénédicte Gourdon maîtrisent à la perfection ! Dans ce deuxième tome, on se trouve confronté aux magouilles d’un proche du père d’Alexis, on voit une histoire d’amour prendre l’eau, on voit une concurrence déloyale s’installer à deux pas de la boutique d’Alexis, on plonge aussi dans la vie familiale d’Alexis. On voit aussi Benjamin s’enfoncer dans un monde glauque et dangereux.

C’est un livre qui réussit à être à la fois bien mené au niveau de l’intrigue et intelligemment didactique. On y apprend, comme ça, tranquillement, entre deux péripéties, ce qu’est le chocolat, ce qu’il représente, ce qu’il peut revêtir comme beauté gustative en devenant un art.

C’est un livre aussi qui ne peut que plaire aux Belges, à tous ceux qui se sont baladés dans les rues de la capitale belge, qui s’y baladent encore, qui s’y baladeront. D’un beau réalisme lumineux, le dessin de Chetville s’attarde autant sur les personnages et leurs visages, et leurs mouvements, que sur les décors, nombreux, des décors qui deviennent à leur manière un des axes centraux de cette série. Quant à la couleur, elle ne cherche pas la prouesse et, de ce fait, discrète, elle accompagne tranquillement le récit. Vivement le troisième volume !

Tango : 4. Quitte ou double à Quito

(dessin : Phlippe Xavier – scénario : Matz et Philippe Xavier – couleurs : Jérôme Maffre – éditeur : Le Lombard – 56 pages – parution : janvier 2020)

Tango, surnom de John Cruz, est devenu, en trois albums, un des nouveaux aventuriers de la bande dessinée. Dans la lignée d’un Bruno Brazil, ou, mieux, d’un Bernard Prince, Tango est un de ces personnages auxquels on ne peut qu’avoir envie de croire. D’album en album, il cherche à fuir, ou, plutôt, à oublier son passé. A ses côtés, Mario, un ancien flic revenu de tout, mais faisant de l’amitié l’essentiel de ses quotidiens.

Le problème de Tango, c’est que sa fuite en avant n’empêche absolument pas que lui revienne, en affrontement, les réalités de qui il fut, en une autre vie.

Et ce passé, qu’on en fait qu’effleurer dans les trois premiers épisodes de cette série, se dévoile enfin ici, dans ce quatrième opus, avec une belle intensité. Avec de la violence, avec des sentiments quelque peu stéréotypés mais ayant totalement leur place dans un tel récit, avec des dialogues qui renouent, eux aussi, avec la grande époque des bandes dessinées d’aventure ne cherchant pas d’alibi intellectuel pour être passionnantes et intelligentes ! Matz, plus que dans d’autres collaborations, se plie avec Tango à un jeu simple, celui de parvenir à raconter simplement une histoire de vie, de passion, d’amour, de liberté, de souvenance.

Dans cette série, Philippe Xavier s’en donne à cœur joie. Amoureux, sans aucun doute, des paysages d’Equateur, il prend un plaisir évident à nous les montrer, à nous les faire vivre, à y intégrer Tango et Mario, des paysages et des décors qu’il n’abandonne qu’aux moments intimes, intimistes même, du récit. Un peu comme si, symboliquement, une étreinte amoureuse se devant de se suffire à elle-même, sans aucun élément autre que le partage de désirs et de plaisir.

Et puis, je ne peux pas parler de ce livre sans souligner le talent somptueux du coloriste, Jérôme Maffre. Ses couleurs donnent chaud, ses couleurs se construisent tout en contrastes, tout en oppositions, tout en ambiances imposées par le fil du récit. Jérôme Maffre prouve qu’il et grand temps que les coloristes soient reconnus, dans le neuvième art, comme partie prenante d’une réussite graphique !

Tango, c’est un anti-héros attachant… C’est un aventurier loin de ceux que Van Hamme affectionne. C’est un personnage auquel je ne peux que souhaiter une longue vie !

Lonesome : 2. Les Ruffians

(auteur : Yves Swolfs – couleurs : Julie Swolfs – éditeur : Le Lombard – 56 pages – parution : octobre 2019)

J’ai toujours été admiratif du travail d’Yves Swolfs. Lorsqu’il créa le personnage de Durango, au tout début des années 80, le public découvrait qu’on pouvait faire du western en bd comme on le faisait au cinéma, en coupant les ponts avec les clichés à la John Wayne ou à la Blueberry ! Ce héros s’inspirait sans aucun doute du western spaghetti, surtout du film étonnant et d’une noirceur absolue de Corbucci, Le grand silence, avec Jean-Louis Trintignant et Klaus Kinski.

Après s’être lancé dans d’autres séries, avec toujours son sens extrêmement reconnaissable du réalisme, il est revenu il y a peu au western, avec ce héros très particulier qu’est Lonesome…

Nous sommes en 1871, juste avant la guerre de sécession. Une guerre dont l’enjeu était moins la liberté des « nègres » qu’une économie à la poursuite d’elle-même. D’où des machinations, à la frontière du Kansas, pour faire croire, d’une part, à des raids de séparatistes sudistes, et d’autre part, à des tueries dues aux nordistes…

A partir de ce canevas historique, Yves Swolfs nous raconte surtout l’histoire d’un homme en poursuivant un autre, pour découvrir ce que sont ses origines. Ce cavalier solitaire et vengeur possède en outre un pouvoir magique, celui de lire les pensées de ceux qu’il touche.

Lonesome, c’est le récit d’une vengeance et de toutes les dérives qui y conduisent, de toutes les rencontres qui en font une réalité. De toutes les horreurs que même le sentiment de justice peut créer…

Le dessin de Yves Swolfs est toujours aussi somptueux, même si, dans ce deuxième tome, il faut reconnaître que la couverture n’est pas vraiment une réussite… Son graphisme aime les décors, et ses découpages font en sorte que toutes les séquences de son histoire se mêlent intimement aux paysages dans lesquels elles se vivent. Son dessin rappelle aussi le monde de Leone par la puissance de ses gros plans, par l’intensité des regards qu’il restitue au papier aidé en cela par une coloriste qui parvient en douceur à souligner les flash backs d’une part, les scènes de violence d’autre part, celles de l’errance enfin.

J’ai beaucoup aimé ce deuxième opus, qui nous permet d’en savoir plus sur ce personnage central, sur ce qu’il était, sur ce qu’il cherche, tout en nous montrant sans tabou l’univers de cette Amérique qui était déjà alors loin d’être une démocratie modèle !

Mais je me dois quand même de mettre un petit bémol. Il me semble qu’il eût été utile, voire important, de mettre, en préface à ce deuxième tome, un résumé. La narration d’Yves Swolfs, en effet, se fait dans la continuité immédiate de l’album précédent, et le lecteur éprouve dès lors d’incontestables difficultés à « entrer » dans ces Ruffians

Trois albums réalistes, trois styles différents, mais trois réussites… A placer en bonne place dans la liste de vos prochaines lectures, à commander sans tarder auprès de votre libraire préféré…

Jacques Schraûwen

Glénat : trois livres à découvrir

Glénat : trois livres à découvrir

Trois chroniques pour vous les faire découvrir !

Hippolyte

(dessin : Carole Chaland – scénario : Clotilde Bruneau – Editeur : Glénat/Vents d’Ouest – 128 pages – parution : février 2020)

Nous sommes dans les années 1870, quelque part en Arizona. Dans une région qui depuis quelque temps voit se multiplier attaques de diligence, vols armés, tueries sanglantes. Au début de cet album, un cow-boy se balade dans les rues d’une petite ville, envoie un télégramme dans lequel il dit avoir découvert qui sont les truands, et où les trouver.

On pourrait, dès lors, croire être en présence d’un western tout à fait traditionnel. Et c’est vrai que le cow-boy se fait capturer par ceux qu’il poursuit, comme dans tant et tant de livres consacrés à ce grand ouest qui fait toujours rêver !

Mais voilà… S’il se fait capturer, et emmener à Hippolyte, dans une ville fantôme cachée par les hasards d’une nature sauvage, ce n’est pas par une bande de hors-la-loi hirsutes, aux trognes patibulaires. Dans cette petite cité ne vivent que 27 personnes. 27 femmes. 27 voleuses, 27 tueuses.

A partir de là, on s’éloigne totalement de tous les codes du western. En prenant des femmes comme héroïnes, en les montrant au moins aussi violentes et cruelles que les hommes, en faisant d’elles des amazones prêtes à tout pour rester entre elles, même à oublier, voire renier, leur passé, la scénariste ne fait cependant pas œuvre féministe. Elle construit un récit sans temps mort, dans lequel les sentiments dépassent les clichés pour devenir des moteurs réels à une intrigue, une intrique qui se révèle encore plus horrible que ce que le lecteur en pressentait dans les premières pages.

Reconnaissons que le dessin de Carole Chaland, de temps en temps, est quelque peu malhabile. Par contre, ce qui n’est pas malhabile, c’est la vicacité de son trait, son sens du mouvement, son plaisir à caractériser physiquement chacune de ses personnages, par le visage, par le regard plus que par l’apparence. Ce qui n’est pas malhabile non plus, c’est la façon dont elle utilise la couleur, un peu à la manière des illustrations et des bd des années 70, dans le style, quelque peu, de Forest.

Au total, une bd étonnante, surprenante, avec quelques faiblesses, sans doute, mais qui parvient à passionner le lecteur, avec son thème, avec ses rebondissements, avec son graphisme plein de promesses. Un livre à découvrir, croyez-moi !

J’irai cacher sur vos tombes

(dessin : Macutay, Ortiz, Scietronc – scénario : Jean-David Morvan – couleur : Hiroyuki Ooshima – éditeur : Glénat – 112 pages – parution : mars 2020)

C’est en juin 1959 que Boris Vian est mort, dans une salle de cinéma privée, pendant qu’il assistait à la projection du navet inspiré par son livre « J’irai cracher sur vos tombes ».

Le 10 mars dernier, on fêtait le centenaire de la naissance de cet auteur qui aura marqué son époque dans bien des domaines, celui de la littérature, celui du jazz, celui de la chanson, celui de la critique musicale, celui du théâtre avec, par exemple, l’extraordinaire « Goûter des généraux ».

Et c’est donc à cette occasion qu’un scénariste un peu fou ose se lancer, à son tour, dans l’adaptation d’un des romans les plus sulfureux de ce touche-à-tout de génie qu’était l’auteur de « L’écume des jours » et du « Déserteur ».

Jean-David Morvan, par ailleurs scénariste d’une série exceptionnelle de par son ancrage dans l’Histoire et de par sa portée émotionnelle, « Irena », a évité tous les écueils contre lesquels le cinéma avait prisé ses ambitions. Et ce, tout simplement, en revenant à l’âme-même du livre originel de Vian. Un livre qu’il a écrit sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, un livre qui avait l’air d’un polar américain à la James Hadley Chase, ou à la Carter Brown, mais qui s’en éloignait totalement par les thèmes abordés : le racisme, la sexualité omniprésente, le métissage, la haine, la mort et l’amour sans cesses mêlés de la manière la plus triviale qui soit.

A partir de l’histoire de Lee Anderson, fils blanc d’une métisse, jeune homme voulant venger l’assassinat de son frère noir, Morvan nous emmène dans une vraie tragédie humaine. Puisque c’est à cause de l’amour « mixte » dans une Amérique au racisme institutionnel, c’est par l’amour que Lee va vouloir se venger. Et, ainsi, devenir à son tour le symbole de la mort se mêlant toujours à l’amour.

Le dessin est un dessin de mouvement et d’expression qui colle parfaitement à l’ambiance créée par les mots de Boris Vian. Ne me demandez pas comment ont collaboré les trois dessinateurs de cet album, mais la réussite est au rendez-vous, sans aucun doute possible. Grâce à leur sens de la forme, c’est évident, mais aussi grâce à une utilisation très symbolique de la couleur. Comment ne pas être séduit, en effet, par les scènes qui montrent les étreintes les plus charnelles, des scènes nimbées d’une couleur aux chauds frémissements ?

Avec, et on le sent, on le sait dès les premiers dessins, la mort comme ultime solution, cet album ne trahit en rien Boris Vian, tout en parvenant à être, au-delà du simple hommage, une passionnante bande dessinée !

Gunfighter

(dessin : Michel Rouge – scénario : Christophe Bec – couleurs : Corentin Rouge – éditeur : Glénat – 56 pages – parution : août 2019)

Michel Rouge est un des dessinateurs réalistes les plus doués qui soit. C’est comme assistant de Chéret pour ses « Rahan » qu’il a commencé une carrière riche qui l’a vue, aussi, être l’auteur du « Marshall Blueberry ». Force est de reconnaître, cependant, qu’il n’est pas vraiment reconnu à la hauteur de son talent.

C’est donc un vrai plaisir que de le retrouver dans un genre qui lui plaît, incontestablement, celui du western, un genre dans lequel il excelle. On peut le qualifier de dessinateur classique, dans le bon sens du terme : un équilibre parfait entre les décors et les personnages, une attention soutenue aux ombres et aux lumières, un amour aussi des paysages. Et sa collaboration avec Corentin Rouge pour les couleurs fait de ce livre un enchantement pour les yeux. Rarement western ne fut d’une telle intensité au niveau de la coloration, qui ne se contente pas de créer des séquences, mais qui, de par ses « effets lumineux », réussit à, en une seule case, exprimer l’émotion d’un personnage.

Cela dit, ce livre, pour moi, n’est une réussite que graphiquement ! L’histoire racontée l’a déjà été des tas de fois, en bande dessinée comme au cinéma, et bien mieux ! Le scénario est plus que classique, il est convenu, voire tout simplement stéréotypé. Il y a les grands méchants, les beaux gentils, les femmes fragiles, les barbelés sur la prairie, de la vengeance, un bel héros solitaire ou presque, des sentiments presque caricaturaux à force d’être simplifiés !

Il n’y a, je le pense profondément, strictement rien d’original dans le scénario de Christophe Bec. Ce touche-à-tout qui semble rencontrer souvent le succès (et, ma fois, Bikini Atoll était une vraie réussite…), ne fait ici qu’une œuvre à l’intérêt terriblement limité ! Certes, on peut le lire vite, avec un certain plaisir…. Mais le livre à peine refermé, on n’en retient qu’une suite de clichés…

Mais pour le dessin et la couleur, oui, on peut apprécier ce livre. Les « Rouge » le méritent, eux, assurément !

Jacques Schraûwen