Jean Auquier, annonçant aujourd’hui soin départ vers de nouveaux horizons, a marqué de manière essentielle la vie et l’évolution du Musée de la BD à Bruxelles !
Journaliste de formation, Jean Auquier a été très vite, il y a plus de trente ans, une des chevilles ouvrières de ce haut lieu de la culture populaire qu’est devenu, au fil des ans, le Centre Belge de la Bande Dessinée. Un centre qu’on appelle souvent aujourd’hui le «Musée de la Bande Dessinée».
Et c’est vrai que la bande dessinée méritait, à Bruxelles, un endroit où s’exposer, se conserver, être disponible pour le plus grand nombre.
Les premières années de Jean Auquier au CBBD l’ont vu s’occuper, de par son métier de départ, de communication. Ensuite, très vite, il s’est lancé dans la supervision, voire la création d’expositions, ces expositions qui, depuis des années, font de ce musée un lieu totalement vivant !
Depuis onze ans, il préside aux destinées de cet endroit dans lequel TOUS les créateurs du neuvième art se sont trouvé un peu comme une maison, comme un nid.
Il a participé pleinement à offrir à cette fenêre culturelle bruxellois une audience internationale. Avec une approche professionnelle, il a ainsi permis à cette entreprise culturelle associative, avec une trentaine d’emplois directs, d’être financièrement saine, sans pour autant dépendre de subsides souvent aléatoires. Sans non plus, surtout même, effacer quoi que ce soit des fonctions premières de cette vénérable maison, la transmission, la conservation, la porte ouverte à l’innovation graphique et narrative.
Pour l’avoir rencontré quelques fois, je ne peux que dire que sa présence accueillante et « connaisseuse » me manquera, comme à bien d’autres…
En 2019, Les prix Rossel s’intéressent aussi au neuvième art ! Et même si, comme dans toutes les remises de prix, on peut regretter certains choix du jury, on ne peut pas nier que la qualité est au rendez-vous !
Le Grand Prix a été remis à Frank Le Gall (éditeur : Dupuis)
Aventures marines et humaines, telles sont les errances que vit, en quelque treize albums, le héros de Frank Le Gall, Théodore Poussin. Un héros qui n’ rien d’héroïque, qui se laisse souvent mener par les événements, mais qui, finalement, prend son destin en main pour se conquérir lui-même et aller au bout d’une quête qui ne peut que mêler intimement vie, survie et mort.
Le dessin de Frank Le Gall réussit à se faire extrêmement réaliste dans ce qu’il exprime, tout en rondeurs dans son trait. Il y a chez cet auteur complet une osmose entre les mots et le graphisme, entre l’humain et son environnement, entre le rêve et le réel, et c’est qui en fait un des auteurs les plus complets de la bande dessinée, avec des références à des gens comme Hugo Pratt, certes, mais aussi Blaise Cendrars. Un prix largement mérité pour cet auteur qui, dans un style qu’on pourrait qualifier de classique, a réussi à créer une œuvre qui se démarque de la mode et de ses habitudes… Le tout avec un sens aigu de l’aventure et de la manière de la raconter !
Le Prix de l’album de l’année : Trap (de Mathieu Burniat – éditeur : Dargaud)
La première caractéristique de ce livre réside dans sa construction. Pas un mot… Et, pourtant, on ressent les bruissements des feuilles, les feulements des animaux sauvages, le bruit du vent au sommet des arbres immenses de cette immense jungle. Burniat se révèle vraiment un dessinateur du mouvement, avec une évidente influence de certains mangas comme Gon, l’extraordinaire dinosaure de Tanaka.
» Trap « , c’est le portrait d’un aventurier, dans un univers à la fois réel et « fantastique ». Le portrait d’un homme qui doit se battre pour survivre, pour garder, aussi, une véritable humanité dans un univers aux incessantes vénalités. Et c’est ainsi que cette fable dessinée devient aussi une épopée presque homérique…
Avec des auteurs comme Mathieu Burniat, la bande dessinée belge n’est pas prête à ronronner dans la routine et l’habitude ! Et ce livre-ci, cette épopée fantastique et remuante, devrait plaire à un large public, en commençant par les adolescents… Un prix mérité pour un auteur belge dont le talent s’affirme de livre en livre !
Le Prix Rossel de la série : Stig & Tilde (auteur : Max de Radiguès – éditeur : Sarbacane)
Là où vivent Stig et Tilde, les adolescents, arrivés à l’âge de 14 ans, doivent être initiés à la vie adulte en passant un mois de survie sur une île déserte. Mais on est loin de Koh Lanta, puisque, sur cette île, tout le confort, ou presque, est bien présent… Mais une tempête va obliger les deux adolescents, jumeaux aux caractères bien différenciés, à vivre une vraie aventure…
Max de Radiguès, dessinateur au trait rapide, immédiat, s’adresse ici à un public jeune, et il le fait avec à la fois un récit qui se lit vite et bien, à la fois aussi en s’amusant à utiliser des trucs et ficelles très présents dans ce qu’on appelle la littérature jeunesse, mais à les étirer, à les transformer, avec un peu de provocation et beaucoup d’humour ! Un prix qui couronne une série pour lecteurs à partir de 11 ans.
Un auteur classique, deux auteurs résolument modernes, voilà donc le palmarès de ces tout premiers prix Rossel de la bande dessinée!
Des prix qui couronnent donc, à la fois, une sorte de classicisme et une manière de s’ancrer résolument dans notre monde. Trois graphismes très différents, aussi…
Trois auteurs, en tout cas, qui devraient, grâce à ces prix Rossel, se retrouver en bonne place sur les étalages de votre libraire préféré et, également, dans votre bibliothèque!
Et des prix Rossel à qui je ne peux que souhaiter « bon vent »!…
Editeur à part dans l’univers de la bande dessinée, Sandawe met la clé sous le paillasson.
Depuis 2010, Patrick Pinchart préside aux destinées de cette maison d’édition exclusivement financée grâce au crowdfunding. Ancien de chez Spirou, Patrick Pinchart se voit obligé aujourd’hui de mettre cette
maison d’édition en liquidation.
Sandawe a été à l’origine de quelques très belles découvertes : Sara Lone (d’Arnoux et Morancho), Les anges visiteurs (de Barboni et Murzeau) , les superbes livres de Gilles Le Coz, Quipou (de Benoît Roels),
ou Joseph Carey Merrick (de David Van P.), par exemple… Tout comme » Sourire 58 » (de Baudouin Deville et Patrick Weber), dont l’édition s’est faite, pour Nicolas Anspach, via Sandawe…
Force est de reconnaitre cependant que le catalogue de cet éditeur brillait par un éclectisme qui, souvent, ne privilégiait pas vraiment la qualité. Mais la fin d’une telle aventure éditoriale pose cependant
question : plusieurs projets étaient en cours, comme la suite, justement, de « Sourire 58 » qui fut un des succès de l’année 2018…
Qu’adviendra-t-il de ces projets, qu’adviendra-t-il, aussi, de tous les internautes qui ont, financièrement, apporté leur soutien à l’une ou l’autre des créations proposées en crowdfunding ?
Ce qui est sûr, par contre, c’est que bien des espérances de jeunes auteurs sont aujourd’hui détruites… Sandawe était une plate-forme qui, en effet, offrait la possibilité à ceux qui, pour différentes raisons,
ne trouvaient pas d’éditeur traditionnel (ou ne le voulaient pas…), de pouvoir se faire connaitre, se faire découvrir.
A qui la faute ?…
Difficile à dire… Mais je pense qu’une des erreurs a été, en pré-crowdfunding, d’avoir un peu accepté n’importe quoi comme propositions… Et ainsi, on peut dire que la ligne éditoriale de Sandawe, au vu du
catalogue, manquait vraiment de consistance, de clarté en tout cas…