Foire Du Livre de Bruxelles

Foire Du Livre de Bruxelles

Si on s’en réfère à son étymologie et ses origines latines, le mot « foire » parlerait de jours de repos et de fête… Et c’est bien le cas, depuis des années, à Bruxelles, pour cette grande rencontre de tous les amoureux de l’intelligence écrite… J’y ai rencontré une quinzaine d’auteurs à aimer ! Autant de chroniques à bientôt découvrir ici !…

Ecrite et dessinée, bien sûr puisque, dès sa création (il y a cinquante ans !!!), la Foire de Bruxelles ouvrait ses étalages et ses stands au monde de la bande dessinée.

Elle se déroulait alors au « Martini Center », du côté de la place Rogier, et, à l‘époque, on avait le temps de parler avec les auteurs qu’on aimait, qu’on découvrait en face à face. J’ai des souvenirs de Claude Seignolle, par exemple, ou de Franquin, ou encore d’Eddy Paape…

Martin Milan © Le Lombard

Aujourd’hui, les choses ont bien changé. Le monde de l’édition a bien changé, aussi ! Et la bande dessinée est devenu un neuvième art à part entière. Un Art qui attire les foules, qui en fait de longues files en attente d’une dédicace. Mais la Foire du Livre, énorme librairie ouverte à toutes les réalités de l’écriture, permet aussi, et c’est sa force et son intelligence, de découvrir, tout simplement…

Les Enfants de la Résistance © Le Lombard

… découvrir des livres, albums, romans, qu’on ne connaissait pas, qu’on n’imaginait même pas ! Découvrir aussi des êtres humains pétris bien plus de passion que d’ambition : les auteurs, les vrais, ceux qui ne sacrifient pas aux modes toujours éphémères. Ceux qui ne se contentent pas de caresser l’imaginaire de leurs lecteurs dans le sens du poil de l’habitude…

Alix © Casterman

Et je me suis baladé, donc, dans les travées de cet événement culturel essentiel. Je me suis promené, découvrant, dans le stand du « Grand Est », ces livres extraordinaires sur Juillard, sur Laloux… Sur Bernard Dimey, aussi… J’ai trouvé, dans le stand de « Buchet Chastel » des « cahiers dessinés qui méritent le détour… Et deux ou trois livres consacrés à l’immense Topor, que tout amateur d’art se doit de posséder !

Nestor Burma © Casterman

Mais j’y ai aussi été, dans cette foire, bien évidemment, pour rencontrer quelques auteurs de BD… Des dessinateurs et des scénaristes dont les livres, lorsque je les ai lus, m’ont plu, pour des raisons très diverses, d’ailleurs… Et j’ai ainsi rencontré les auteurs d’un nouvel Alix surprenant mais parfaitement abouti… Les auteurs des « enfants de la résistance », aussi, de « Nestor Burma », du livre d’humour absolument détonnant « un peu de tarte aux épinards », de « Trap » déjanté et envoûtant.


Un peu de Tarte aux Épinards © Casterman

Et puis, j’ai eu le bonheur de pouvoir m’entretenir avec un dessinateur qui appartient totalement à la grande Histoire de la bande dessinée, lui qui, dans les années 60, a créé pour les « jeunes » un série qui avait son franc parler, et qui, surtout, n’hésitait pas à aborder des vraies interrogations adultes sur un monde qui était en totale mutation… Oui, j’aurai la joie de consacrer très bientôt une chronique à l’exceptionnel Christian Godard, auteur d’un des héros de bd les plus attachants, Martin Milan !

N’hésitez pas à vous abonner à ce site, donc, pour être tenus au courant de chaque chronique lorsqu’elle sera mise en ligne !

http://bd-chroniques.be/

Jacques Schraûwen

La Minute Belge © Dupuis
Angoulême 2019 : un avis « différent » sur les prix qui y ont été décernés !

Angoulême 2019 : un avis « différent » sur les prix qui y ont été décernés !

Voilà… Les prix du festival international d’Angoulême ont été remis. Petits éditeurs et bd alternative à l’honneur. Un palmarès très très très attendu !


Rumiko Takahashi © Rumiko Takahashi

Le grand prix, tout le monde le savait largement avant qu’il soit officialisé, a été remis à Rumiko Takahashi, une mangaka. Pour couronner une femme, après les polémiques des années passées ?… Peut-être bien. Mais je dirais, pour suivre l’idée d’une auteure française, que donner un prix à une femme parce que c’est une femme, c’est déjà du sexisme !

Et le manga à la manière de Takahashi, c’est, pour moi, bien plus de l’industrie que du neuvième art. Et une industrie particulièrement mièvre le plus souvent !


Rumiko Takahashi © Rumiko Takahashi

Pour le reste des prix, en voici la liste… Le Fauve d’or a été remis au livre « Moi, ce que j’aime, c’est les monstres ». Un album-fleuve encensé dès sa sortie par nombre de critiques, dont le titre s’éclaire d’une horrible faute d’orthographe, et dont le contenu, je l’avoue, m’a paru diablement lourd !… Mais, c’est vrai, extrêmement fouillé au niveau du dessin, et, de ce fait, intéressant. Mais, je le répète, indigeste pour tout un chacun…

Moi, ce que j’aime,… © Ferris

Le prix spécial du jury a été octroyé à un livre de chez Actes Sud, « Les rigoles », un objet graphique très « branché ».

Fauve-révélation : Ted, drôle de coco. Fauve-série : Dansker. Prix alternative : Expérimentation.

A mon humble avis, tout cela ne va présenter, pour le public, qu’un intérêt particulièrement ténu !

Mais, heureusement, il y a eu le fauve-patrimoine. Et c’est un immense artiste qui l’a obtenu, pour un livre paru… au milieu du dix-neuvième siècle !!! Gustave Doré mis à l’honneur à Angoulème, c’est une surprise, une bonne surprise, une excellente surprise !

Les autres fauves ont été attribués à des livres plus connus, voire même reconnus…

Le fauve-polar a été remis à « VilleVermine », polar sauvage, le fauve-jeunesse au livre intelligent « Le prince et la couturière ».

Et puis, il y a le prix remis à « Il faut flinguer Ramirez », une bd à la Tarentino qui me paraît manquer de consistance et de fil narratif, mais qui, de par sa construction totalement décalée, a plu à pas mal de monde, lecteurs comme critiques. Un choix, donc, qui se défend pour ce fauve-lycéens.

Ramirez © Glénat

Un autre prix qui se défend aussi, c’est le prix Goscinny, le seul prix d’Angoulême qui mette à l’honneur un scénariste. Une récompense qui a été décernée à Pierre Christin, pour l’ensemble de son œuvre, et, en particulier, pour l’album « Est-ouest » paru chez Dupuis. Un livre que j’ai eu le plaisir, de chroniquer… http://bd-chroniques.be/?s=est-ouest

Est-Ouest © Aire Libre

Il y a donc, comme dans tous les palmarès, du mauvais, du moins mauvais et même du bon dans cette remise de prix d’Angoulême.

Mais il me semble quand même, et je sais ne pas être le seul à avoir une telle analyse, que les éditeurs « classiques » et leurs livres résolument tous-publics sont les grands absents de ces prix… Cette année peut-être encore plus que précédemment, d’ailleurs !

Bien sûr, vous me rétorquerez que rien n’est plus « tous-publics » que l’œuvre de Rumiko Takahashi, vendue à des millions et des millions d’exemplaires ! C’est vrai… Mais souvenons-nous, quand même, que cela ne s’est pas fait grâce à la bande dessinée, mais à de « l’animation télévisée » qui manquait terriblement de qualité !

Angoulême se veut international, c’est bien… Mais je connais des mangas qui, à la fois, se vendent bien et ont une construction graphique et narrative qui ne se contente pas de recopier à l’infini les mêmes codes !

Vous l’aurez compris, pour moi, ce grand prix n’a strictement aucun intérêt artistique… Mais ce n’est que mon avis, et je ne cherche pas, au contraire des « octroyeurs de prix », à l’imposer… Mais simplement à pouvoir l’exprimer ! Librement…

Et une question me tarabuste… Ceux qui délibèrent et donnent des prix ne souhaitent-ils pas, d’abord, agir uniquement selon leur propre goût, un goût qui, surtout dans la bd dite alternative, est aussi dicté par la copinerie, voire le besoin de se poser en « intellectuel » de la bande dessinée ?…

Finalement, dans ces prix, n’est-ce pas le public qui se voit floué de ses goûts et de ses passions ?…

Jacques Schraûwen

Jean Dufaux : Pourquoi je ne vais pas à Angoulème !

Du 24 au 27 janvier, Angoulème redevient la capitale du neuvième art. Cette grand-messe attire depuis 1974 à la fois les amoureux de la bande dessinée et les auteurs qui la font vivre. Mais d’année en année, les polémiques se multiplient, il faut le reconnaître ! Et c’est là la raison pour laquelle certains ont décidé de ne pas -ou plus- y aller !

Parmi ces  » réfractaires « , il y eut pendant des années des auteurs de bd  » populaire « , comme Lambil ou Cauvin, par exemple. La grand-messe qu’est Angoulème, reconnaissons-le, n’a pas toujours, loin s‘en faut, beaucoup apprécié une certaine bande dessinée ne correspondant pas aux codes d’une envie d’intellectualisme affichée par les donneurs de récompenses !

Et aujourd’hui, c’est Jean Dufaux, scénariste belge particulièrement talentueux et prolifique, qui, sur les réseaux sociaux, a annoncé sa décision de ne plus se rendre à Angoulème, un festival dans lequel il ne se reconnaît pas ! Mais qu’il ne renie pas pour autant…

Jean Dufaux
Jean Dufaux © J. P. Procureur 

Il est vrai qu’en regardant la liste des grands prix, on ne trouve aucun scénariste… Un peu comme si la bd n’était que graphique, et que le texte n’avait aucune importance !

Il est vrai aussi que l’immense majorité des grands prix a été décernée à des auteurs français. Ce n’est que depuis sept ans que ce festival cherche (enfin) à justifier son rôle  » international  » annoncé.

Pour être tout à fait objectif, reconnaissons quand même que bien des grands prix ont récompensé des auteurs importants : Schuiten, Hermann, Spiegelman, Cestac, Morris, Pratt… Corben, aussi… et quelques autres encore, comme Boucq, ou Forest, Franquin, Eisner ou Jijé… Et j’en oublie !

Mais force est de reconnaître également que bien d’autres grands prix, qui ont provoqué l’ire de pas mal de festivaliers en leur temps, d’ailleurs, semblent être affaire plus de copinage que de qualité. (Des choix présents aussi, et plus peut-être, dans l’attribution des autres prix!…)

On me rétorquera que c’est là une question de goût… Sans doute, mais pas seulement… Surtout au vu de toutes celles et de tous ceux, justement, qui n’ont pas eu ce grand prix : Goetzinger, par exemple, et Rosinsky… Ou Goscinny, scénariste sans lequel la BD n’aurait jamais été ce qu’elle est aujourd’hui ! Mais c’est vrai, aussi, que Goscinny n’était qu’un homme de mots !

Cela dit, comme le dit Jean Dufaux, un festival comme Angoulème se doit d’exister. Peut-être devrait-il revoir sa copie quant à l’attribution de ses (grands) prix, certes. Mais il est important que ce festival résiste au temps qui passe, comme tous les festivals, comme les libraires passionnés qui ne se content pas d’être des marchands de livres. Oui, il est important qu’Angoulème continue ou recommence à mettre en évidence des auteurs essentiels du neuvième art, dans tous les domaines de la création bd!

La bande dessinée est un art… Elle est aussi un regard, immédiat, sur notre monde… Et elle a tout à gagner à être acceptée dans tout son éclectisme par ceux qui se veulent ses représentants intellectuels et analystes !

La bande dessinée est un plaisir… Il faut qu’elle soit reconnue comme telle, même à Angoulème ! Et que ce festival soit une grand-messe, sans que s’y agglutinent essentiellement des marchands du temple ! Et que puissent s’y retrouver des créateurs comme Jean Dufaux, à qui on doit, entre autres, l’extraordinaire série « Murena »!

Jacques Schraûwen

Murena © Dargaud