Jean-Marc Krings expose au Centre Belge de la Bande Dessinée jusqu’au 21 mai

Jean-Marc Krings expose au Centre Belge de la Bande Dessinée jusqu’au 21 mai

Jean-Marc Krings est un auteur belge à part entière. Et ce sont les planches de son dernier album, paru pour le moment uniquement en néerlandais, qui s’accrochent aux cimaises du musée bruxellois de la bande dessinée.

Le nord de la Belgique a l’habitude des longues séries dont les héros, à chaque album, vivent une nouvelle aventure. Bob et Bobette, Le Chevalier Rouge, Bessy en sont d’évidents exemples. Kiekeboe également, cette série typiquement familiale et bon enfant, animée depuis quelque 150 albums par son auteur, Merho.

Le nord de la Belgique a aussi, depuis quelques années, l’habitude de prendre comme base ces séries populaires et ouvertes surtout au monde de l’enfance, et de les transformer, en parallèle des livres originels, en des albums résolument adultes. Amphoria, par exemple, superbement traduit en français par les éditions Paquet, en est un exemple flagrant, puisqu’y vivent tous les personnages de Bob et Bobette dans un environnement beaucoup plus réaliste, d’une part, et dans des aventures qui n’évitent ni violence, ni sensualité ! Voire plus, même !…

Et c ‘est au tour de Kiekeboe, aujourd’hui, de laisser échapper un de ses personnages, Fanny K, pour en faire l’héroïne d’une série qui s’éloigne résolument de son univers originel. Une héroïne dessinée par Jean-Marc Krings.

Jean-Marc Krings: Fanny K
Jean-Marc Krings: le dessin

 

Jean-Marc Krings a un style, c’est vrai, qui ne peut que coller à ce genre d’aventure : nervosité dans le trait, rapidité dans la mise en scène, sens de l’expressivité, amour, aussi, de la courbe dans tout ce qu’elle peut avoir de féminin, dans un environnement où le réalisme laisse la place à l’efficacité graphique.

Krings est un de ces auteurs prolifiques dont tout le monde a déjà vu au moins un dessin : proche, graphiquement, de l’école de Marcinelle, il a derrière lui une belle carrière, déjà. Qu’on en juge, d’ailleurs, puisqu’il fut le dessinateur de la très jolie série Violine, mais aussi de la reprise de la Ribambelle, du Code Quanta, ou encore de Jacky Ickx…

Dessinateur résolument populaire, c’est-à-dire prêt à tenter toutes les aventures éditoriales susceptibles de lui permettre d’aller encore plus à la rencontre de publics différents, le voici également honoré par une exposition. Et pas n’importe où, mais dans ce lieu prestigieux qu’est le Centre Belge de la Bande Dessinée, un endroit véritablement ouvert à toutes les créations du neuvième art, des plus traditionnelles aux plus innovantes !…

Jean-Marc Krings: l’exposition

 

Bien, sûr, Fanny K n’existe encore qu’en néerlandais. Mais d’après Jean-Marc Krings, une traduction est prévue d’ici quelques mois.

Et, de toute façon, c’est être Belge aussi que de s’ouvrir à toutes les réalités culturelles de notre petit pays. Et le dessin, de souplesse, de rythme, de rapidité, qui est celui de Krings, ce dessin-là mérite assurément d’être vu et regardé de tout près !

 

Jacques Schraûwen

Une expo consacrée à Fanny K, au CBBD, jusqu’au 21 mai 2017

Les Enfants de la Résistance : 3. Les Deux Géants – Une série totalement réussie et une exposition au musée de la résistance

Les Enfants de la Résistance : 3. Les Deux Géants – Une série totalement réussie et une exposition au musée de la résistance

Troisième tome d’une série étonnante et qui ne faiblit absolument pas, que du contraire ! Avec en outre une exposition dans un lieu à découvrir, le Musée de la Résistance!

Dans ce troisième volume, nous sommes en été. En été 1941 ! François, Lisa et Eusèbe, dans leur petit village presque tranquille, après avoir enterré le père de François fusillé par les nazis, sont plus que jamais décidés à résister. C’est d’amitié qu’il s’agit, entre ces trois enfants devenant adolescents, bien entendu. D’un courage, aussi, qui les dépasse et qui ressemble peut-être, au secret de leur âme, à un grand jeu à la Rudyard Kipling.

Mais ce dont il s’agit surtout, pour les auteurs, Dugomier au scénario et Ers au dessin, c’est de dresser le portrait d’une époque de notre Histoire, une époque douloureuse, et de le faire au travers de trois regards encore enfantins, de le faire, oui, à hauteur d’enfance plutôt qu’à hauteur adulte !

C’est là toute la force de cette série, certainement… Une série résolument ouverte à tous les publics, à tous les âges. Une série dont le message premier est de prouver que la résistance est d’abord une manière d’être, une manière d’exister, une manière de penser et de réfléchir.

A la fin de chaque album, il y a un dossier qu’on peut qualifier de pédagogique. Et ce sont ces pages-là qui sont exposées au musée de la Résistance, à Bruxelles, rue Van Lint. Une exposition à laquelle le conservateur du musée, Jean-Jacques Bouchez, attache beaucoup d’importance…

Vincent Dugomier: résister

Jean-Jacques Bouchez, le conservateur du musée de la résistance

Je l’ai déjà dit ici lors de mes chroniques consacrées aux albums précédents de cette série : il s’agit véritablement d’une réussite !

Une réussite due, entre autres, à la précision que les deux auteurs ont voulue dans le construction de leur récit, de leurs récits pluriels même.

Comme exemple, j’en veux l’œil historique sérieux sur le monde des enfants en ces années quarante naissantes. Les stéréotypes étaient nombreux, sur ce qui pouvait être vécu par les petits garçons et par les petites filles. Les stéréotypes étaient tout aussi nombreux en ce qui concerne les réalités sociales et sociologiques de tout un chacun, de l’accès aux études, du travail à la ferme. Il y avait les notables et les autres, dans le village de nos trois enfants-héros. Il y avait ceux qui reprenaient la ferme et les autres qui pouvaient faire des études et s’élever, ainsi, au long de ce qu’on ne nommait pas encore l’échelle sociale. Et ces réalités-là, tellement différentes de ce que notre occident connaît aujourd’hui, sont bien présentes et mises en perspective dans cette série.

Ce qui est important aussi, c’est que les personnages, qu’ils soient centraux ou secondaires, ne sont jamais figés. On les voit évoluer, changer, physiquement et moralement. Et c’est encore plus le cas avec nos trois héros qui, d’album en album, gagnent en maturité physique et mentale…

Dugomier et Ers: le quotidien des enfants

Vincent Dugomier: la maturité

Dans les deux premiers volumes, on était totalement dans l’aspect  » grand jeu  » dont je parlais plus haut. Bien sûr, le rendu de l’époque était complet, avec ses réalités sociales et politiques, mais le tout était traité en arrière-plan plutôt qu’à l’avant de l’intrigue.

Ici, dans ces « deux géants », deux géants qui se jaugent, se jugent et finissent par s’affronter, il en va tout autrement. La politique est bien présente, par petites touches d’abord, puis avec de plus en plus d’insistance. Il faut dire qu’en 1941, l’Allemagne Nazie s’est retournée contre l’URSS ! Et le Japon est à son tour entré en guerre !…

Mais cette réalité politique n’empêche pas le trio des enfants résistants de continuer à vivre comme des enfants… A essayer, ainsi, de comprendre des adultes qui deviennent de plus en plus incompréhensibles, emberlificotés qu’ils sont dans les méandres de leurs convictions politiciennes. Parmi ces adultes, il y a les Français, d’abord. Ceux qui acceptent, ceux qui refusent, ceux qui collaborent. Il y a les personnages ambigus, aussi, comme le parrain de François, ambitieux et vénal, et, en même temps, aimé par son résistant de filleul…

Parmi ces adultes, il y a aussi les occupants, les nazis, les militaires, les simples soldats et leurs officiers.

Et ce n’est pas la moindre des qualités de cette série que d’éviter, jusque dans la description de ces  » méchants « , tout manichéisme qui se serait révélé inutile et trop lourd, narrativement parlant !

Benoît Ers et Vincent Dugomier: la politique

Benoît Ers: le « nazisme normal »…

 Les enfants de la résistance

Le scénario de Vincent Dugomier se construit dans la tradition, quelque peu disparue il faut le reconnaître, des aventures linéaires, bien racontées, superbement documentées, bien écrite, admirablement bien dialoguée, avec un minimum de raccourcis littéraires. Un peu comme dans ces romans pour adolescents signés Dalens ou Foncine.

Le dessin de Benoît Ers, plus que dans les albums précédents peut-être, joue énormément avec la couleur. Il est vif, rappelle, lui aussi, les illustrations de ces livres pour la jeunesse des années 50, comme la fameuse collection Signe de Piste. Sans pour autant renoncer aux scènes graphiquement ambitieuses, comme l’attaque japonaise sur Pearl Harbor.

On sent qu’ils sont tous les deux plus que des partenaires dans la création de cette série. Qu’ils sont réellement co-auteurs. Il en résulte trois albums à savourer !

Benoît Ers: la couleur

Enfants, adolescents, adultes, n’hésitez pas, en cette époque troublée, à acheter ces trois premiers albums d’une série intelligente à tous les points de vue ! A l’acheter, à l’offrir, et à vous rendre au musée de la Résistance à Bruxelles pour en découvrir un outil pédagogique accessible aux écoles !…Et pour en savoir plus, suivez les liens ci-après !…

 

Les éditions du Lombard

Le Musée de la Résistance

 

Jacques Schraûwen

Les Enfants de la Résistance : 3. Les Deux Géants (dessin : Benoît Ers – scénario : Vincent Dugomier – éditeur : Le Lombard)

Exposition au Musée de la Résistance – 14, rue Van Lint – 1070 Bruxelles – jusqu’au 30 juin

Le Réseau Madou : une superbe réédition et une belle exposition chez Champaka!

Le Réseau Madou : une superbe réédition et une belle exposition chez Champaka!

Un livre de 1982 entièrement  » reconstruit « , aujourd’hui, exposé aux cimaises d’une galerie bruxelloise (Champaka), et qui mérite assurément qu’on s’y attarde !

 » Le Réseau Madou « , c’est d’abord et avant tout un hommage, littéraire et graphique, à la fameuse  » Ligne Claire « , celle de Jacobs surtout.

Littéraire, d’abord, parce que François Rivière agit ici en écrivain, en écrivain de roman policier à l’ancienne, ai-je envie de dire,  » à l’anglaise « .

Certes, sa narration subit d’évidentes influences, que François Rivière, par ailleurs, assume pleinement. Il y a une construction qui, parfois, rappelle certaines œuvres de ce qu’on a appelé le nouveau roman. Il y a aussi une succession de plans qui appartient, elle, au monde cinématographique.

Graphiquement, il en va de même, et on peut se demander, d’ailleurs, à certains moments, dans quelle mesure Alain Goffin a illustré le scénario de François Rivière, ou, à d’autres moments, dans quelle mesure le scénariste a illustré de ses mots le découpage de son dessinateur.

 » Le Réseau Madou « , c’est ensuite une histoire. Un récit parfaitement charpenté d’espionnage dans l’immédiate avant-guerre (1938). Résumer cette histoire est impossible tant elle comprend de fausses pistes, d’indices parsemés tout au long des dessins, de rebondissements aussi. Le héros de cet album, dans la plus pure tradition de la bande dessinée pour la jeunesse, est un jeune scout, Thierry Laudacieux. Le propos, lui, est plus adulte, incontestablement, tout en respectant toutes les règles  » tous publics  » chères aux tenants de La Ligne Claire…

Par contre, ce qu’il faut souligner, c’est que cet album est une véritable  » re-création  » de l’original. On peut parler de  » remastérisation « , à tous les niveaux, et le résultat en valait la peine ! Dois toilé, rendu des traits et des images d’une netteté exemplaire, tout est fait, réellement, pour que tenir ce livre entre les mains et le lire participent d’un vrai plaisir.

François Rivière: le scénario et les influences…

Alain Goffin: le scénario et le re-création…

A la fin de cet album quelques pages dressent un paysage succinct mais intéressant de ce que  » La Ligne Claire  » a apporté au monde de la bande dessinée.

Et c’est vrai qu’on peut se poser la question de savoir si cette manière de créer en bd est toujours d’actualité, a toujours sa place dans l’univers actuel du neuvième art, tellement varié.

Mais c’est par et pour cette variété que l’art cher à Hergé reste actuel, reste un médium capable encore et encore de raconter des histoires, qu’elles soient accessibles à tous ou réservées aux adultes.

C’était d’ailleurs, déjà, le  » message  » de ce réseau Madou, puisque un des éléments moteurs du récit se situe dans une bande dessinée éditée en strip par un journal bruxellois. La bande dessinée, dans la bd, en quelque sorte, mais montrant que la bd, qu’elle qu’en soit la forme finalement, est un vecteur de communication, pour utiliser un terme à la mode aujourd’hui, mais qui ne l’était pas en 1982, et certainement pas non plus du temps des albums de Hergé ou de Jacobs !

Alain Goffin: La Ligne Claire

François Rivière: la BD dans la BD…

Cela dit, ce qui prime aussi chez tous les utilisateurs actuels de la ligne claire, c’est une certaine forme de nostalgie. Nostalgie d’une architecture, nostalgie de meubles et de décors intérieurs, nostalgie d’une ambiance infiniment plus lente que celle qu’on connaît de nos jours, nostalgie de vêtements, nostalgie de  » valeurs « , au sens large du terme. Une nostalgie qu’Alain Goffin revendique, totalement…

Alain Goffin: la nostalgie

 

Je pense que la réédition de cet album vient en son temps. Pour prouver que l’essentiel, dans le neuvième art, reste et restera toujours le fait de raconter une histoire, et de le faire d’une manière qui permette aux auteurs, le dessinateur comme le scénariste, de s’exprimer totalement et librement.

Ce qui vient à son heure aussi, c’est l’exposition-vente organisée à l’occasion de cette réédition par la Galerie Champaka à Bruxelles, et qui permet à la fois de découvrir tout le talent d’Alain Goffin, mais aussi tout le travail qui a été fourni, aujourd’hui, pour actualiser un album qui, sinon, aurait sans doute paru très daté…

Alain Goffin: l’exposition

 

Un livre une expo…. Que demander de mieux pour rendre hommage à La Ligne Claire ?….

Aux nostalgiques de la bd à l’ancienne, aux nostalgiques d’un Bruxelles disparu où la Place Flagey n’était pas encore un lieu  » branché « , aux amateurs de bonnes histoires bien racontée, à tous ceux qui aiment le neuvième art sous toutes ses formes, ce livre et cette exposition ne pourront que plaire !

 

Jacques Schraûwen

Le Réseau Madou (dessin : Alain Goffin – scénario : François Rivière – éditeur : Dargaud)

Exposition à la Galerie Champaka – 27, rue Ernest Allard – 1000 Bruxelles – du 3 au 18 mars