La mort d’Alex Barbier, auteur de bande dessinée marginal et important !…

Aimer la bande dessinée, c’est lire selon ses goûts, bien évidemment. Mais personnellement, j’ai toujours considéré que l’éclectisme se devait d’être une règle en la matière…


Alex Barbier – © Alex Barbier

Il est vrai que j’ai dit haut et fort ce que je pensais des choix culturellement étranges (à mon avis, du moins) du festival d’Angoulême, De ce fait, j’en étonnerai plusieurs, certainement, en avouant que me plaît le travail d’Alex Barbier, dessinateur hors normes qui vit ses premières œuvres publiées dans les années 70 au sein d’un magazine qui a marqué au moins deux générations de lecteurs : Charlie Mensuel.

Ce mensuel réussissait à faire se côtoyer, avec naturel, des œuvres plus ou moins classiques, des bd américaines traditionnelles, des bd underground US plus difficiles d’accès, des auteurs italiens et des artistes français, aussi, qui, délibérément, cherchaient à réinventer la bande dessinée en détruisant ses codes trop contraignants. Charlie Mensuel, c’était un pays où tout semblait possible pour des créateurs inventifs et passionnés.


Alex Barbier – © Alex Barbier

Et c’est dans ce pays, dans cette famille d’auteurs qui refusait toute filiation qu’Alex Barbier a « sévi », en osant la couleur directe, une couleur démesurée, omniprésente, éclatant les contours habituels des paysages et des personnages, en construisant par séquences presque automatiques des histoires étonnantes, des récits décalés qui s’enfouissaient dans l’intime de l’humain, sans éviter toutes les dérives possibles, rêvées, imaginaires, essentielles de l’humanité, à savoir le désir, le plaisir, la sexualité, sous toutes ses formes. La chair, dans ce qu’elle peut avoir de plus sensuel comme de plus désespérant. Il fut de ceux qui rêvèrent et créèrent la bande dessinée résolument adulte !


Alex Barbier – © Alex Barbier

On peut dire de lui, qui vient de quitter la vie à l’âge de 68 ans, qu’il a toujours vécu en marge… En marge de la bande dessinée, avec, tout compte fait, assez peu d’albums publiés, en marge de la peinture aussi, qu’il a voulu pratiquer professionnellement pendant plusieurs années.

Son approche de la bd, d’ailleurs, fut bien plus celle d’un peintre, d’un coloriste puissant, que celle d’un graphiste. Ses influences sont nombreuses, Bacon, par exemple, ou Freud pour le trait et l’explosion de la couleur. Burroughs, aussi, mâtiné de polar à la française, pour ses scénarios.

Ses œuvres, Lycaons, Lettres au maire de V., Dernière Bande, sont à découvrir, ou à redécouvrir, chez ses éditeurs Frémok, Delcourt, entre autres, pour une plongée dans une partie de la bande dessinée qui a permis, sans aucun doute, à la bd populaire de se libérer de carcans trop rigides…

Jacques Schraûwen


Alex Barbier – © Alex Barbier
Denis Sire : le décès d’un électron libre de la bande dessinée

Denis Sire : le décès d’un électron libre de la bande dessinée

Dessinateur de BD, illustrateur, de pochettes de disques entre autres, amoureux de la femme et de la moto, de la voiture et de l’aventure débridée, Denis Sire est de ceux qui, à la fin des années 70, se sont nourris aux vents de la liberté qui soufflaient alors dans le neuvième art.

Denis Sire
Denis Sire – © Humanoïdes associés

Artistiquement, quel que soit le domaine envisagé, personne n’est  » neuf « . Et dans le graphisme de Denis Sire, on retrouve, dès ses débuts, les influences évidentes d’une certaine esthétique, américaine surtout, des années 50. On n’est jamais loin, avec lui, de Betty Page, par exemple, et de ses représentations profondément érotiques.

Denis Sire
Denis Sire – © Humanoïdes associés

On n’est pas loin, non plus, des  » vamps  » qui ont fait du cinéma hollywoodien ce qu’il était, une usine à rêves, mais des rêves sensuellement machistes, toujours. Et c’est peut-être là la première caractéristique de Denis Sire, d’ailleurs : une sensualité tout en courbes, avec des personnages féminins qui, sous des airs dominés, se révèlent beaucoup plus dominateurs que leurs comparses masculins.

Denis Sire
Denis Sire – © Dupuis

C’est chez les  » Humanoïdes Associés  » que Denis Sire a édité la plupart de ses albums, souvent avec la complicité de Jean-Pierre Dionnet. Dans  » L’Echo des Savanes « , aussi. Et on peut épingler des titres que bien des adolescents d’hier et d’avant-hier gardent profondément en mémoire ! Menace Diabolique, Lisa Bay, L’Île des Amazones, Bois Willys, ainsi, jalonnent son existence et sa carrière comme autant de signes tangibles de son étonnant talent, hommage constant et avec un sens extraordinaire du mouvement à un esthétisme artistique désuet…

Jacques Schraûwen

René Pétillon : la mort d’un des électrons libres du neuvième art

Il avait 72 ans. Actif dans l’univers de la bande dessinée depuis la moitié des années 70, il est le créateur du déjanté détective privé jack Palmer.

 

René Pétillon fait partie de ces auteurs de « petits mickeys » qui ont vécu la grande aventure du magazine Pilote, sous la houlette de Goscinny.
Après avoir été illustrateur pour des revues comme Plexus, où il développe très vite un sens de la dérision qui n’appartient qu’à lui, il s’enfouit dans ce qu’on n’appelle pas encore le neuvième art pour créer un personnage hors du commun, inspiré, certes, par les romans noirs américains, mais aussi par un Columbo qui n’aurait aucun sens de l’intuition policière…
Jack Palmer, héros presque à la Droopy de quelque 17 ou 18 albums si ma mémoire est bonne, a eu les honneurs du cinéma, avec un film inspiré d’une de ses aventures : « L’enquête corse ». Un excellent album, un des meilleurs de cette série, et un film qui, ma foi, réussit à ne pas trop trahir le rythme et l’ambiance de la bd, même si c’est le (trop) remuant Christian Clavier qui revêt le pardessus trop large de Palmer.
Dessinateur discret, malgré le grand prix de la ville d’Angoulème qui lui a été attribué en 1989, il n’a jamais abandonné ses premières amours, et il a à son actif bien des albums consacrés à ses dessins de presse.
Artiste éclectique et inclassable, René Pétillon est de ceux qui, de Pilote à « L’écho des Savanes », aura marqué de sa présence l’évolution de la bande dessinée, média destiné à la jeunesse, d’abord, aux adultes ensuite…

Jacques Schraûwen