Georges Chelon : Essayez Dieu

Georges Chelon : Essayez Dieu

Même si Malik fut l’ami de Chelon, je ne vais pas vous parler de bande dessinée, non. Mais d’un artiste, un vrai. Un homme de mots et de musiques, un poète comme il y en a si peu de nos jours !

Georges Chelon © Georges Chelon

Dans les années 60, Georges Chelon était considéré comme l’héritier direct de Brassens. Le prix de l’académie Charles Cros lui fut d’ailleurs décerné. Cette reconnaissance l’a même poussé, à l’époque, à écrire une chanson dans laquelle il demandait qu’on lui laisse le temps de vieillir, de découvrir, pour mieux partager !… Il appartenait pleinement à ce qu’était la chanson dans ces années étranges et sublimes qui voyaient se côtoyer Ferré et Dutronc, Brel et Aufray, Ferrat et Johnny. Mais il avait choisi, non pas son camp, mais sa famille : celle des auteurs-interprètes pour qui prendre le temps de faire une chanson, cela ne pouvait être gratuit.

Georges Chelon, ainsi, a fait le choix, essentiel, de parler de lui, de ce qu’il connaissait, de ce qu’il vivait ou avait vécu, de ses rêves et de ses tristesses, le choix de ne pas faire rimer éternellement amour et toujours.

Georges Chelon © Georges Chelon

Et puis, le temps a passé et le monde du show-business a oublié Chelon comme tant d’autres… Les antennes ne se sont, petit à petit, plus intéressées qu’aux chansons qu’on appelle des tubes, comme le disait Julos Beaucarne, parce qu’elles étaient creuses.

Mais Chelon, contre vents et marées de la renommée, ne s’est jamais arrêté, ne s’est jamais réinventé (le terme le plus stupide qui soit !), de disque en disque, d’année en année, d’Olympia en petite salle accueillante. Il s’est ainsi construit une carrière véritablement exceptionnelle, en dehors des modes, allant jusqu’à faire oublier Ferré en mettant en musique toutes les fleurs du mal de Baudelaire.

Ce cd-ci date de 2019.

Georges Chelon © Georges Chelon

Et il est à l’image de son auteur : le paysage d’une existence qui, inexorablement, approche de son terme, le voyage d’un homme au présent de ses questions comme de ses engagements, de ses émerveillements comme de ses colères.

« En peu de temps, qu’est-ce qu’il nous reste, à part l’amour, ça va de soi », nous dit-il dans une de ses chansons… Et en même temps, il nous parle, dans un autre de ses poèmes chantés, de l’incendie de Notre-Dame, symbole culturel bien au-delà de la seule religion.

Aucune amertume dans les chansons de ce disque.

Mais un amour de la vie, tout simplement, un amour de l’amour, de l’amitié, avec de la mélancolie, certes, mais avec aussi de l’humour, de la tendresse, du désir et du rêve, encore, toujours !

Georges Chelon © Georges Chelon

Comme il l’écrit et le chante dans la chanson « Un jour de plus » : une goutte d’eau de la mer, un grain de sable du désert, c’est dire qu’on n’est presque rien, mais à ce rien, je tiens !

Oui, comme Georges Chelon, je rêve d’un monde qui, enfin, retrouve le temps d’écouter, d’apprécier, de partager. De regarder !…

Ce monde est le nôtre, et il nous appartient à toutes et à tous, je pense, de refuser de le voir s’éteindre, et de se battre, au quotidien, pour que des voix comme celle de Georges Chelon continuent à nous parler. La liberté, c’est aussi celle de revendiquer un choix que les radios et les télés, désormais, nous refusent !

« Essayez Dieu », tel est le titre de ce cd que je vous engage, vraiment, à acheter, à dénicher, à commander (je sais qu’à la FNAC, c’est possible et aisé), à offrir. A écouter, surtout !

Jacques Schraûwen

Georges Chelon : essayez Dieu – epmmusique

Les Arbres

Les Arbres

La famille Blaireau Renard présente : Les Arbres – un album jeunesse et une exposition à Bruxelles !

La « famille Blaireau Renard », c’est de la bd jeunesse au succès mérité ! Ne ratez pas leur nouvel album et l’exposition qui l’accompagne, au CBBD jusqu’au 16 juin !

Les arbres © Dargaud

Pour la famille recomposée Blaireau-Renard, une balade en forêt à la recherche de savoureux champignons se transforme en une belle « leçon de choses ».

Mais une leçon ludique, d’abord et avant tout, souriante, poétique.

Une leçon qui ne ressemble en rien aux morales bien pensantes qu’on trouve encore (malheureusement…) dans certaines lectures destinées à l’enfance, à la jeunesse.

Une leçon qui commence, d’ailleurs, par l’existence même de cette famille étrange, une existence qui nous raconte, de livre en livre, l’aventure essentielle des différences qui s’acceptent et s’enrichissent les unes les autres.

La puissance et l’intelligence des livres « animaliers », ces ouvrages qui choisissent la voie de l’anthropomorphisme pour s’approcher de l’âme humaine de manière métaphorique, la force de cette manière de raconter une histoire, c’est de mettre en évidence des sentiments qui, de nos jours, deviennent de plus en plus nécessaires : la tolérance, le regard attentif sur le monde et sur les autres.

Et, avec cette famille Blaireau-Renard, c’est une superbe réussite, le fruit d’une véritable osmose entre les deux auteures.

Brigitte Luciani: l’acceptation de la différence
Brigitte Luciani: travailler à deux
Les arbres © Dargaud

Cela dit, l’essentiel, dans ce livre-ci, c’est la nature, ce sont les arbres. On peut, oui, parler d’une bd didactique, une bande dessinée construite en chapitres, chaque chapitre amenant deux planches descriptives. Mais n’ayez aucune crainte, il n’y a dans cet aspect éducatif aucune tristesse, que du contraire ! Pour les adultes, comme moi, lire ces pages-là, c’est se plonger dans son enfance, dans les souvenirs qu’on a des herbiers qu’on faisait pour l’école ou dans le cadre d’un mouvement de jeunesse. Pour les enfants d’aujourd’hui, ces pages-là montrent la nature, la vie des arbres, leurs réalités, et ouvrent donc les regards de l’enfance au monde qui les entoure et à toutes ses richesses, scientifiques, certes, mais symboliques aussi de sentiments et de réalités proches, souvent, de ce qu’est l’humain, donc l’humanisme !

Brigitte Luciani: l’aspect didactique
Brigitte Luciani: la solidarité
Les arbres © Dargaud

Le texte, vous l’aurez compris, n’a rien de débilitant, que du contraire ! Mais il est fait de mots simples, de phrases courtes, de dialogues ressemblant parfaitement à ce que peuvent être (et sont…) les dialogues entre parents et enfants « humains »…

Le dessin, quant à lui, fait bien plus qu’accompagner le texte ! Il le fait vivre, il lui offre de façon tangible l’émotion nécessaire au partage. Le trait d’Eve Tharlet est infiniment plus proche de Calvo, voire même de Hausman, que des illustrations venues des pays de l’Est, et souvent très stylisées. Elle a, lorsqu’elle dessine les personnages, un vrai sens du mouvement allié à un souci d’exprimer les sensations et les sentiments au travers des physionomies et des regards.

Et, pour son approche des planches didactiques, elle réussit à être extrêmement précise, presque scolaire même, sans pour autant perdre de sa tendresse, de la douceur de son graphisme et de sa couleur.

Eve Tharlet: dessiner les arbres
Eve Tharlet: l’émotion
Les arbres © JJ Procureur

Venues toutes deux de l’illustration, arrivées presque par hasard dans l’univers du neuvième art, Brigitte Luciani et Eve Tharlet se voient aujourd’hui totalement reconnues… Une très jolie exposition est en effet consacrée à ce livre-ci, dans la petite galerie du Centre Belge de la Bande Dessinée (CBBD) à Bruxelles, jusqu’au 16 juin 2019 !

Eve Tharlet: L’exposition
Exposition Les arbres © JJ Procureur

D’accord, c’est un livre pour « enfants »… Mais c’est d’abord et avant tout un livre intelligent, un livre d’éveil… Et, adultes, n’avons-nous pas, nous aussi, de plus en plus besoin d’être réveillés pour redécouvrir, dans le monde qui nous entoure, ce qu’est la beauté, ce qu’est l’émotion ?….

A lire, donc, à lire à voix haute à votre bambin ou a vos petits-enfants… A offrir, de toute façon!

Jacques Schraûwen

La famille Blaireau Renard présente : Les Arbres (dessin : Eve Tharlet – scénario : Brigitte Luciani – éditeur : Dargaud)

Les arbres © Dargaud