L’Hommage à Cauvin par le Journal « Spirou »

L’Hommage à Cauvin par le Journal « Spirou »

Quatre couvertures différentes, un article de 16 pages illustré par des dessinateurs et des témoignages écrits. Pas de Pathos, mais des souvenirs et des sourires.

© Dupuis

Plus de quatre semaines après le décès de Cauvin, voici qu’enfin paraît l’hommage que lui devait le journal de Spirou, journal qui lui doit tant depuis tant d’années !

Je sais que des tas de gens trouvent des tas d’excuses (les délais d’impression, entre autres…) à ce que j’appelle, moi, un retard… En d’autres temps, pas tellement lointains pour ceux qui ont encore de la mémoire (et j’en fais partie), on pouvait, à la mort d’un auteur, en une semaine, modifier un numéro du journal, y ajouter quelques pages, un avis, en attendant de pouvoir faire un numéro spécial…

Cauvin, l’homme clé des séries à succès de chez Dupuis, l’aurait bien mérité.

Mais bon, n’ergotons pas…

L’hommage est fait, enfin, et, ma foi, il est réussi…

© Jacques Schraûwen

L’article de Morvan Di Salvia est pudique, sympathique, anecdotique aussi, dans le bon sens du terme. Axé sur la vie de Cauvin, intra-muros de chez Dupuis, l’actuel rédacteur en chef de Spirou retrace la carrière de Cauvin, en portant le focus sur ses rencontres, sur la manière dont ses différentes séries ont vu le jour. Cela aurait pu être une sorte de discours (écrit) officiel, et cela ne l’est pas, fort heureusement ! Au fil des lignes, des pages, c’est bien Raoul Cauvin qui apparaît, avec sa moustache, ses sourires, ses yeux pétillants…

Et puis, il y a les hommages, attendus ou pas, de quelques noms de la bd…

Des hommages écrits. Celui de Dugomier, celui de Nob, celui d’Henriet, celui, plus inattendu et de ce fait émouvant, de Terreur Graphique, celui de Bergèse, celui, aussi, de Zidrou.

Des hommages dessinés, également…

J’ai été ému par la planche de Jacques Louis, par le dessin de Laudec, par celui de Dany nous montrant un Cauvin perdu dans les souvenances de tous les héros qu’il a créés.

J’ai souri devant l’humour tendre de Walthéry, l’humour noir de Hardy (en couverture), l’extraordinaire tendresse de Ernst, aussi…

Sans oublier la superbe planche, en quatrième de couverture, du Lucky Luke de Achdé.

Et puis, j’ai aimé, simplement, le besoin qu’ont eu des dessinateurs comme Aimée de Jongh, Christophe Simon ou Clarke de dessiner pour dire adieu à un artiste, un vrai…

© Jacques Schraûwen

Et enfin, puisqu’il est impossible de citer tout le monde, toutes celles et tous ceux qui savent qu’ils ont perdu, avec Cauvin, un maillon essentiel de ce que fut l’évolution de la bande dessinée depuis quelque cinquante ans, je vais me contenter de citer les tout derniers mots de l’article du rédacteur en chef : « Merci pour tout, Raoul ! »

Jacques Schraûwen

Spirou numéro 4354

Les Mémés – Chroniques des âges farouches

Les Mémés – Chroniques des âges farouches

L’humour à la « fluide » glacial aime ruer dans les brancards, toujours, s’écarter des sentiers battus, affronter les diktats d’une société de plus en plus politiquement correcte. L’humour à la « fluide glacial » est, de ce fait, salutaire ! Et c’est bien le cas avec ce petit livre à ne pas rater !

Les mémés 1 © Fluide Glacial

Les mémés… Vous savez bien, ces veilles femmes, souvent avec un caddie, que vous croisez dans la rue en les voyant à peine, en ne les regardant pas, et qui, courbées par l’âge, vous savent insensibles…

Les mémés, vous savez bien, ces femmes dont les rides ne se souviennent plus de leurs beautés passées, et qui se rencontrent, dans la rue, au supermarché, pour des petite parlottes quotidiennes…

Les mémés, vous savez bien, ces poids morts dont on ne parle qu’en cas de canicule ou de pandémie pendant laquelle on les laisse mourir dans un anonymat répugnant…

Les mémés 1 © Fluide Glacial

Les mémés, vous savez bien, ces vieilles comme dans la chanson de Brel, qui devraient vous rappeler que l’horloge du salon ronronne pour vous également, et que le temps s’approche de vos propres vieillesses ennemies…

Ce sont elles qui sont les héroïnes de ce livre réjouissant, jouissif, grinçant, donc essentiel !

Sylvain Frécon nous les montre telles qu’elles sont, sans fioritures. Elles ne sont pas de celles qui se rendent dans des salons de beauté, elles ne sont pas ce celles que la richesse permet de briller encore un peu. Non, elles sont, tout simplement, quotidiennes… Comme vos grands-mères que vous ne voyez qu’une fois par an.

Les mémés 1 © Fluide Glacial

Au fil des pages, de gag d’une page en gag d’une page, ces mémés n’ont pas la langue en poche, loin s’en faut ! Elles peuvent, sans vergogne, et sans frein, dire ce qu’elles veulent, ce qu’elles pensent, sans s’occuper du qu’en-dira-t-on. Elles sont vivantes, elles se savent de plus en plus proches, de jour en jour, de l’échéance finale, et elles n’ont plus besoin de barrières, de distanciations.

Vulgaires ? Parfois, parce que la vie est de plus en plus d’une vulgarité terrible.

Agressives ? Parfois aussi, parce qu’elles n’ont plus le temps d’accepter qu’autour d’elles vivent en paix des humains soumis à la connerie au jour le jour.

Les mémés 1 © Fluide Glacial

Elles sont sans retenue ? Oui, parce que, vieilles dames indignes, elles peuvent profiter pleinement de leur non-jeunesse pour parler et ne pas être agressées pour leurs avis tranchés, provocateurs, provocants ! Elles sont, ces mémés, épiques dans un monde qui ne l’est plus, comme le disait Ferré. Les âges sont farouches, mais pas les leurs, loin de là !

Ce livre, croyez-moi, est un petit bijou d’humour noir et d’observation pointue de notre monde !

Les mémés 1 © Fluide Glacial

Dans un style graphique vif, raide, direct, Sylvain Frécon fait de ces mémés les dernières des anarchistes, les ultimes résistantes à l’universelle bêtise, même si elles ont conscience, en même temps, de leurs propres âneries. C’est à la fois un livre d’humour, un livre d’humour sociologique, un livre de tendresse, un livre de révolte. Un livre qui n’a peur ni des mots ni des images qui les portent !

Jacques Schraûwen

Les mémés – chroniques des âges farouches (auteur : Sylvain Frécon – éditeur : Fluide Glacial – 94 pages – 2021)

Les mémés 1 © Fluide Glacial
Mitacq à la Galerie Champaka jusqu’au 2 octobre

Mitacq à la Galerie Champaka jusqu’au 2 octobre

Retrouvez tout le talent d’un des « GRANDS » du neuvième art !

Mitacq est mort en 1994, à l’âge de 66 ans à peine. Il laisse derrière lui une œuvre importante, une présence essentielle et incontestable dans le paysage de ce qu’on appelle l’âge d’or de la bande dessinée ! Et la Galerie Champaka à Bruxelles le remet aujourd’hui, enfin, à l’honneur !

© Mitacq

L’Histoire, avec un H majuscule, qu’elle soit celle des guerres, des paix, ou celle des arts, a l’habitude de mettre en évidence des personnalités qui, de ce fait, deviennent emblématiques, et d’en oublier d’autres.

Dans l’univers du neuvième art, la chose est évidente aussi. Hergé est le « pape » de la bd, on l’encense comme on encense Uderzo, parfois à tort et à travers, on se souvient de Franquin, un peu de Jijé, et on oublie ou on laisse dans l’ombre des artistes qui jouèrent un rôle essentiel dans l’évolution, la vraie, de la bande dessinée. Je pense à des novateurs qui, à partir d’un canevas précis et réducteur des petits mickeys pour jeunes bien sages, réussirent à imposer, calmement, des thématiques plus graves, plus adultes, plus ouvertes sur le monde tel qu’il est. Je pense à Craenhals et son extraordinaire Chevalier Ardent, je pense à Godard et son Martin Milan quelque peu « anar »…

© Mitacq

Je pense aussi à Mitacq qui sut, avec l’aide de ses scénaristes, faire évoluer ses récits en y abordant des problématiques et des réalités tangibles.

Oui, l’auteur de « La Patrouille Des Castors » mérite assurément d’être honoré, lui qui fut et reste un orfèvre du réalisme en bande dessinée. Lui qui sut parler du scoutisme sans angélisme et en réussissant à le montrer ancré dans un vingtième siècle en continuelle mutation.

© Mitacq

S’il est vrai que ses « Castors » sont une série essentielle, avec trente albums parus, il ne faut pas oublier que Mitacq fut aussi le dessinateur de quatre albums de Jacques Le Gall, de plusieurs belles histoires de l‘Oncle Paul, de récits complets, et de trois récits de Stany Derval. Et d’illustrations nombreuses, également, pour le scoutisme, entre autres, avec quelques calendriers de la FSC par exemple…

© Mitacq

Mais c’est indubitablement dans sa série phare qu’il s’est le plus et le mieux investi. D’abord parce qu’il y a profité de scénaristes talentueux, Charlier bien évidemment, mais aussi Wasterlain et Stoquart, et lui-même. Ensuite parce qu’il a également profité, dans l’un ou l’autre album, de la collaboration graphique d’un des plus grands dessinateurs belges, René Follet.

Ensuite parce que le monde du scoutisme lui était connu. Jusqu’à suivre la réalité en transformant des éclaireurs en pionniers lorsque ces derniers, à l’instigation de Georges Morel, virent le jour en Belgique.

© Mitacq

Mitacq fut scout, et je me souviens avoir vu dans une commune bruxelloise un coin de patrouille de son adolescence encore décoré de ses fresques…

Et même si, de nos jours, il est de mauvais ton d’user du mot « valeurs », le scoutisme a permis à des générations et des générations de jeunes d’en découvrir quelques-unes, de s’en inventer aussi… Des valeurs non dogmatiques, celles des mains tendues, celles de ce terme qu’on galvaude tellement aujourd’hui, « solidarité », celles de la parole donnée, celles de l’humilité, celles de l’engagement au jour le jour.

© Mitacq

Un des derniers dessins qu’il réalisa fut un cadeau offert à une unité scoute dite « défavorisée » du bas de Saint-Gilles, à l’occasion de ses 75 ans d’existence. Un cadeau, oui, d’un humanisme et d’une simplicité exemplaires !

Et c’est donc à cette part majeure chez Mitacq et dans son œuvre, celle du scoutisme, celle de « La Patrouille des Castors », que la galerie Champaka ouvre ses cimaises.

© Mitacq

Ce sont quelque 80 planches originales que les visiteurs vont pouvoir admirer, de tout près. 80 planches qui proviennent des 20 premiers albums de cette série d’aventures adolescentes.

Et si, dans les premiers albums, on voit très bien l’influence (bénéfique) de Pierre Joubert, c’est un vrai bonheur des yeux que de voir Mitacq affirmer peu à peu sa personnalité, sans pour autant renier cet art du trait que fut celui de Joubert.

© Mitacq

Cette exposition nous montre aussi des pièces rares, des essais en couleurs pour des couvertures d’albums.

C’est une exposition, certes… C’est aussi un hommage à un dessinateur humaniste… C’est enfin un voyage dans un univers, celui de l’adolescence, que peu de dessinateurs ont réussi aussi bien à restituer en récits et en images mêlés !

Jacques Schraûwen

Exposition dans la galerie Champaka (27, rue Ernest Allard – B-1000 Bruxelles – Tél : 32 2 514 91 52) jusqu’au 2 octobre 2021)

© Mitacq