Un voyage initiatique ?… L’aventure totale pour un jeune couple ?… Un rêve qui se réalise ?… Ce livre est un peu tout de cela…
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Il y a quelques années, Julia et Marc ont quitté l’Espagne pour aller vivre, des mois durant, au Japon, et réaliser ainsi un des buts de leur jeune existence passionnée par ce pays lointain, sa culture et, évidemment, ses mangas. Ce livre est une sorte de carnet de voyage de Julia Cejas, son autrice-actrice. Un carnet riche d’anecdotes construites comme des petites saynètes, un carnet qui mêle le regard vers la nature, l’introspection, et le farfelu d’aventures quotidiennes.
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Avec un dessin vif, rapide, parfois à la limite de l’esquisse, Julia Cejas nous montre que bien des différences existent entre le rêve et la réalité, entre ce qu’on apprend dans les livres et la vérité du quotidien, entre des cultures usant pourtant d’un même média, le dessin. Tranche de vie, souriante, tranches de vie plurielles, émerveillements et étonnements, ce livre tutoie à la fois l’humour et la tendresse, d’une façon graphique et narrative très actuelle.
Jacques et Josiane Schraûwen
Hanami – Toi, Moi, 19m² et le Japon (autrice : Julia Cejas – éditeur : La Boîte à Bulles – 2022 – 136 pages)
J’aime, vous le savez, remettre en lumière parfois des livres qui ne font pas partie des nouveautés. C’est le cas avec cet album de circonstance datant d’il y a deux ans et qui mérite, assurément d’être redécouvert !
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Rarement œuvre littéraire ne fut autant adaptée au fil du temps que ce conte de Charles Dickens, édité en 1843 ! Le théâtre, le cinéma, la radio, la télévision, la chanson, la musique classique, le ballet, la littérature aussi, jusqu’à la science-fiction, et la bande dessinée bien entendu se sont inspirés avec plus ou moins de réussite de ce livre immortel. Un récit qui, depuis presque deux siècles, habite l’inconscient collectif, partout dans le monde, tant les sujets qu’il traite avec des mots simples, des mots de tous les jours, sont des sujets qui, malheureusement, restent d’actualité d’époque en époque…
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Pour rappel, donc, l’histoire est d’une belle simplicité, en effet, et plonge dans un fantastique à l’anglaise, plein de brumes, de lieux hantés, de personnages inattendus. Scrooge est un avare, un de ces êtres pour qui l’argent est plus important que les gens. Un être veule, vil, une sorte de caricature de ce qu’était, au dix-neuvième siècle, la bourgeoisie… De ce qu’elle reste, depuis, comme l’a chanté Brel… Et ce personnage va, le temps d’une nuit de Noël, rencontrer trois fantômes. Celui des noëls d’hier, celui du noël présent, celui des noëls futurs. Face à ces trois images de lui-même, Scrooge va, puisque c’est aussi un conte pour enfants, changer, comprendre ses erreurs, et les corriger.
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Et donc, après entre autres De La Fuente et Mittei, José-Luis Munuera s’est attaqué à son tour à ce vrai monument de la littérature mondiale.
Mais il s’agit, totalement, d’une adaptation… Une relecture, en quelque sorte, d’une œuvre qui, de ce fait, ne perd rien de sa puissance d’évocation, de son ancrage dans tous les quotidiens qui sont ceux de la planète aujourd’hui, mais une relecture qui change, en quelque sorte, les angles de vue, les perspectives de vie…
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L’époque originelle reste la même. Par contre, le personnage central, lui, est une femme, belle, séduisante, une femme de « pouvoir » dans un monde d’hommes, une femme, Elisabeth, qui n’a jamais voulu, comme les autres femmes, se soumettre à un homme, à des habitudes, à des contraintes et qui, de ce fait, ne peut qu’être détestée… Et, étant détestée, ne peut qu’accentuer ses spécificités dans une forme de provocation presque sociétale… Et, étant ce qu’elle est, et malgré les remous intimes que les trois spectres éveillent en elle, elle refuse également d’être dépendante de ces sentiments qu’elle ne se connaissait pas… Elle dialogue avec les fantômes, elle ne s’en laisse pas conter, se sait être la méchante de l’histoire d’elle que lui racontent les trois fantômes, mais affirme haut et fort que, dès lors, face aux injustices d’une société pourrissante, Dieu, lui, est un dément…
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C’est donc bien plus à une joute qu’à un dialogue qu’on assiste dans ce livre… Entre une femme haïe, et détestée avec de bonnes raisons, et Dieu et ses esprits ! Une joute verbale dont personne ne sort vainqueur, ou, plutôt, que tout le monde remporte à sa manière ! Mais tranquillisez-vous… La morale chère à Dickens n’est pas gommée dans cet album, que du contraire. Mais elle n’est plus née du hasard d’une sorte de conte de fées, mais de la revendication d’une femme de pouvoir, dans tous les sens du terme, influer sur les heures qui passent et tuent à coups d’injustices sociales.
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Dickens a intitulé ce livre « Chant de Noël », le construisant un peu comme une partition faite de mots. Munuera lui est fidèle, faisant de son dessin, et de son découpage en chapitres distincts, une sorte de poème musical, évitant cependant une bonne partie des ambiances glauques que le livre orignal de Dickens peut revêtir parfois. Il faut, à ce titre, souligner le travail de Sedyas, responsable éclairé de la couleur et de la lumière ! Cet album de Noël est lumineux, oui… Moderne aussi… Par la grâce d’un l’auteur qui parvient, avec une belle maîtrise, à sortir des influences graphiques et narratives de sa jeunesse tout comme de quelques fourvoiements inutiles (Les Tunique Bleues, par exemple, au scénario de je ne sais plus qui insignifiant). C’est comme auteur à part entière que Munuera se place, croyez-moi, dans la petite cohorte des artistes complets, capables d’épique comme de poésie, dans le texte comme dans le dessin !
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Avec de vraies questions presque philosophiques, ce livre-conte-de-Noël est bien plus que séduisant… Il redessine, à sa manière, cette magie étrange qui, une fois par an, fait rêver à un monde meilleur… Et même si Munuera se demande pourquoi se sent-on obligé de participer à un bonheur imposé par la tradition, même s’il se pose la question des pouvoirs de cette tradition et de leur raison d’être, c’est un vrai livre de Noël qu’il nous offre ! Un livre qui n’a que deux ans d’âge, et que je vous conseille, ardemment, de vous procurer chez votre libraire favori…
Jacques et Josiane Schraûwen
Un Chant De Noël – Une Histoire De Fantômes (auteur : José-Luis Munuera d’après Charles Dickens – couleurs : Sedyas – Editeur : Dargaud – novembre 2022 – 80 pages)
La suite d’une série pleine de méchanceté, de fureur, d’amour, dans un Canada dirigé par des Français essayant d’y recréer les fastes de Versailles…
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Dans le premier volume de cette bande dessinée, nous avons abandonné le chevalier de Saint-Sauveur, chassé de la cour, et envoyé au Canada, en compagnie de ses deux serviteurs, un Indien, un sauvage « éduqué, et un Français éclairé par ces Lumières venues de chez Rousseau, Voltaire, D’Alembert…
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Libertin, manipulateur, ambitieux, mais totalement rejeté par cette société faite de bijoux, de dentelles, cet homme lubrique et libertin, ne respectant les femmes qu’au creux de lits accueillants, n’ayant qu’un regard « nanti » sur une société qui est en train de changer, haïssant, en fait, tout ce qui n’est pas lui, ce Chevalier de Saint-Sauveur arrive donc en Nouvelle France, fuyant ses dettes et les menaces de mort qui pèsent sur lui… Mais il n’a rien perdu de sa morgue et de sa certitude d’appartenir à l’élite de l’humanité !
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Et pour pouvoir retourner en France, ce chevalier sans aucune morale va devoir réaliser une mission… Déshonorer le marquis d’Archambaud en réussissant à marier sa fille, la belle Aimée, à un « sauvage »… Ce deuxième tome nous fait donc assister au plan machiavélique de ce triste sire, moins galant que prétentieux, pour arriver à ses fins. Il nous le montre, également, sans vergogne user et abuser des femmes qu’il rencontre en ce Canada inconnu et qui, sans qu’il s’en rende compte sans doute, usent de lui comme il use d’elles…
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Cette série bd nous remet en face d’un style littéraire devenu désuet : celui du roman épistolaire. Désuet, oui, de manière injustifiée, tant il est vrai que c’est un moyen narratif qui permet de cerner, par les mots, les caractères et les vérités de tous les protagonistes se mettant ainsi à écrire, par conséquent à communiquer, donc à se révéler…
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Et en bande dessinée, cela permet un découpage tout à fait original mêlant dialogues et descriptions aux mots de ces lettres que rédigent le chevalier comme la belle Aimée, Gonzague, le serviteur, comme Adario le sauvage… Une des belles réussites de cette série est le talent de son scénariste Ayrolles à, justement, utiliser des langages différents, des tournures de phrases variées pour que chacun des intervenants ait sa propre façon de parler, de penser, donc d’être et de se raconter…
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Une autre réussite, c’est le dessin somptueux de Guérineau, tant dans l’approche qu’il a, lumineuse, des scènes de « salon », de courbettes et de dentelles que dans la restitution des paysages presque ennemis de ce Canada perdu loin de tout. Il y a là, narrativement, graphiquement, toute une série d’oppositions visibles des individus qui sert le propose initial de cette saga : nous parler, en contre-champ, de ce que sont ces « Lumières », de ce que sont leurs reflets, de ce que sont les forces vives qui, sans cesse, les combattent. C’est aussi grâce au dessin, en effet, que cette série bd se fait, véritablement historique.
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Vous l’aurez compris, ce deuxième tome abandonne, pour un temps sans doute, la vieille Europe, en faisant découvrir que ces fameux sauvages que l’on dit sans âme ont des regards et des qualités dignes de toutes les noblesses, dont le sens de l’humour !… Celui de « l’esprit », plutôt, qui, régnant à la cour, cache aux nantis la misère du peuple… Le Chevalier fait-il encore partie de cette noblesse, lui qui passe sa vie à passer d’échec en échec ?…. Nous le saurons dans le troisième volume, certainement !
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Deux albums, pour l’instant, dans cette petite histoire de la grande Histoire… Deux albums passionnants, tout simplement… Une série qui fait plus que se laisser lire, qui nous dessine un univers de courtisans et de citoyens qui, pourquoi se le cacher, ressemble quand même énormément à notre monde !
Jacques et Josiane Schraûwen
L’Ombre des Lumières – 2. Dentelles et Wampum (dessin : Richard Guérineau – scénario : Alain Ayroles – éditeur : Delcourt – septembre 2024 – 70 pages)