Boule à Zéro : 10. Les Bras Levés

Boule à Zéro : 10. Les Bras Levés

La fin d’une aventure humaine superbement racontée ?… Peut-être… Ou pas…

copyright bamboo

C’est le mois dernier qu’est sorti de presse le dixième tome de « Boule à Zéro », une série dont j’ai déjà parlé ici… L’histoire que nous racontent ces dix albums est extrêmement simple… Zita et une adolescente de quatorze ans dans un corps enfantin… Zita est une enfant malade, vivant dans un hôpital, où on s’efforce de soigner son cancer…

Si Zita a comme surnom « boule à zéro », c’est parce que les traitements qu’elle subit l’ont rendue chauve. Et donc, depuis 2012, Ernst au dessin, aidé dans ce dixième volume par Diaz, et Zidrou au scénario nous racontent le quotidien de Zita dans l’étage des enfants gravement malades d’un hôpital comme les autres. Le quotidien, oui, les rencontres, les amitiés qui naissent malgré la présence, dans les lieux comme dans les mots, de la mort…

A l’heure où l’intelligence artificielle, le plaisir de la guerre et l’envol vers d’hypothétiques étoiles prennent le pouvoir sur l’intérêt porté à son voisin, « Boule à Zéro » est une série qui fait du bien… Même lorsque le chagrin se mêle à la lecture. Une série pour laquelle nous avions eu le coup de foudre, dès le premier album, Josiane et moi.

copyright bamboo

C’est un thème extrêmement dur…

Merveilleusement sensible, ai-je envie de dire…

Parce que c’est cela qui sous-tend toute cette formidable aventure éditoriale : l’émotion ! Mais une émotion sans mièvrerie, sans facilité… Une émotion pleine d’humour, grâce au dessin de Ernst, souriant, lumineux, et au texte de Zidrou qui parvient, avec un talent fou, à mêler intimement les plaisirs aux chagrins, les larmes aux sourires. C’est un thème dur, oui, mais traité avec tendresse.

copyright bamboo

Parce que le quotidien de Zita n’est fait que de cela : ses sourires, sa bonne humeur, son entrain, sa facilité à faire la nique à la mort tout en la connaissant, tout en la respectant, son bonheur à amuser les enfants de son étage, les vieux de l’étage de gérontologie, et les infirmiers et infirmières, son médecin, les aides-soignants, les proches en visite. Faire la nique à la mort, oui… Comme bien des gens atteints par cette maladie dont on nous dit chaque année qu’on en guérit de plus en plus, alors que les chiffres, eux, montrent qu’on en meurt toujours autant !

copyright bamboo

Faire la nique à la mort en éclatant de rire. En disant, comme sur la couverture de cet album : i’m back, je suis de retour… De retour dans le monde des vrais vivants, puisque c’est là le thème de ce dixième album, intitulé « Les bras levés »…

Zita semble guérie.

On a essayé sur elle un traitement révolutionnaire, et tous les résultats sont bons… Elle peut sortir… Mieux encore, son corps d’enfant entre, enfin, dans l’adolescence… Ses seins commencent à pousser et elle a ses règles… Elle qui a toujours été souriante pour apprivoiser le bonheur de chaque instant, elle se retrouve libérée, avec des parents qui, séparés, vont sans doute se retrouver.

copyright bamboo

Tout ce livre est construit par petites séquences, un peu comme pour nous faire suivre les adieux de Zita à tous ceux qu’elle aime dans cet établissement auquel elle a offert son âme. Avec un merle qui veut rester dans cet hôpital, et dont on dit : « la place d’un oiseau, c’est dans le ciel, pas dans un hôpital ». L’oiseau est dans le ciel, et Zita renaît enfin. Une autre citation de ce livre : « Dans un hôpital, quand ce qui nous y conduit est grave, on arrive en pleurant, on part en faisant pleurer les autres »… Et c’est en vivant, en grandissant au-delà de la maladie que Zita va devoir apprendre à devenir elle-même…

copyright bamboo

La fin est joyeuse, comme un rayon de soleil. Une fin qui laisse peut-être bien la porte ouverte à d’autres aventures, dans la vraie, la nouvelle vie de Zita… C’est une série dans laquelle tout le monde peut se reconnaître, c’est une série époustouflante d’observation, d’espoir, de réalisme, aussi… de larmes amères et de sourires souverains… Une série, due à deux auteurs exceptionnels et à un éditeur courageux, dix albums qui se doivent se trouver en bonne place dans toute bibliothèque !

Jacques et JOSIANE Schraûwen

Boule à Zéro : 10. Les Bras Levés (dessin : Ernst et Diaz – scénario : Zidrou – couleurs : Laurent Carpentier – éditeur : Bamboo – mars 2023 – 48 pages)

Judith Vanistendael : Art Mouvant – Rétrospective au CBBD d’une artiste belge sans concessions ! A voir jusqu’en novembre 2023

Judith Vanistendael : Art Mouvant – Rétrospective au CBBD d’une artiste belge sans concessions ! A voir jusqu’en novembre 2023

Rarement titre d’une exposition n’a été aussi juste : tout l’art de Judith Vanistendael se caractérise, en effet, par son évolution d’album en album…

copyright vanistendael

Cela dit, l’affiche annonce une « rétrospective »… Un bien grand mot pour une carrière certes déjà imposante, mais pour une dessinatrice qui est loin, très loin, d’avoir terminé sa carrière !… Je parlerais plutôt d’un hommage… Un hommage, oui, rendu à une auteure dont les albums, peaufinés, marqués du sceau d’une véritable personnalité graphique, font d’ores et déjà partie des grands moments de l’édition dessinée de ces quinze dernières années !

la réaction de Judith Vanistendael à cette rétrospective

Le travail de Judith Vanistendael se caractérise, d’abord, par la nécessité qu’elle a de ne pas se répéter, de sans cesse évoluer. Et cette exposition permet, véritablement, de voir tout le cheminement de sa carrière, toute son évolution.

copyright Vanistendael

La scénographie de cette rétrospective fait voyager le visiteur dans tous ses albums, chronologiquement, du noir et blanc simple sans être simpliste de « La jeune fille et le nègre » en 2007 au foisonnement de lumières, de couleurs, d’imagination de « La baleine bibliothèque », scénarisé par Zidrou.

copyright vanistendael

Dans cette exposition, on peut découvrir aussi tout le cheminement qui est celui de Judith Vanistendael pour arriver à une planche, voire à un dessin : les ébauches, les crayonnés, corrigés et recorrigés… C’est une dessinatrice prolifique, aux thèmes toujours très ancrés dans notre société et ses réalismes difficiles à vivre. Mais c’est aussi une dessinatrice qui prend vraiment tout son temps pour arriver à mettre sur papier ce qu’elle veut exprimer…

Judith Vanistendael : le dessin

Dessinatrice au style d’une véritable personnalité, ce qui est de plus en plus rare en notre époque où le style « blog » se généralise pour le pire plus que pour le meilleur, Judith Vanistendael aime varier les plaisirs… et les apprentissages!

copyright vanistendael

En travaillant, par exemple, avec des scénaristes. Parmi eux, Zidrou. Mais à chaque collaboration, ce qu’elle recherche, c’est ne pas rester immobile dans sa façon d’aborder le dessin, donc la bande dessinée.

Judith Vanistendael : les scénaristes

En rencontrant cette auteure, on ne peut qu’être séduit également par sa manière de considérer son métier, sa passion : avec une humilité tranquille, une certaine objectivité. Et même si on peut affirmer, sans se tromper, que dans les livres dont elle est l’auteure complète, certains dessins se suffisent à eux-mêmes pour « raconter », elle considère le texte comme essentiel, lui aussi…

copyright vanistendael

Le texte, oui, dont la construction ne lui est jamais spontanée, tant elle veut qu’il soit révélateur, lui aussi, de la narration.

Judith Vanistendael : le texte

Nous avons toutes et tous une approche très personnelle du plaisir pris à lire un livre. Quant à moi, et je l’ai déjà dit bien souvent, un livre, bande dessinée, roman, poésie, ne peut me plaire qu’à partir du moment où j’y retrouve, à quelque degré que ce soit, de l’émotion… De la poésie…

copyright vanistendael

Une poésie… Même dans des univers écrits qui en manquent cruellement, tant ils sont ancrés dans nos réalités quotidiennes de moins en moins poétiques.

Judith Vanistendael : émotion et poésie

En fait, ce qui, à mon avis, fait vraiment la valeur d’une œuvre artistique, tableau, photo, film, livre, c’est la chance qu’elle nous permet d’entrer, ne fut-ce qu’un peu, dans un univers qui n’est pas le nôtre, mais qui se révèle pourtant miroir d’une part de ce que nous sommes…

Judith Vanistendael : de la bd personnelle

Une exposition superbe, donc, consacrée à une artiste belge, une artiste flamande, et mise en scène avec une simplicité qui fait plaisir, elle aussi. Kurt Morissens, le commissaire de cette exposition, a fait, ma foi, un travail humble, également, pour laisser la place, le plus simplement du monde, à la découverte du talent de Judith Van Istendael. Un travail que Stéphane Regnier, au Centre Belge de la Bande Dessinée, a scénographié avec tout autant d’humilité.

le commissaire Kurt Morissens

Une exposition à voir, donc, qui nous montre frontalement une dessinatrice moderne dont les albums ne peuvent laisser personne indifférent…

copyright vanistendael

Et je garde en mémoire un dessin extraordinaire de pudeur et d’émotion, à découvrir dans cette exposition, un dessin issu de son livre « David les femmes et la mort » : un lit d’hôpital, un homme y est étendu, et, sur une chaise, une femme le regarde… Judith Vanistendael, c’est une artiste capable, ainsi, de saisir une émotion pure et de la partager…

Jacques et Josiane Schraûwen

Judith Vanistendael : Art Mouvant (exposition au Centre Belge de la Bande Dessinée, rue des Sables, à Bruxelles, jusqu’au 12 novembre 2023)

L’Incroyable Histoire de la Géographie

L’Incroyable Histoire de la Géographie

Avec cet album, dans une collection qui raconte les grandes histoires de l’Histoire, on sourit, on apprend, on s’amuse…

copyright arènes bd

Ce n’est pas un livre récent, mais il mérite le détour… Et je pense, depuis longtemps, que cette habitude éditoriale de laisser vivre pendant un temps limité les albums est un vrai irrespect à l’égard des auteurs.  

copyright les arènes bd

Dessiné par Bercovici, dessinateur par ailleurs des femmes en blanc, cet album nous rappelle avec humour mais aussi fidélité historique que sans des vrais aventuriers, Google maps, le gps, les bonnes vieilles cartes routières, tout cela n’existerait pas…

copyright les arènes bd

L’histoire de la géographie est incroyable, en effet, elle est le résultat d’hommes et de femmes, d’expéditions tumultueuses, d’aventures humaines, de découvertes de territoires et de gens, de cultures. Avec tout ce que cela comprend de manque de tolérance, de condescendance aussi.

copyright les arènes bd

Ce livre, axé autour de l’exploration française, se partage en trois grands chapitres : le temps des explorateurs, le temps ces diplomates, et le temps des universitaires. De quoi nous faire remarquer, si besoin en était, que la géographie a toujours été également un moyen d’asseoir son pouvoir.

copyright les arènes bd

C’est donc tout cela, animé par le dessin tout en vivacité de Bercovici, qui nous est raconté dans ce livre. Le bémol que j’ai, c’est que cet album est véritablement franco-français… Mais il reste cependant un excellent panorama d’une des réalités qu’on utilise le plus de nos jours : la localisation, le trajet, la mobilité, les vacances, les découvertes personnelles…

Jacques et Josiane Schraûwen

L’Incroyable Histoire de la Géographie dessin : Philippe Bercovici – scénario : Jean-Robert Pitte et Benoist Simmat – éditeur : Les Arènes BD)