Le Zoo Des Animaux Disparus : tome 6

Le Zoo Des Animaux Disparus : tome 6

Un album « jeune public », didactique sans jamais être pesant…

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Les zoos d’aujourd’hui ne ressemblent plus du tout à ce qu’ils étaient il y a une vingtaine d’années ! Ce qui n’empêche nullement, malheureusement, que la faune, sur terre, soit de plus en plus en danger… D’où cette idée qui réunit depuis six albums déjà un scénariste et un dessinateur, l’idée d’imaginer un zoo dans lequel sont répertoriés les animaux disparus ou proches de le devenir.

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Ce tome six, comme les cinq précédents, se construit en gags d’une page, des gags gentillets, qui ne volent pas toujours très haut mais qui se laissent découvrir avec plaisir. C’est ce qui fait que ces albums sont simples et gentils, sans jamais être simplistes.

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Cette série met en scène des mômes qui viennent dans ce zoo improbable donner un coup de main aux professionnels, et, parmi eux, à un guide qui sait tout sur tout et le partage avec talent et gentillesse, tant avec les visiteurs de cet endroit qu’avec ces enfants à l’insatiable curiosité.

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Réalisé en partenariat avec l’Association Française des Parcs Zoologiques (AFdPZ), cet album a, comme je l’ai dit, un vrai côté didactique. On le découvre au bas de certaines pages, avec des petites fiches techniques claires et tranquilles concernant ces espèces que l’humain laisse disparaître. Ce côté didactique se trouve aussi dans la présence, en fin d’album, d’un petit dossier scientifique pas mal fait du tout. C’est une série pour les jeunes, qui ne peut qu’être utile en éveillant chez eux une vraie conscience de ce qu’est notre monde. Du fait que, finalement, le respect que l’on porte à la faune est tout aussi important que celui que l’on peut et devrait porter à nos voisins, à des passants, à la misère, à la tristesse…

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Ce que j’aime dans la bande dessinée, c’est que, loin des « intellos » d’Angoulème ou d’ailleurs, c’est dans la diversité qu’elle se révèle telle qu’elle est, telle qu’elle plaît à plusieurs publics différents. On peut -on doit- pouvoir aimer l’extraordinaire « Ces lignes qui tracent mon corps » et en même temps « Le zoo des animaux disparus » !

Jacques et Josiane Schraûwen

Le Zoo Des Animaux Disparus : tome 6 (dessin : Bloz – scénario : Cazenove – éditeur : Bamboo – juin 2025 – 48 pages)

Le Chat : 25. L’Origine Du Chat

Le Chat : 25. L’Origine Du Chat

C’est une vraie tradition, à quelques miaulements de la fin de l’année : Philippe Geluck nous propose ses petits coups de griffe dessinés, à mettre, pourquoi pas, sous le sapin, entre le bœuf et l’âne.

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Un vrai « personnage », ce chat, dont la simplicité du trait permet de tout relativiser parfois, de tout mettre en question d’autres fois, de tout placer en évidence, souvent… Et quand je dis tout, je veux parler de réflexions personnelles, de blagues potaches, de jugements à l’emporte-pièce, de colères mesurées, de coups de gueule à l’apparence spontanée. Le Chat, c’est un peu le Buster Keaton de la bande dessinée… En plus simple, simpliste disent certains, en ce qui concerne le graphisme…

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Sans cette simplicité du dessin du chat (dont on retrouve dans cet album quelques premiers balbutiements), aurait-il pu depuis aussi longtemps s’imposer dans le paysage de la bande dessinée ? Je ne pense pas… Son air bonasse le rend capable de dire les pires des conneries en n’ayant l’air de rien… De jeter des pavés bien solides dans la mare des bonnes pensées imposées… Je n’irais pas jusqu’à dire que Philippe Geluck est un auteur anarchiste !!! Mais, jailli, par ses détournements de dessins pompiers par exemple, de la cuisse d’Hara Kiri, il s’amuse, sans cesse, et depuis désormais 25 albums, à mêler à l’énormité de son tour de taille l’énormité de ses propos tranquilles…

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Si le chat avait été le héros d’un western, il ne tirerait pas plus vite que son ombre, il tirerait vers toutes les ombres de la sagesse, du bien ordonné, du bien propre sur soi… De l’intelligence formatée… Du bon goût… Certes, on peut reprocher à ce personnage de papier son manque de vigueur, sa mollesse charnelle, osons le dire, son existence n’est possible qu’en fonction d’une société qu’il n’arrête pas de fustiger ! Oui, c’est vrai, on peut lui reprocher, dans le mauvais goût comme dans l’affrontement presque socio-politique, des répétitions, des constances. Mais tout cela n’est-il pas, finalement, à l’image même de tout être humain, donc de tous ses très nombreux lecteurs !

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On peut ne pas aimer Le Chat, cet anti-héros pachydermique, bien sûr… Je dirai même qu’on peut parfois le détester, tant quelques-uns de ces gags ne sont là que par provocation pure… Mais je pense, et je penserai toujours, que ce félidé de papier répercute en toute impunité, depuis des dizaines d’années, ce que tout le monde, peu ou prou, pense tout bas du monde qui est le nôtre ! Et qui, malheureusement, n’évolue pas très bien ! Tout aussi malheureusement, Sempé, Topor, Bosc, Serre, grands dessinateurs d’un humour à la fois décalé et si proche de chacun, ces artistes n’ont jamais réussi à ce que la société change véritablement…

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Mais sans eux (et sans Le Chat non plus), le lissé de l’existence ne se verrait pas imposer quelques plis et replis qui, au moins, font du bien à l’âme comme à l’instant qui passe ! Les humoristes, à ce titre, méritent tout le non-respect auquel chaque individu devrait avoir droit ! Cela dit, il faut quand même prendre le temps de souligner que le travail de Geluck est aussi, et surtout peut-être, celui d’une collaboration avec différents « proches »… Parmi eux, je me dois de mettre en évidence Serge Dehaes qui se voit imposer, par Geluck, de mettre en couleurs les non-émotions de ce félin quelque peu boudeur !

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Je le disais en préambule, la sortie d’un « chat », cela fait partie du paysage de chaque fin d’année, ou presque… Et même si, comme je le disais aussi, on a parfois l’impressions de « redites », picorer dans un album de Philippe Geluck, cela se fait avec plaisir ! Et bonne humeur…

Jacques et Josiane Schraûwen

Le Chat : 25. L’Origine Du Chat (auteur : Philippe Geluck – couleurs : Serge Dehaes – éditeur : Casterman – octobre 2025 – 48 planches)

AIRBORNE 11 – Missing In Action

AIRBORNE 11 – Missing In Action

Ces jours-ci, c’est l’armistice de la guerre 14-18 qu’on commémore, c’est vrai… Mais cet armistice n’a-t-il pas été, à sa manière, l’initiale de la guerre suivante ? Et toutes les guerres, finalement, ne se ressemblent-elles pas ? Et j’ai envie, aujourd’hui, de vous parler du onzième numéro d’une série consacrée à la guerre 40-45 !

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Airborne 44 nous plonge en effet, de diptyque en diptyque, dans le conflit 40-45. Et le regard que l’auteur Philippe Jarbinet pose sur cette guerre reste toujours un regard humaniste… Dans chacun de ses albums, il aime mêler à ce passé d’horreur et de mort des liens avec notre présent… Et dans cet album-ci, c’est encore plus vrai…

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Tout commence avec le travail, en Europe de quelques passionnés qui recherchent, sur les champs de bataille, les traces de soldats américains disparus au combat. Et le point de départ de ce premier volume du sixième diptyque d’Airborne 44 est celui de la découverte, justement, d’un casque au nom de Campbell. Une découverte qui, aux Etats-Unis, va remettre en question, totalement, l’histoire d’une famille : ce soldat est-il mort en Belgique ou en est-il revenu comme l’affirme l’administration américaine ?…

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A partir de là, le récit mélange présent et passé, guerre et roman noir, vérité historique et réflexions sur la mort, sens de la famille et regard sur l’armée d’hier comme d’aujourd’hui. C’est un album qui, dans cette série, est très différent des autres : on y parle de la guerre, certes, mais on le fait en montrant, de manière symbolique sans doute, tout le poids humain qui reste celui de ce conflit 70 ans après qu’il se soit terminé… Je pense vraiment que ce onzième album, Missing in Action (disparu en opération) est le plus personnel de cette série.

Philippe Jarbinet : un album différent

Ce qui fait, je pense, la première qualité de cette série, c’est que Philippe Jarbinet n’y fait pas le panégyrique du militaire américain venu sauver l’occident ! Tous ses diptyques sont à taille humaine, d’abord et avant tout. Et son onzième volume encore plus, sans doute, dans la mesure où il aborde des thèmes longtemps oubliés, voire même reniés…

Philippe Jarbinet : la part sombre de l’Histoire

N’allez pas croire, cependant, que ce mélange des genres rend le récit ardu à suivre. Il y a dans ce onzième album une vraie fluidité… Qui tient par le scénario, mais aussi, bien évidemment, par la qualité du dessin de Jarbinet : il varie ses plaisirs, en passant du visage du méchant (il y a toujours des méchants dans les bonnes bd…) à ce qui pourrait ressembler à un paysage western, il joue avec les couleurs, mêlant par exemple celles d’un drapeau déchiré et d’une neige omniprésente.

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Ce dessin, réaliste, efficace dans la tendresse comme dans l’horreur, fait vraiment de cette série un incontournable de la bd ! Une série qui, au fil des années, devient également une sorte de long récit dans lequel la grande Histoire et les regards de Jarbinet se mélangent sans arrêt… Avec une totale réussite!

Philippe Jarbinet : la série

Jacques et Josiane Schraûwen

Airborne 44 – 11. Missing In Action (Auteur : Philippe Jarbinet – éditeur : Casterman – 2025)