AIRBORNE 11 – Missing In Action

AIRBORNE 11 – Missing In Action

Ces jours-ci, c’est l’armistice de la guerre 14-18 qu’on commémore, c’est vrai… Mais cet armistice n’a-t-il pas été, à sa manière, l’initiale de la guerre suivante ? Et toutes les guerres, finalement, ne se ressemblent-elles pas ? Et j’ai envie, aujourd’hui, de vous parler du onzième numéro d’une série consacrée à la guerre 40-45 !

copyright casterman

Airborne 44 nous plonge en effet, de diptyque en diptyque, dans le conflit 40-45. Et le regard que l’auteur Philippe Jarbinet pose sur cette guerre reste toujours un regard humaniste… Dans chacun de ses albums, il aime mêler à ce passé d’horreur et de mort des liens avec notre présent… Et dans cet album-ci, c’est encore plus vrai…

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Tout commence avec le travail, en Europe de quelques passionnés qui recherchent, sur les champs de bataille, les traces de soldats américains disparus au combat. Et le point de départ de ce premier volume du sixième diptyque d’Airborne 44 est celui de la découverte, justement, d’un casque au nom de Campbell. Une découverte qui, aux Etats-Unis, va remettre en question, totalement, l’histoire d’une famille : ce soldat est-il mort en Belgique ou en est-il revenu comme l’affirme l’administration américaine ?…

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A partir de là, le récit mélange présent et passé, guerre et roman noir, vérité historique et réflexions sur la mort, sens de la famille et regard sur l’armée d’hier comme d’aujourd’hui. C’est un album qui, dans cette série, est très différent des autres : on y parle de la guerre, certes, mais on le fait en montrant, de manière symbolique sans doute, tout le poids humain qui reste celui de ce conflit 70 ans après qu’il se soit terminé… Je pense vraiment que ce onzième album, Missing in Action (disparu en opération) est le plus personnel de cette série.

Philippe Jarbinet : un album différent

Ce qui fait, je pense, la première qualité de cette série, c’est que Philippe Jarbinet n’y fait pas le panégyrique du militaire américain venu sauver l’occident ! Tous ses diptyques sont à taille humaine, d’abord et avant tout. Et son onzième volume encore plus, sans doute, dans la mesure où il aborde des thèmes longtemps oubliés, voire même reniés…

Philippe Jarbinet : la part sombre de l’Histoire

N’allez pas croire, cependant, que ce mélange des genres rend le récit ardu à suivre. Il y a dans ce onzième album une vraie fluidité… Qui tient par le scénario, mais aussi, bien évidemment, par la qualité du dessin de Jarbinet : il varie ses plaisirs, en passant du visage du méchant (il y a toujours des méchants dans les bonnes bd…) à ce qui pourrait ressembler à un paysage western, il joue avec les couleurs, mêlant par exemple celles d’un drapeau déchiré et d’une neige omniprésente.

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Ce dessin, réaliste, efficace dans la tendresse comme dans l’horreur, fait vraiment de cette série un incontournable de la bd ! Une série qui, au fil des années, devient également une sorte de long récit dans lequel la grande Histoire et les regards de Jarbinet se mélangent sans arrêt… Avec une totale réussite!

Philippe Jarbinet : la série

Jacques et Josiane Schraûwen

Airborne 44 – 11. Missing In Action (Auteur : Philippe Jarbinet – éditeur : Casterman – 2025)

Astérix En Lusitanie – chronique express

Astérix En Lusitanie – chronique express

Et voici donc une quarante-et-unième « aventure » de deux Gaulois « mythiques » ! Qu’en penser ?…

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Tout d’abord, il me faut dire que cet épisode-ci est bien meilleur que le précédent ! Cela dit, il faut reconnaître que « L’iris blanc » se caractérisait surtout pas sa totale inutilité, son scénario bâclé, voire même sa trahison vis-à-vis des personnages de cette série !

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Donc, dire « meilleur » signifie-t-il que cet album est « bon » ? Il y a des trouvailles dans les noms des différents protagonistes… Il y a quelques jeux de mots, ici et là… Il y a un dessin dont on ne peut que souligner la-plus-que-filiation avec celui d’Uderzo… Ce n’est pas le pire des Astérix depuis la mort d’Uderzo, c’est vrai !

Mais…

Des décors plus ou moins réussis, mais parfois réduits paresseusement à des à-plats de couleur uniforme… Le pirate à la peau noire n’est plus du tout ce qu’il était avec Goscinny: Fabcaro et Conrad n’ont sans doute, courageusement, pas envie d’être confondus avec le Spirou de Yann et Dany ! Le résumé du scénario est un travail réduit au strict minimum : on vient chercher de l’aide au village des irréductibles. En cinq planches, voici Astérix et Obélix en Lusitanie. Là, ils vont sauver et innocenter un Lusitanien, assommer quelques légionnaires romains, revoir le grand Jules, et retourner chez eux pour l’habituel banquet de dernière case.

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Et voilà… C’est tout !

Les Lusitaniens ne sont caricaturés, donc mis en évidence souriante, que par leur « saudade », là où, dans chaque aventure, Goscinny s’amusait (et NOUS amusait) à faire rire, avec une sorte de gentillesse au second degré, des peuples découverts… Il n’y a, en fait, que très peu de personnages de premier plan, à part les deux héros, alors que, avec le duo Uderzo et Goscinny, les « accompagnants » étaient nombreux et avaient une vraie présence… Tout cela m’amène à penser que les reprises de personnages de séries bd sont, le plus souvent, des ratages évidents ! A la mort de Goscinny, Uderzo aurait mieux fait d’arrêter « Astérix », de se trouver un nouveau scénariste à qui unir son talent graphique exceptionnel. Il ne l’a pas fait, soucieux sans doute de ne pas tuer la poule aux œufs d’or ! C’est à partir de ce moment-là que l’esprit-même de Goscinny a déserté les albums « nouveaux » et tristement répétitifs… Le « gain » a pris le pas sur la qualité, tout simplement… Tout bêtement… Et C’est, je pense, uniquement par attrait « collectionneur » que tant de gens, aujourd’hui, se jettent tête baissée sur ce qui n’est plus qu’un objet formaté et uniquement économique.

En résumé, et de manière express : une bd dont on peut se passer !!!

Jacques et Josiane Schraûwen

Astérix En Lusitanie (dessin : Didier Conrad – scénario : Fabcaro – éditeur : Hachette livre – octobre 2025 – 48 pages)

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Au Chant Des Grenouilles : 1. Urania, La Sorcière

Une série dans laquelle chaque album est dessiné par un artiste différent… Un monde imaginaire dont je vous invite à découvrir l’initiale, dans un premier tome lumineux… Un premier tome paru dans deux colorisations différentes.

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Une lapine sorcière… Un conte qu’elle raconte à un public jeune et anthropomorphique et dans lequel la peur est omniprésente… Une porte à ne jamais ouvrir, parce qu’elle donne sur un monde aux secrets indicibles… Et un concours de cuisine !

Aux commandes graphiques de ce premier volume, Florent Sacré, venant du monde des jeux vidéo :

La première évidence de ce livre, c’est que le monde dans lequel cette aventure nous entraîne semble fait pour un public jeune, et les personnages comme les décors, fouillés, se baladent du côté de Disney, de Hausman…

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Mais la deuxième évidence, à la lecture de ce tome, c’est que cet univers s’adresse aussi à un public adulte, un public qui sait que, dans les contes de l’enfance, la peur est un élément moteur de l’aventure et de l’apprentissage. Et cet univers, Florent Sacré le crée avec un plaisir évident:

Le scénario de Barbara Canepa et Anaïs Halard mélange, ainsi, le merveilleux et le fantastique, pour un récit qui, au-delà des codes des histoires que l’on raconte depuis toujours aux enfants, nous parle d’amitié, dans une aventure qui devient une quête, moins identitaire que s’ouvrant sur le monde.

Mais ces codes propres aux grands conteurs des siècles derniers sont bien présents. Et l’histoire qui nous est contée est comme un petit combat quotidien et tranquille d’enfants contre la peur que le monde leur impose, contre la méchanceté toujours prête à détruire toutes les amitiés…

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Et cette alchimie existe, incontestablement, grâce également au dessin, dans ce premier volume, de Florent Sacré qui parvient à créer une ambiance, un monde, une géographie :

Je le disais, en début de cette chronique, ce premier volume est sorti de presse de deux manières différentes… De deux prix différents aussi… Personnellement, je préfère l’édition en sépia… Et le superbe cahier graphique qui, en fin d’album, nous fait entrer dans les coulisses de ce livre, de cette aventure éditoriale et artistique aussi…

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Je pense, en effet, que le talent du dessinateur, ancré à la fois sur des décors imaginaires étonnants, improbables, et des éclairages extrêmement variés, je pense que ce talent de travail sur la lumière prend tout son sens avec ces teintes qui ne cherchent aucun effet et accompagnent les mots comme le dessin à la perfection. Florent Sacré:

Au niveau du scénario, et plus loin que la simple anecdote d’un concours de cuisine, les autrices s’amusent à multiplier les angles de vue, ai-je envie de dire, à dépasser le canevas classique d’une aventure animalière, en parlant par exemple de cette fameuse porte à ne pas ouvrir, et qui est sans doute celle des souvenirs… Des bons, oui, mais des mauvais aussi, peut-être, capables d’empêcher de vivre. Et, dans ce scénario, il y a cette volonté, écrite, d’arrêter de parler comme des grands !

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Ce qui, dès l’abord, est évident également dans ce livre, donc dans cette série, c’est l’importance capitale de la Nature. Avec, par exemple, des planches pratiquement didactiques, dues à un complice de plus, Giovanni Rigano. Des planches pratiquement encyclopédiques consacrées à des recettes de grand-mère, à découvrir, en fait, les mille possibles de la nature qui nous entoure sans jamais nous enfermer. Et là aussi, le dessin est essentiel. Florent Sacré:

Et c’est aussi avec ce mélange de gentille didactique et de récit passionnant, presque adolescent, que ce chant des grenouilles s’adresse à des adultes qui n’ont pas effacé les émerveillements de leurs enfances enfuies…

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Oui, ce livre nous raconte le début d’une histoire dont on devine qu’elle va s’animer dans mille et une directions… Et, finalement, le personnage central, oui, c’est cette nature, mais sans idéologie politiquement écologique ! Les auteurs nous ouvrent les yeux, simplement, en nous faisant sourire de tout le visage… Parce que cette nature est celle d’un fantastique, je le disais, influencé, lui, par des ambiances chères à Poe ou à Ray, par exemple. Parce que cette nature est aussi, culturellement parlant, sans cesse symbolique, dans le récit comme, finalement, dans la vie de tout un chacun !

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J’aurais pu vous parler des quelques albums déjà parus… Mais j’ai eu le plaisir, dans la librairie « Profil BD » de Ath, de rencontrer Florent Sacré, de l’interviewer… Et, en définitive, ce sont ses mots à lui qui ont rythmé cette chronique…

Jacques et Josiane Schraûwen

Au Chant Des Grenouilles : 1. Urania, La Sorcière (dessin : Florent Sacré et Giovanni Rigano – scénario : Barbara Canepa et Anaïs Halard – éditeur : Oxymore – 56 pages)