Absurdo – Quelques textes, beaucoup de créations graphiques, pour définir l’indéfinissable !

Absurdo – Quelques textes, beaucoup de créations graphiques, pour définir l’indéfinissable !

Voici un livre qui n’appartient pas au monde la bande dessinée, mais qui mérite, assurément, par sa riche iconographie, de plaire aux amateurs d’art, du neuvième entre autres.

copyright miss endorphine

Un livre qui, sans hésiter, dès son titre, nous dit qu’il va tenter de définir une sensation, un sentiment, une impression qui mélange philosophie et folie, inventivité et sérieux affirmé : l’Absurde.

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Oui, l’Absurde, cette espèce d’entité de la pensée qui poussa Albert Camus à en faire une sorte de cheval de bataille littéraire. Pour cet écrivain qui eut l’heur d’affronter la pape Sartre, l’être humain ne peut qu’être absurde, puisque depuis toujours il semble n’avoir qu’un seul et unique but : donner un sens à sa présence aux feux de la vie… De l’Existence…

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Or, pour Camus, toujours, la vie est un résumé, à elle seule, de ce qu’est l’absurdité : une sorte de chemin sans cesse changeant, sans d’autre but que son ultime absence… Exister dans cet univers en deviendrait impossible, si l’humain ne possédait une sorte d’antidote : la lucidité !

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Et c’est cette lucidité-là que Patrice Verry, le concepteur et auteur de ce livre étonnant, tente de nous restituer, de nous partager, au long de pages qui mêlent les mots et les dessins, les traits et les couleurs, les phrases intellectuelles et les éclats presque poétiques.

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C’est au travers de petites nouvelles et d’illustrations extrêmement nombreuses et extrêmement variées que Patrice Verry dresse, à sa manière, deux portraits. D’abord son propre autoportrait éclaté, le paysage intérieur de ses folies prêtes, toujours, à s’exprimer librement à tous vents.

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Le portrait, ensuite, toujours aussi éclaté, de ce que ressentent ses complices à l’écoute de ce mot : Absurde… Et le résultat est étonnant, sans aucun doute possible… Même si on peut regretter le style de Verry, trop gratuitement intellectuel (mais cela n’appartient-il pas, également, à son plaisir de l’absurdité du quotidien, de ses experts, de ses savants, de ses philosophes sachant tout sur tout), on ne peut qu’être séduit par le panorama d’interprétations de ce vocable que nous offre ce livre.

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On voyage donc, dans les pages de ce « Absurdo », de Dada à Camus, du surréalisme à Cobra, de Scutenaire à Sternberg… De l’illustration à la bande dessine, du fantastique à la fantaisie, du non-sens à l’habitude…

Impossible de vous citer tous les noms présents dans ce livre qu’on peut (qu’on doit…) feuilleter au hasard. Il y a l’immense Walter Minus, mais aussi Anthony Bernis, Anne Van der Linden, Paskal Millet… Et bien d’autres, dans tous les genres !

Un livre à mériter, sans aucun doute, déjà pour pouvoir vous l’acheter… Mais Internet est là pour vous y aider !

Un magnifique livre d’art a offrir pour Noël en le commandant ici : leslivresforever@gmail.com

Jacques et Josiane Schraûwen

Absurdo  (projet pensé, écrit et conçu par Patrice Verry – éditeur : Miss Endorphine – 218 pages)

Astérix : L’Iris Blanc

Astérix : L’Iris Blanc

Quarantième album des aventures du petit Gaulois super-dopé… Et, pour une fois depuis bien longtemps, une bonne surprise !

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Il serait malvenu, sans aucun doute, en parlant des trop nombreux albums de cette série publiés après la mort de René Goscinny, d’oser en comparer les scénarios (à commencer par ceux d’Uderzo lui-même) à ceux de celui qui reste un des maîtres de la bd…

Cela dit, je l’avoue : comme bien des amateurs du neuvième art atteints d’une forme de collectionnite aigüe, j’ai continué inlassablement à acheter chaque nouvel album d’Astérix. Je n’ai pas aimé, j’ose le dire, les tomes dus au seul Uderzo. J’ai encore moins aimé les autres tomes nés de collaborations que j’ai trouvées, pour le moins, saugrenues, pour le plus, inutiles !

J’ai d’ailleurs ici dit tout le mal que je pensais du Griffon ! Et que je pense toujours !

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Eh bien, je me dois aujourd’hui de souligner la vraie qualité de cet « iris » !

Certes, le dessin de Didier Conrad n’a pas le souffle qu’avait celui d’Uderzo, et je le trouve même souvent tristounet à cause d’un incontestable manque de décors, eux qui aéraient naturellement, sans artifice, chaque planche. Mais les personnages, eux, restent fidèles (cette fois) à ce qu’ils étaient avec Uderzo.

La vraie bonne surprise vient du scénario. Même si, reconnaissons-le, il s’essouffle et se vide quelque peu de sa consistance initiale… Fabcaro, auteur très prolifique depuis le début de notre vingt-et-unième siècle, n’a pas toujours fait dans la dentelle, mais a toujours privilégié l’humour… Entre autre, l’humour bobo et simpliste avec des albums dans lesquels chaque planche voit un unique dessin se répéter, tandis que le texte, lui, change… De la bd à l’envers qui a vu pas mal de critiques s’extasier… Mais selon un système dont je trouve qu’il tourne très très très rapidement en rond… Et à une forme de paresse graphique!

On peut dire de Fabcaro qu’il est étonnant de le voir aux commandes d’un album classique d’un grand classique de la bd !

En fait, Fabcaro a le sens de l’humour… Et sans doute aime-t-il aussi les défis… Il a donc relevé le gant et nous a concocté un Astérix qui renoue, d’une part, avec la critique acerbe de notre société, et, d’autre part, avec l’humour des mots, cet humour qui était, avec la tendresse, la marque de fabrique de Goscinny.

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Bien sûr, il n’a pas la culture latine que Goscinny avait, et qui lui permit de faire des jeux de mots lisibles à plusieurs niveaux. Les amusements de Fabcaro, cependant, retrouvent pleinement l’esprit et le rythme même des éclats de rire que provoquait Goscinny.

Cela fait des années que Fabcaro expérimente les possibles de son talent un peu dans tous les sens, et, ici, il me semble qu’il a trouvé un terrain de jeu où il peut vraiment surprendre ses lecteurs ! Et, sans doute, se surprendre lui-même…

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Alors, oui, j’aime cet « Iris blanc »… J’aime les dérives de notre monde qui y sont mises en évidence, avec un humour qui ne s’interdit pas la méchanceté pour être encore plus lucide… J’aime que soit battue en brèche la bonne pensée à la mode, la positivation des discours et des tristes habitudes, le tourisme, l’art, la ville, la politique, la cuisine moderne, les « bobos », oui, aussi… J’aime le dessin qui, s’attachant aux visages, aux physionomies, accompagne avec réussite les calembours du texte… J’aime la couleur de Mébarki qui est totalement fidèle au style de toujours de cette série… Sans doute reste-t-il encore beaucoup de chemin à faire, mais cette fois, la route est bien entamée…

Uderzo et Goscinny, les vrais parents d’Astérix

Donc, en conclusion, je dirais qu’Astérix renaît enfin des cendres de Goscinny… Sans vouloir lui ressembler, mais en retrouvant, enfin, simplement, le plaisir de faire sourire, voire même de faire rire…

Jacques et Josiane Schraûwen

L’Iris Blanc (dessin : Didier Conrad – scénario : Fabcaro – couleur : Thierry Mébarki – éditeur : Hachette – octobre 2023 – 48 pages)

Amours Fragiles : 9. Crépuscule – l’épilogue d’une série historique passionnante

Amours Fragiles : 9. Crépuscule – l’épilogue d’une série historique passionnante

Cela fait bien des années que nous suivons les aventures humaines, quotidiennes, d’une série de personnages perdus dans les méandres de la guerre… Voici le moment de les quitter !

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La guerre se termine… La guerre est finie… Et voici que commencent d’autres horreurs, celles de l’après… Avec un talent et une passion inchangés, Jean-Michel Beuriot et Philippe Richelle nous font entrer, spectateurs immobiles, dans d’autres dérives que celles du nazisme et de la résistance, dans des quotidiens nouveaux pour des personnages, jamais manichéens, qu’ils nous ont fait découvrir et aimer ou détester depuis bien des années…

On pourrait presque croire que cette « fin de série » est comme un abandon de la part de leurs auteurs. Mais il n’en est rien… C’est un peu comme si les auteurs, justement, laissaient enfin leurs partenaires de papier vivre les bonheurs qu’ils méritent.

Jean-Michel Beuriot : la fin d’une aventure

Neuf albums, oui, pour nous parler, bien autrement que dans les livres d’Histoire, d’une époque de qui semble toujours prête à renaître.

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Neuf albums, oui, pour nous plonger, loin de toute caricature, loin même de l’héroïsme dont nous parlent tellement souvent les tristes et inutiles successeurs du pompeux Déroulède !… C’est cela qui fait de cette série, de cette saga plutôt, une œuvre importante : elle s’intéresse à des vraies personnes, elle nous permet d’assister à des quotidiens qui devraient être aujourd’hui inacceptables (mais qui, malheureusement, ne le sont pas), elle nous plonge dans un univers où rien, jamais, n’est tout à fait blanc ou noir…

Jean-Michel Beuriot : les personnages

Je ne vais pas tenter, ici, de vous résumer ce neuvième et ultime tome. Sachez qu’on y recroise bien des êtres qu’on a rencontrés dans les albums précédents. Sachez que des surprises y sont nombreuses et que s’y conjuguent des trahisons, des rencontres, des convictions, des utopies aussi…

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Mais, en même temps, c’est un portrait sans faux-semblant qui nous est montré : celui d’une société qui se cherche, et qui, pour ce faire, tombe dans des dérives aussi répugnantes que celles qui furent subies pendant cinq ans de guerre. Ce tome 9 ne résume rien, il nous montre un nouveau marché noir, une justice encore et toujours injuste, des amitiés déçues, des amours impossibles. Le tout sur fond de ruines omniprésentes, celles des bombardements, celles aussi des illusions perdues.

Jean-Michel Beuriot : le tome 9

Après l’horreur, la destruction et la mort, le vrai pouvoir revient : celui de l’argent…

Cette série nous parle, en fait, de nous… Tout en réveillant nos mémoires ou, mieux encore, en permettant à des générations différentes de pouvoir, justement, avoir la mémoire, celle qui est essentielle, celle de nos passés, quels qu’ils soient.

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Et l’héroïsme n’est jamais que le fruit du hasard, quoi qu’on puisse essayer de nous faire croire aujourd’hui dans tous les médias, dans tous les discours politicards… Ce neuvième tome, plus encore que les huit précédents, est un livre sur ce que j’ai presque envie d’appeler « l’anti-héroïsme », ou le « non-héroïsme » ! C’est un livre qui s’est écrit et dessiné à taille humaine, tout simplement… C’est un album qui ponctue parfaitement la thématique globale de cette saga : vivre sans amour, sans amitié, sans l’enfance qui est promesse de futurs, ce n’est pas vivre… Oui, c’est une série sur l’amour… L’amour et la mort, thèmes éternels de toute existence, au-delà de n’importe quelle idéologie… Et c’est ce qui rend cette série lumineuse !

Jean-Michel Beuriot : amour et amitié

Le dessin de Jean-Michel Beuriot est, sans aucun doute, classique… Mais il possède une vraie personnalité qui lui permet d’apporter un contrepoint lumineux à l’indicible de la terreur qui est racontée par son complice Philippe Richelle.

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Son sens du découpage est essentiel, également, pour la lisibilité sans efforts d’un récit dans lequel, pourtant, se multiplient énormément de personnages qui ne sont jamais uniquement des silhouettes. Et il faut aussi insister sur l’importance de la couleur dans la construction-même de la narration… Dominique Osuch, ainsi, participe pleinement à l’aventure de cette série…

Jean-Michel Beuriot : le dessin et la couleur

Jacques et Josiane Schraûwen

Amours Fragiles : 9. Crépuscule (dessin : Jean-Michel Beuriot – scénario : Philippe Richelle – couleur : Dominique Osuch – éditeur : Casterman – septembre 2023 – 76 pages)

Et n’hésitez pas à vous rendre, à Bruxelles, dans une très belle exposition, tout en simplicité, des œuvres de cette série !…

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