Calypso

Un livre sur l’amour, sur le temps qui passe, sur les rapports entre l’homme et ses semblables, sur la nature et ses beautés… Du tout grand Cosey !….

 

Cosey, c’est bien entendu  » Jonathan « , une série qui met en scène, dans des décors enneigés, un jeune homme à la poursuite de lui-même et en continuelle recherche de bonheur et de partage.

Le Tibet est omniprésent dans cette série, tout comme l’intérêt porté à la nature, mais aussi à la culture, une culture qui ne peut qu’être conjuguée au temps présent de la différence !

Jonathan, c’était une bande dessinée étonnante, inattendue, dans les pages du journal de Tintin, aux côtés du mentor de Cosey, un autre Suisse, Derib.

Mais Cosey, ce n’est pas uniquement Jonathan, même si ce héros est emblématique d’une époque où le neuvième art, enfin, s’intéressait de près à l’aventure, une aventure d’abord et essentiellement humaine, donc attachée à des réalités politico-sociologiques.

Cosey, c’est aussi l’excellent  » A la recherche de Peter Pan « …

Et Cosey, c’est aujourd’hui ce  » Calypso  » qui quitte l’Himalaya pour se plonger dans les montagnes suisses, certes, mais aussi dans des paysages infiniment plus urbains où on ne l’attendait pas ! Et ce dessinateur qui participe à la grande histoire de la BD se révèle, dans cet album, d’une jeunesse exemplaire, et d’une humilité dans le propos comme dans le dessin.

Cosey: le scénario

 

 

L’histoire est linéaire, et les flash-backs qui l’émaillent n’enlèvent rien à la fluidité de la narration. Une fluidité qui, bien entendu, naît du découpage et du graphisme extrêmement particulier de cet album, mais aussi du mélange des thèmes, et de l’ambiance que Cosey, littérairement, comme un dialoguiste de cinéma, impose à ces différents chemins de vie qu’il nous raconte… Qu’il nous décrit…

Et même si, dans ce livre, il nous montre des mondes dans lesquels le quotidien n’est pas spécialement souriant. L’univers du cinéma n’est pas fait de paillettes (et on le redécouvre aujourd’hui, de plus en plus, avec des gens comme Weinstein ou Polanski), celui des ouvriers mineurs non plus! Cosey s’est amusé, dans cet album, à mélanger ces mondes, à y ajouter le feutré d’une clinique de luxe, à imposer à tout cela la présence sublime et frissonnante de la nature, seule maîtresse à vivre d’éternité. Il aurait pu, c’est vrai, faire de son histoire le prétexte à une critique sociale, mais il n’en est rien. Cosey reste Cosey, il est un regard qui se fait dessin pour nous parler de ce qu’il aime : l’être humain, avec ses folies, ses dérives, ses rêves en errance, ses âges et ses nostalgies. Dans Calypso comme dans Jonathan ou Peter Pan, Cosey nous fait rencontrer, avec une espèce de tendresse souriante, des êtres humains, profondément humains, et véritablement attachants de par leurs nécessités et leurs réalités qui nous sont comme des miroirs.

Cosey: la fiction et l’humain
Cosey: la nature et les rapports humains

 

 

On aimait chez Cosey ses paysages de neiges aux éternités graphiquement parfaites.

On le découvre ici abandonnant la couleur, abandonnant aussi le travail tout en précision du trait, pour nous offrir un livre qui se différencie totalement de tout ce qu’il a fait jusqu’ici.

C’est du noir et blanc, rien que du noir et blanc, qu’il utilise dans  » Calypso « … Un peu comme une nécessité puisque, finalement, le cinéma qui sert de trame amoureuse et humaine à son récit, est un cinéma dans lequel les couleurs n’apportent pas grand-chose, le cinéma des auteurs inoubliables des années 50…

C’est du noir et blanc, oui, presque grossier à certains moments, et le fait de pouvoir voir les traits de pinceau sur le papier (un papier au demeurant choisi avec soin, et dont le contact avec les doigts est un délice qui ajoute au plaisir de la lecture !…), le fait de ne découvrir au long des pages aucun tape-à-l’œil, aucune mise en scène trop réfléchie, tout cela fait du dessin de Cosey, dans ce  » Calypso  » un dessin qui préfère évoquer plutôt qu’imposer et qui, à aucun moment, ne prend le pouvoir sur l‘histoire racontée.

A ce titre, incontestablement, Cosey s’installe avec « Calypso  » dans une famille d’artistes dans laquelle brille, par exemple, Munoz…

Cosey: le dessin
Cosey: évoquer plus que montrer…

Il y a mille et une manières de lire un livre. Mais je pense qu’avec  » Calypso « , il n’y en a qu’une qui soit possible : se laisser entraîner, de page en page, au travers d’un découpage sans fioritures, et, sereinement, suivre les existences que Cosey désire nous faire connaître.

A ce titre,  » Calypso  » est un album profondément poétique, et qui, nous parlant de la vieillesse, du temps qui tant nous lasse, réussit à nous prouver, tout en sérénité (même lorsque la mort est présente…), qu’en vieillissant, comme le disait Aragon,  » il fait beau comme jamais… il fait beau à ne pas croire…  » !

 

Jacques Schraûwen

Calypso (auteur : Cosey – éditeur : Futuropolis)