Les Ailes Du Singe

Deux albums bd, et un artbook !

Un personnage central désabusé, un environnement historique réel, mais une approche en uchronie, un dessin au découpage digne des films d’aventure des années 40 et 50… Découvrez Harry Faulkner, pilote d’avion casse-cou, et écoutez Etienne Willem, son créateur, en parler ici avec passion…

 

 

On peut faire de la bande dessinée, choisir de raconter des aventures endiablées, multiplier à plaisir des personnages hauts en couleur répondant à des codes de la littérature et du cinéma policier, utiliser un dessin qui va directement au but grâce à la manière de travailler les expressions, les faciès, on peut décider de faire sourire et d’amuser, cela n’empêche  nullement de construire un récit dans un environnement historique proche de la réalité.

Dans le premier volume de cette série, on découvre vite qui est Harry Faulkner : un ancien pilote militaire qui n’a  que peu de respect pour les règles et l’ordre établi et qui, dès lors, va se retrouver embarqué dans une mission de sauvetage de New York… Une mission qui va le mettre en porte-à-faux vis-à-vis du puissant Howard Hughes, et faire de lui, dans le deuxième tome, un cascadeur mettant le nez où il ne faut pas !…

Vous l’aurez compris, même si les faits relatés sont une invention pure, une invention soulignée par le fait que nous nous trouvons en présence d’une bd animalière, le canevas historique, lui, reste familier. Et, du coup, les thèmes abordés dans ces deux albums se révèlent ancrés dans des réalités qui, pour lointaines qu’elles soient (puisqu’elles s’inscrivent dans les années 30), ouvrent à des réflexions extrêmement actuelles…  » Les ailes du singe « , c’est un peu, à la manière de  » La Fontaine « , une fable à savourer…

 

 

Etienne Willem, l’auteur complet de cette série, aime ses personnages, c’est évident. Qu’ils soient méchants, et ils le sont profondément, qu’ils soient utopistes, et ils le sont avec des failles, il aime nous les montrer vivre, bouger, agir, en usant d’effets spéciaux démesurés que seule la bande dessinée peut offrir !

Les références au cinéma sont nombreuses, bien entendu, puisque le deuxième tome nous emmène totalement dans l’univers souvent glauque de Hollywood… L’actualité proche nous prouve que les choses, finalement, n’ont pas tellement changé dès qu’on passe à l’arrière des décors somptueux des grandes productions qui font rêver la foule !

Ce que l’auteur aime aussi, c’est jouer avec les perspectives et les couleurs, pour rendre compte, avec intensité souvent, de ce que sont les pauvretés provoquées  par la dépression économique, les désillusions face aux trahisons, les amours qui ne peuvent qu’être contrariées…

Et le révélateur de tout ce qu’il veut nous dévoiler, c’est son personnage principal, un anti-héros paumé, pas vraiment sympathique, mais osant, lui, ne pas croire que tout est définitivement écrit !

Politique, cinéma, économie font, dans cette série, un ménage difficile à vivre ! Et, finalement, très actuel !

 

Etienne Willem: les personnages et le scénario

 

 

Outre ces deux albums, qui peuvent se lire comme des one-shots, ou presque, Etienne Willem a les honneurs aussi d’un  » artbook « … C’est un peu la mode, ces éditions de livres qui soulignent le talent d’un dessinateur en dehors des normes précises d’une narration graphique.

En son temps, il y eut par exemple des livres superbes consacrés à Tardi…

Depuis, dans ce domaine de l’édition, il y a eu le meilleur et le pire… j’avoue que pas mal de ces pseudo livres d’art me sont tombés des mains… Et qu’ils ne servent souvent qu’à essayer de faire croire qu’untel est un grand, alors que ce n’est qu’un triste tâcheron inutile de la bd… Non, je ne citerai pas de noms !…

Mais je peux, par contre, vous dire qu’avec le livre consacré à  » l’art  » d’Etienne Willem, on n’est pas déçu. Dessinateur incontestablement issu d’une mouvance non-réaliste classique, avec des filiations qui jettent quelques clins d’yeux vers Sokal ou Giardino, Etienne Willem parvient à raconter des histoires, des débuts d’histoire en tout cas, avec un seul dessin qui, de ce fait, dépasse la simple illustration…

 

Trois livres, donc, qui peuvent honorer de leur présence votre bibliothèque…

De la bonne bd, de l’excellente aventure, de l’humour, de la réflexion : il y a tout pour plaire, en fait, chez Étienne Willem !…

 

Jacques Schraûwen

Les Ailes Du Singe (auteur : Etienne Willem – éditeur : Paquet)