Thierry Dubois, l’auteur complet de cet album, est passionné de voitures d’une part, de la Nationale 7 d’autre part, cette route qui menait de Paris aux faubourgs de Marseille et dont Charles Trenet était amoureux, lui aussi…
Chroniques de la Nationale 7©Paquet
Oui, c’est bien d’amour qu’il s’agit, pour Trenet comme pour Dubois… Un amour irraisonné, déraisonnable, inexplicable.
Quoique….
Il y a dans l’histoire de cette route mythique quelque chose qui, incontestablement, appartient au patrimoine culturel, au sens le plus large du terme, celui qui fait de la culture également une composante populaire essentielle !
Cette route fut, pendant des années, un symbole de l’évasion, un symbole du besoin de découvrir des nouveaux horizons, un symbole de l’évolution de la société aussi : l’évolution de l’automobile, bien sûr, celle des mentalités, celle des lois, avec la création des congés payés, par exemple, une évolution qui vit se mourir des métiers comme celui de maréchal-ferrant, remplacé par celui de garagiste.
L’histoire de cette route se mêle également à la grande Histoire de la France, celle des infrastructures de plus en plus imposantes, celle d’une technologie sans cesse à la poursuite du progrès et du record, celle des guerres qui n’ont jamais totalement empêché cette route d’être véritablement un chemin de liaison entre deux lieux, entre deux mondes, le Nord et le Sud. Le travail, et les vacances…
Chroniques de la Nationale 7©Paquet
C’est à tout cela que Thierry Dubois s’attache dans cet album au style graphique très franco-belge, entre la ligne claire et ce qu’on a appelé l’école de Charleroi. Des traits précis, une couleur en aplats, une stylisation des personnages, parfois, mais une vraie fidélité aux décors, aux lieux, et, bien évidemment, aux voitures !
Le titre de cet album est d’une clarté totale, également, puisque ce sont bien sept chroniques qui émaillent ce livre qu’on pourrait presque qualifier de « livre d’histoire », à la manière des écoliers d’antan !
Chaque chronique est un petit récit qui nous enfouit dans ce qui fut une des réalités de cette fameuse nationale 7. Il y a le récit du premier voyage entre Paris et Lyon. Il y a les moyens qu’utilisaient les chauffeurs routiers pour tenir le coup en conduisant quelque 800 kilomètres d’affilée. Il y a la création des premiers garages modernes, les embouteillages dans les 150 villes traversées par cette route nationale, les nougats de Montélimar vendus à même ces embouteillages, et, bien sûr, l’aventure que représentait à la fin des années 50 un départ en vacances en voiture !
Chroniques de la Nationale 7©Paquet
On pourrait penser que cet album est ce qu’on pourrait appeler une « bd de niche », pour utiliser un langage très branché…
Et il est vrai que tout au long des 48 pages qui composent ce livre, la nostalgie est omniprésente, nostalgie de lieux, nostalgie d’une existence qui, bien plus qu’aujourd’hui, prenait le temps, par obligation sans doute, mais par plaisir aussi peut-être.
Il y a aussi la nostalgie des belles voitures d’avant-hier, à une époque où les constructeurs cherchaient, dans la forme, à être reconnaissables, à créer un objet utilitaire mais aussi esthétique, ce qui, avouons-le, n’est plus de mise aujourd’hui où toutes les bagnoles se ressemblent.
Mais au-delà de ces nostalgies, il y a un vrai travail d’érudit, et chaque chronique, ainsi, est précédée d’un texte explicatif clair, précis, et sans emphase.
Et il y a, au rythme du dessin et des dialogues, des moments d’humour, des instants qui s’avèrent même pratiquement sociologiques dans la description des réactions humaines face aux vicissitudes de la vie.
Ces chroniques, donc, plairont à tous les amoureux de vieilles voitures, mais aussi, et surtout qui sait, à celles et ceux qui savent que la culture ne peut exister sans mémoire, et que toute civilisation se doit, pour persister, de se souvenir de ce qui l’a construite !
Jacques Schraûwen
Chroniques De La Nationale 7 (auteur : Thierry Dubois – éditeur : Paquet)