Bravo Pour L’Aventure 

De la BD américaine pur jus, mais diablement décalée !

 

Alex Toth, comme plusieurs de ses collègues compatriotes, est considéré à juste titre comme un des maîtres du noir et blanc. D’où l’intérêt de cet album, tout en couleurs, qui révèle encore plus le talent de cet artiste à toujours redécouvrir !

 

Bravo pour l’Aventure©Paquet

 

Mort en 2006, Alex Toth est un de ces auteurs américains particulièrement prolifiques. On peut même dire qu’il a pratiquement touché à tout ce qui fait la richesse de la bande dessinée américaine : comics (il a même dessiné Superman !), récits de guerre, travaux d’animation, histoires d’horreur à la « Creepy », polar sombre… Avec, toujours, ou presque, un plaisir à dessiner des personnages quelque peu ambigus, comme son fameux « Torpedo », repris par le superbe Jordi Bernet.
Avec Toth, on peut sans aucun doute parler de continuité. Son art du noir et blanc, comme je le disais, est en continuité flagrante avec Milton Caniff, qui a influencé tellement de dessinateurs, aux Etats-Unis comme en Europe (Jijé, par exemple)

Bravo pour l’Aventure©Paquet

 

Et, donc, les éditions Paquet ont décidé, dans leur collection « Cockpit », de remettre à l’avant plan cet auteur éclectique qui fut aussi capable – et avec quel talent ! -, de se pasticher… Et de rendre hommage, ainsi, avec le sourire au coin des lèvres, à un art dit mineur (à l’époque du moins).
Cet album met en scène un aviateur, Jesse Bravo, dont la ressemblance avec les idoles du cinéma américain des années trente est évidente.
Symbole de la réussite américaine et de ses aléas, Jesse Bravo se bat pour ne pas faire faillite, en butte aux banques qui le harcèlent. Et, pour s’en sortir, il travaille pour le cinéma, cascadeur émérite et un peu fou.
La première des deux histoires nous montre Jesse Bravo embringué dans une aventure qui mêle aviation, cinéma, jolie fille aux courbes avantageuses, trahisons, casino mafieux et truands possédant un certain sens de l’honneur… Toth, incontestablement, s’est beaucoup amusé à mélanger tous les ingrédients traditionnels des aventures à l’américaine des années 30 et 40… Ce n’est pas du pastiche, mais cela n’en est pas loin du tout ! C’est en tout cas une façon de démonter les trucs et ficelles d’une certaine narration, qu’on pourrait nommer : « le hasard organisé »…

Bravo pour l’Aventure©Paquet

 

La seconde histoire de ce livre est infiniment plus surprenante… Touché à la tête par une hélice en mouvement, Jesse Bravo s’évanouit et commence un voyage dans un univers onirique extrêmement particulier… Tout commence avec un personnage qui ressemble au chapelier d’Alice au pays des merveilles, mais qui a la manière d’agir, plutôt, du lapin du livre de Lewis Carroll.
Et puis, de délire visuel en délire visuel, avec des couleurs qui, ici, deviennent essentielles pour la structure même du récit, Bravo croise des personnages venus de tas d’horizons graphiques différents, de Caniff à Pratt, entre autres…
Ce petit récit pourrait n’être qu’un hommage de la part de Toth à tous les dessinateurs qu’il admirait… Mais c’est aussi, et surtout même, une histoire poétique, inspirée, presque littéraire, au cours de laquelle Toth semble avoir voulu aller au bout de son talent graphique, plus loin, en tout cas, que dans ses productions habituelles.

Bravo pour l’Aventure©Paquet

 

Entre Caniff et Kubert, entre onirisme et pastiche, Bravo est un personnage qui mérite vraiment d’être redécouvert ! Grâce soient rendues aux éditions Paquet, donc, pour cet album dans lequel la couleur réussit à mettre vraiment en évidence le talent graphique de Toth, et, étonnamment, sa manière d’user du noir et du blanc également…
Un excellent livre pour tous les amateurs de l’Histoire du neuvième art !

Jacques Schraûwen
Bravo Pour L’Aventure (auteur : Alex Toth – éditeur : Paquet)

 

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