Quarantième album pour ces infirmières qui font sourire, certes, mais en grimaçant bien souvent ! Une série populaire, dans le meilleur des sens du terme…
Populaire, oui, puisque les petites histoires de ces infirmières s’adressent à tout un chacun, et abordent des thèmes que, finalement, tout le monde connait, tout le monde appréhende aussi : la maladie, la douleur, les soins et, en fait, l’évolution d’une société –la nôtre- dans laquelle les découvertes médicales sont nombreuses et fantastiques, mais dans laquelle, en même temps, » l’humain » est de plus en plus oublié, peut-être…
Les auteurs de ces Femmes en blanc ont réussi à ne lasser ni leurs lecteurs ni eux–mêmes grâce à cet aspect presque sociologique (mais toujours souriant, même jaune, ou noir !) de leur BD. Puisque les thèmes qu’ils traitent, en mots et en dessins, suivent l’actualité, et malgré quelques gags récurrents au fil de ces quarante albums, ils assurent une longévité à leur série grâce à la variété des situations qu’ils nous racontent.
Quarante albums, donc, pour deux auteurs complices depuis bien des années.
D’une part, il y a le prolifique Raoul Cauvin, incontestable maître d’œuvre de bien des séries à succès chez Dupuis. Un Cauvin qui, comme je le disais, n’évite pas de temps à autre quelques redites, mais qui ne fatigue jamais ses lecteurs, tout comme lui ne se fatigue pas à chercher ce qui pourra faire sourire, rire, ou même, parfois, réfléchir.
D’autre part, il y a Phiippe Bercovici, un dessinateur dont les premières armes datent des années septante. Un dessinateur qui a confronté son dessin aux scénarios de Cauvin, mais aussi à ceux de Yann ou de Corteggiani.
Philippe Bercovici qui varie les plaisirs, en étant aussi dessinateur de presse.
Un auteur à part entière, puisqu’il se révèle avec » Les Femmes en Blanc « , avec un trait vif, avec un sens à la fois du mouvement et de l’expression caricaturée, un véritable metteur en scène des idées de Cauvin.
Je le disais : ce qui fait la longévité de cette série, sans aucun doute, c’est qu’elle ne ronronne pas dans un humour uniquement frontal. Puisant ses sujets dans la réalité, celle de tout un chacun, n’hésitant pas dès lors à parler de la mort, de l’automédication, de la politique de la santé, du manque de moyens humains, de l’évolution de l’accueil dans les hôpitaux, de l’empathie du corps médical qui a toutes les peines à résister aux pressions de la vie et de ses obligations administratives de plus en plus lourdes, s’enfouissant de gag en gag dans ce que tous nous vivons, cette série est celle d’un humour extrêmement proche des gens, des lecteurs…
Des lecteurs, oui, qui ne peuvent que se retrouver, se reconnaître, dans pas mal de personnages mis en scène par Bercovici et Cauvin. Parce qu’un des plaisirs de ces quarante albums, c’est, justement, de voir revenir régulièrement des « héros » qui, d’abord silhouettes, occupent une place importante d’album en album. C’est bien notre monde, notre univers, dans ses décors comme dans son humanité, dans son angoisse comme dans ses rires, que nous narrent les auteurs. Et c’est une réussite, souvent, de les voir remettre en avant des patients comme » le père « , pour qui le monde médical, celui dans lequel travaille sa fille, est d’un total hermétisme.
La bande dessinée, dès ses primes créations, s’est voulue ouverte à tous les publics.
» Les Femmes en Blanc » appartiennent à cette vision du divertissement. Un divertissement intelligent, un divertissement qui, comme je le disais, tourne au rire jaune parfois, souvent même.
C’est que l’humour, en fait, ce n’est pas que » la politesse du désespoir « … C’est aussi et surtout le miroir déformant de nos propres angoisses… Et un miroir déformant, cela fait et fera toujours sourire et rire !
Jacques Schraûwen
Les femmes en blanc : Soufflez ! (dessin : Philippe Bercovici – scénario : Raoul Cauvin – éditeur : Dupuis)