Ben est un » artiste » qui se montre (et se vend) partout dans le monde. Conceptuel et graphiste de l’aphorisme, le voici face à face avec un immense dessinateur de bande dessinée, Boucq, un dessinateur dont le graphisme, mêlé aux mots, est totalement narratif…
Je me dois, d’emblée, de vous avouer que l’art conceptuel ne fait pas partie de mes attirances naturelles. Je me dois de vous avouer aussi que les aphorismes de Ben me semblent manquer souvent de cette poésie réelle qui était celle de Scutenaire, par exemple, ou de Jules Renard.
Cela dit, quelques-unes des phrases exposées à Bruxelles ne manquent pas d’intérêt. Mais ce sont des phrases, faciles d’accès, frontales, dans lesquelles l’art pictural, au sens le plus large du terme, n’a vraiment pas beaucoup de place…
Cela dit, il ne s’agit là que d’un avis personnel, et à une époque où le talent se définit en chiffre de vente, il ne fait aucun doute que Ben est un artiste contemporain à part entière !
Un artiste reconnu qui, dans la galerie Huberty Breyne, a accepté de se retrouver en face d’un dessinateur de bande dessinée… Et il y a dans cette confrontation entre deux univers totalement différents, voire même opposés, quelque chose d’éminemment intéressant.
Pourquoi ?…. Parce que, d’un côté, les mots occupent tout l’espace et naissent, mais avec quelques délires, du seul quotidien. Et parce que, de l’autre côté de ces regards croisés, les mots accompagnent, presque comme un décor, un univers dessiné tout aussi délirant. Plus délirant, même ! Pour Ben, les références avec le mouvement Dada, avec Cavan ou Duchamp, ces liens sont souvent évidents. Par contre, chez Boucq et son personnage » Jérôme Moucherot « , le dadaïsme a laissé la place au surréalisme, et c’est bien de sur-réalité qu’il s’agit dans les planches originales qui sont exposées et qui sont celles de son dernier album, paru au Lombard, un album au titre pratiquement philosophique, voire freudien : » Une quête intérieure tout en extérieur, histoire de ne pas salir chez soi « .
Je me suis baladé dans cette exposition, mes regards se sont posés, presque distraitement, mais, ma foi, avec intérêt, sur les œuvres de Ben. Par contre, ils se sont écarquillés devant les originaux de Boucq, face la démesure de son travail, à la méticulosité de sa façon de transformer en dessins la culturelle folie de son scénario.
Et c’est bien de regards croisés qu’il s’agit… De façon, simplement, à ce que chacun, chaque visiteur puisse faire ses choix… Puisse, tout simplement, laisser à ses regards la force du plaisir de la découverte…
Jacques Schraûwen
Ben/Boucq : Regards Croisés (exposition à la Galerie Huberty Breyne jusqu’au 27 avril 2019, 33 place du Châtelain à 1050 Bruxelles)