Une exposition au CBBD consacrée à un dessinateur belge aux talents multiples
Le Centre Belge de la Bande Dessinée, à Bruxelles, se caractérise par l’éclectisme de ses expositions. Avec Griffo, c’est la dimension classique du neuvième art qui est mise à l‘honneur. Ainsi que le talent d’un artiste toujours étonnant !
C’est Jean-Claude De la Royère, grand amoureux de la bande dessinée belge, membre actif de l’histoire du neuvième art en Belgique, qui a organisé cette exposition. Et sa façon de la mettre en scène nous permet de découvrir le trajet d’un dessinateur, de ses débuts dans l’univers de l’underground flandrien aux séries actuelles dans lesquelles son dessin réaliste fait merveille.
La carrière de Griffo commence dans les années 70 par des apparitions dans Tintin. Mais elle prend réellement son envol dans les années 80, avec des séries qui, très vite, trouvent leur public : Beatifica Blues, Monsieur Noir, Sherman, Vlad, Gengis Khan, et, bien entendu, Giacomo C.
L’intitulé de l’exposition qui lui est aujourd’hui consacrée, » un dessinateur au service des scénaristes « , résume bien la conception que Griffo a du dessin en bande dessinée. Il se sent d’ailleurs infiniment plus au service des scénarios que des scénaristes ! C’est l’histoire qu’il a à raconter qui le pousse à adapter son dessin. Pas à le modifier, non, mais à le rendre le plus proche possible, dans son mouvement comme dans sa mise en scène, du récit qu’il prend en charge.
C’est cette faculté à se plier, graphiquement, à des ambiances différentes, cette facilité qu’il a, semble-t-il, à être parfois d’un réalisme presque froid, parfois d’un dessin proche d’une certaine caricature, c’est ce talent particulier qui a poussé, au fil des années, des scénaristes extrêmement variés à faire appel à lui pour donner vie à des personnages extrêmement variés eux aussi. Variés, mais souvent plongés dans les méandres de la grande Histoire. Et la série qui, aujourd’hui, continue à séduire, en est une preuve évidente. L’aventurier libertin, Casanova, après une absence de quelques années, revient d’ailleurs aujourd’hui à Venise ! Il faut dire que la complicité qui existe entre Griffo et Jean Dufaux, le scénariste, ressemble fort à de l’amitié artistique et humaine. Il faut dire aussi que Venise est une ville envoûtante !
S’il fallait caractériser Griffo, je pense qu’il ne faut surtout pas le limiter à un touche-à-tout toujours prêt à se plier aux volontés de ses scénaristes. Dans sa démarche artistique, lorsqu’il se lance dans la création d’un nouvel album, il n’y a rien de réfléchi, mais, comme il le dit lui-même, quelque chose de pratiquement » organique « . Son but, toujours, est de donner au scénario qu’il » illustre » et construit une ambiance qui lui soit totalement personnelle.
A ce titre, il faut aussi insister sur le talent pictural de Griffo, le » plus » incontestable que ses couleurs, ses aquarelles, apportent au récit. Il y a dans l’aquarelle une belle transparence, par exemple, qui sied à merveille aux paysages qu’il aime dessiner, champêtres ou citadins, ceux de Venise comme d’ailleurs !
Griffo est aussi et surtout un être pétri de curiosité. L’ennui ne fait pas partie de son quotidien, et il aime être surpris, il aime répondre à des défis. Et c’est ainsi qu’il est fort possible, dans quelque temps, de le voir devenir auteur complet d’un album… Un album inspiré par l’Histoire, le fantastique, et par son existence dans une des îles Canaries…
Le Centre Belge de la Bande Dessinée n’est pas un musée… C’est un lieu vivant, un lieu dans lequel toutes les réalités du neuvième art sont bien présentes. Et chaque exposition est l’occasion, réellement, de découvrir ou de redécouvrir la richesse et la vivacité de cet art qui, considéré comme mineur bien trop souvent, se révèle de plus en plus être une des manifestations les plus essentielles de la culture populaire !
Jacques Schraûwen
Signé Griffo : une exposition au Centre Belge de la Bande Dessinée, rue des Sables à Bruxelles, jusqu’au 24 novembre 2019)