Le décès d’un dessinateur exceptionnel universellement connu
Guillermo Mordillo appartient, certes, au monde de la bande dessinée, avec quelque quinze albums, si je ne m’abuse, parus en français, entre autres chez l’éditeur Glénat. Mais il appartient, surtout, à l’univers de l’humour, un humour aimant toujours détourner le réel pour le rendre souriant…
La « marque de fabrique » de Mordillo, ce sont des gags en un dessin, ou en une page. Des instantanés brefs, rapides, remplis de personnages ronds ou d’animaux caricaturés avec une véritable tendresse.
Mordillo, c’est de l’humour qui s’adresse, pratiquement toujours, à tous les publics même si, de temps autre, il s’est aventuré dans une forme d’érotisme souriant à la Dubout… Dubout, un géant de l’humour, dans la filiation duquel, graphiquement, on peut placer Mordillo.
Guillermo Mordillo, c’est un regard porté sur le quotidien, mais un regard toujours teinté d’absurde. Son sens de la caricature, parfois proche d’une certaine forme de surréalisme, dénote chez lui une véritable forme d’humanisme. Le ridicule laisse toujours la place, dans ses dessins, à un sourire amusé, à une manière qui lui appartient totalement de montrer les travers de l’être humain, mais de le faire avec tolérance, et, ce faisant, de dresser le portrait déformé mais fidèle en même temps du monde quotidien qui est le nôtre. Un monde qui reste « gentil », du fait aussi, peut-être, que Mordillo pratique un humour sans mots, sans dialogues…
Mordillo fait partie également de ces artistes que tout le monde, même sans le savoir, connaît. Parce qu’il s’est fait également portraitiste de grands groupements humains (dans des stades de football, par exemple), pour des puzzles dans lesquels des centaines et des centaines de détails forment une trame extraordinairement vivante, et particulièrement jouissive… Un puzzle de Mordillo, comme un puzzle de Loup, c’est d’abord le plaisir d’un jeu presque mathématique, c’est ensuite le plaisir d’une lecture graphique qui, à chaque nouvelle vision, découvre de nouveaux gags.
S’il existe un ailleurs, j’aime à penser que s’y retrouvent, autour d’une planche à dessin, Serre, Dubout, Chaval, et qu’ils accueillent à bras ouverts Guillermo Mordillo…
Jacques Schraûwen