Travail et dépendance dans une entreprise déshumanisée.
Une comédie débridée, qui nous révèle une part à peine cachée du monde dans lequel nous vivons toutes et tous.
Gérard Mandon est directeur d’une grande surface à Dinan. Sûr de lui et de ses qualités de père et de manage, il va devoir revoir son univers du tout au tout !
Et tout commence au moment où le grand magasin dont il a la responsabilité prépare la fête des pères. Gérard est marié à une femme qui pratique l’art de la mission humanitaire avec une énergie toute souriante. Une épouse, aussi, qui, ancienne scoute sans doute, lui impose chaque jour de faire une B.A.
Il est également le père de la jolie Léa, qui refuse toute compromission avec le monde qu’il représente. Celui du commerce qui, selon ses propres mots, est « aussi un art » !
Et c’est en faisant une de ses bonnes actions, en ne faisant pas arrêter Nelson, un petit voleur, que va s’amorcer un engrenage duquel, bien malgré tout, Gérard va être le révélateur, voire l’initiateur.
Tronchet et Jacoby pratiquent un humour qui, sous des airs bon enfant, sous des airs de « presque » vaudeville, se révèle très vite décapant, voire même subversif ! Mais, malgré tout, avec un seul mot d’ordre faire sourire, faire rire. Même en oubliant, parfois, le fil du scénario ! Nelson vole des bouteilles de soda qui, plus tard au cours du récit, se révèlent être des bouteilles de lait…
Mais que cette faille scénaristique ne nous fasse pas bouder notre plaisir. Polar financier et comédie endiablée, galerie de portraits vite esquissés mais tous bien ancrés dans la réalité qui est la nôtre, ce livre se déguste sans arrière-goût. Avec même, de ci de là, l’un ou l’autre « message humanisant », du style : « on gagne toujours à aller vers ce qu’on ne connaît pas, ce qu’on méprise » !
A une époque où le culte de l’uniformité prend le pas sur toutes les valeurs de partage et de tolérance, ces messages, ma foi, méritent d’être lancés à un public le plus large possible !
Et c’est fait avec talent, avec des dialogues simples sans jamais être simplistes, avec un dessin vif, qui fait penser parfois à un story-board destiné à un film d’animation, avec des couleurs claires et sans ostentation.
Une bonne bd d’humour actuel, ponctuée de réflexions importantes, cette «Tête de gondole » mérite, assurément, d’être en bonne position dans votre liste de livres à lire !
Jacques Schraûwen
Tête De Gondole (auteurs :Tronchet et Nicoby – couleurs : Philippe Ory – éditeur : Dupuis)