Avec Wilfrid Lupano au scénario, ce livre destiné de prime abord à la jeunesse devient vite le vecteur d’un humour et d’un engagement qui s’éloignent résolument des sentiers battus.
Le temps n’est plus, Dieu soit loué (meublé ou non meublé, comme le disait Jacques Sternberg), à la nécessité d’offrir à nos chères têtes blondes (ou moins blondes…) des lectures aux idées prémâchées ! La « littérature jeunesse », de nos jours, s’ouvre à des illustrateurs souvent exceptionnels, qui représentent à leur manière toutes les tendances de l’art contemporain, à des écrivains qui parlent, sans manichéisme, de sujets « intelligents ». Le temps est venu de considérer l’enfant comme un lecteur à part entière, capable d’intelligence et compréhension que bien des adultes, d’ailleurs, n’ont plus !
Cette réalité est d’ailleurs au centre des aventures des Vieux Fourneaux, de Lupano et Cauuet, même si ces vieux fourneaux vivent le quatrième âge de l’enfance ! Mais la trame de fond de cette série de bd reste cette jeune femme qui, de village en village, va promener ses marionnettes pour raconter, en souriant, la vie aux enfants d’un peu partout ! Ses marionnettes, parmi lesquelles ce fameux Loup qui, maintenant qu’il garde son slip, ne fait plus peur à personne dans la forêt !
Il ne fait plus peur, mais il dérange certains… Surtout le nanti écureuil qui ne comprend pas d’où viennent les trois sous que possède le Loup lorsqu’il vient faire ses courses au petit marché de la forêt ! Il met l’affaire entre les mains de la brigade anti-loup qui ont vite fait d’arrêter cet animal qui, de manière éhontée, se permet de vivre sans travailler !
Et ainsi, petit à petit, dans ce livre qui mêle les codes des albums jeunesse et de la bande dessinée, on va découvrir le secret (financier et humain…) de ce loup, pendant animalier des Vieux Fourneaux, sans aucun doute !
Et ce tout en posant des questions que tous les enfants, probablement, se posent à leur manière en voyant leurs parents travailler de jour en jour. Pourquoi travailler plutôt que glandouiller ? Pourquoi faire du travail une valeur au-dessus de toutes les autres ? Pourquoi empêcher les gens d’être heureux en rendant ceux qui les entourent heureux ? Pourquoi les adultes ne s’arrêtent-ils jamais qu’aux seules apparences (souvenons-nous du Petit Prince de Saint-Ex, le vrai, pas la triste non-création de Sfar !)
J’ai toujours un vrai plaisir, et depuis longtemps, à me plonger dans les imaginaires de Lupano. Ce scénariste, qui semble nourri par des lectures poétiques, anarchistes, souriantes, d’Allais à Malet, de Guitry à Giono, cet écrivain possède au plus haut point, d’une part, l’art de raconter des histoires, et, d’autre part, l’art de collaborer avec des artistes aux talents évidents ! Mayana Itoïz ne cherche pas à faire sans cesse preuve d’originalité, mais la construction même de son album, de ses albums, est déjà originale. Le ton est à l’humour, le ton est à la tendresse, à la réflexion, le langage est clair, mais jamais trop direct, ni dans les mots ni dans le graphisme, de façon à ce que le lecteur, quel que soit son âge, prenne plaisir à entrer de plain-pied dans un univers où l’humanisme et le sourire sont sans cesse de mise, même si des « méchants » tentent souvent de modifier les choses !
A lire, donc, à vos enfants, à vos petits-enfants, à leur offrir…
Jacques Schraûwen
Le Loup En Slip N’En Fiche Pas Une (dessin et couleur : Mayana Itoïz – scénario : Wilfrid Lupano – avec la participation amicale et artistique de Paul Cauuet – éditeur : Dargaud – novembre 2019)