Une exposition consacrée à et un renouveau à venir…
Le musée de la bande dessinée de Bruxelles rouvre ses portes, et une exposition consacrée à Guarnido, cela ne se rate pas, même avec les protocoles de sécurité qui sont en vigueur pour le moment !
Pendant cette longue période pendant laquelle les autorités politiques et certaines autorités scientifiques ont décidé de notre confinement, la culture a été contrainte de se retrouver aux abonnés absents.
Voici qu’enfin renaît une forme de liberté, celle de choisir ses émerveillements, celle de vibrer à des rencontres artistiques accrochées aux cimaises de nos musées. Des musées qui ont besoin, eux aussi, d’être soutenus…
Il y a un verbe qui est particulièrement à la mode, aujourd’hui : « se réinventer » !
Et il est vrai que, pour cette exposition, il a fallu aménager le CBBD de manière à ce que les « protocoles » sanitaires qui continuent à être de mise soient respectés. Cet aménagement, tout compte fait, n’est pas énormément contraignant. On ne flâne plus, certes, mais en suivant des chemins balisés, on découvre des paysages qu’on n’aurait sans doute pas vus autrement.
Et le but cette bal(l)ade, aujourd’hui, c’est de rencontrer le « maestro » Guarnido, dessinateur d’une série devenue culte, Blacksad. Une bande dessinée anthropomorphique, qui nous raconte les aventures d’un chat détective privé, dans la plus pure tradition des romans noirs américains de Chandler, Brown, Hadley Chase, mais avec pas mal de distanciation. Avec l’envie, dans chaque album, de dépasser la seule anecdote narrative. Ce qui a fait de ce héros un personnage important de la bd du vingt-et-unième siècle, c’est son côté observateur d’un monde dans lequel les valeurs essentielles, amour, amitié, solidarité, tolérance, résistance, sont sans cesse mises à mal.
Guarnido a commencé par travailler dans les revues espagnoles dépendant de Marvel, avant de travailler pour les studios Disney, comme dessinateur d’abord, comme animateur ensuite. Après cela, il y a eu l’époustouflant Blacksad, et puis une immersion dans le merveilleux, avec Sorcières, une incursion dans la science-fiction avec Voyageur, et, dernièrement, un album à la fois historique et picaresque, « Les Indes Fourbes », graphiquement parfaitement réussi, scénaristiquement un peu confus, à mon humble avis.
Et cette exposition a pris le parti de nous immerger dans la carrière de Guarnido de manière chronologique, tout simplement. Avec plus de 150 documents originaux, elle permet vraiment, au visiteur de rentrer dans l’œuvre d’un dessinateur qui occupe une place importante dans le paysage du neuvième art.
Cette exposition est comme le survol passionné, et passionnant, de l’œuvre d’un artiste amoureux du geste et de la couleur ! Et la simplicité tranquille de sa scénographie, due à Mélanie Andrieu, la commissaire de cette manifestation, est exactement ce qu’il fallait pour faire de cette exposition un but de balade, graphique, poétique, lumineuse !
Cela dit, je parlais plus haut du verbe « se réinventer ».
Ce long confinement, cette longue solitude imposée a poussé le Centre Belge de la Bande Dessinée à accélérer le mouvement dans sa volonté de s’ancrer plus profondément dans la réalité quotidienne
des auteurs. Il s’agit moins de « réinvention, d’ailleurs, que de retour aux sources mêmes de ce haut lieu national, et international, du neuvième art !
Revenir aux sources, c’est abandonner, simplement, le seul aspect muséal de ce lieu, un aspect, avouons-le, qui a souvent une connotation poussiéreuse.
Les sources, c’est de rendre compte de la réalité de la présence de la bande dessinée dans le paysage socio-culturel, celui d’hier et d’avant-hier, certes, de cette époque qu’on appelle parfois l’âge d’or de la bd. Mais aussi, et surtout sans doute, de sa présence actuelle, de sa multiplicité, tant graphique que littéraire, de ses inventions et de ses filiations.
Il y a là un beau pari, je pense, pour le Centre Belge de la Bande Dessinée : celui de revenir à ses fondamentaux, sans, pour autant, estomper son travail patrimonial.
Rien qu’à ce titre, le CBBD mérite, encore et toujours, d’être redécouvert. Pourquoi ne pas le faire à l’occasion de cette très belle exposition ?…
Jacques Schraûwen
J Guarnido : Secrets d’atelier d’un maestro (exposition au CBBD jusqu’au 8 novembre 2020 – 20, rue des Sables – 1000 Bruxelles