Sam

De la tendresse, de l’Histoire, de la tolérance dans un livre émouvant… A ne pas rater !!!

Certes, ce livre n’est pas sorti récemment. Mais il me semble important d’en parler, de permettre à tout un chacun de le découvrir. Parce que son sujet, tout simplement, celui de la mémoire qui permet au présent de ne pas oublier son passé, c’est un sujet véritablement d’actualité !

Sam © Editions Inanna

Sam est un gamin comme les autres, un adolescent qui vit au jour le jour ses émerveillements, ses fatigues, ses colères, ses petites révoltes.

IL vit avec sa mère et sa petite sœur et, de temps en temps, avec un père trop souvent absent pour des raisons professionnelles.

Sam est un gamin gentil, qui aime rendre service dans l’immeuble qui l’abrite. Rendre service, oui, mais pas à tout le monde… Pas à une vieille grincheuse qui n’est qu’acariâtre, pas à un voisin qui ne supporte pas les enfants qui jouent au ballon.

Sam © Editions Inanna

Sam a les yeux ouverts sur le monde qui l’entoure, un monde qu’il ne comprend pas toujours… Pourquoi ce couple, qui a l’air toujours triste, et dont le bébé est atteint d’une maladie rare ?…

Pourquoi ces indifférences de la part des adultes vis-à-vis de tout ce qui ne correspond pas à leurs convictions et à leurs habitudes ?

Pourquoi son ami « Boulazer » a-t-il toujours besoin de castagner pour répondre à ceux qui se moquent de ses cheveux roux ?

C’est avec cet ami que Sam fait l’apprentissage à la fois de l’amitié, la vraie, celle qui ne peut s’envisager que dans la durée, et à la fois à la tolérance, à la réalité de la « différence ».

Sam, tout compte fait, n’a rien qui le différencie des autres jeunes de son âge.

Ou, plutôt, il y a une chose qui le rend différent : la musique.

Sam © Editions Inanna

Il joue de la flûte. Mal, mais il en joue. Parce que sa mère le lui impose ?… Oui, certainement… Mais pas seulement ! Il joue de la flûte pour faire plaisir à un voisin, le vieux Josef, qui, lui, joue du violon, au grand dam de la vieille ronchon et des voisins tout en grisaille.

Le vieux Josef, un homme sans âge, à la barbe hirsute, au sourire discret. Un voisin toujours vêtu de vestes amples aux longues manches. Un violoniste dont les sons apportent à Sam des douceurs qui estompent ses propres grisailles quotidiennes.

Oui, Sam est un ado, un ado qui rêve à un futur qui le verra musclé, respecté et, surtout, tatoué, ce que sa mère ne veut absolument pas ! Un ado qui, tout compte fait, s’essaie à la flûte pour faire plaisir plutôt que pour SE faire plaisir.

Mais toute existence doit faire face, un jour ou l’autre, à l’inattendu, à la peur, à a peine, à l’émotion incontrôlable, au hasard.

Et cette faille dans la vie tout compte fait bien ordonnée de Sam, elle débute lorsque le vieux Josef est emmené d’urgence à l’hôpital.

Sam va le visiter… Et pendant que le vieillard est étendu dans son lit, le gamin s’aperçoit que cet homme porte un tatouage… Quelques chiffres sur le bras droit. Intrigué, Sam ne dit rien… Et c’est Josef lui-même qui lui fournit l’explication sur ce tatouage bizarre. Pas avec les mots, non ! Avec un cadeau… Un cadeau qui va bouleverser l’existence de Sam, sans même qu’il s’en rende compte, un cadeau qui va l’obliger à comprendre que le passé construit le présent, un cadeau qui va lui ouvrir les yeux, l’esprit, et la curiosité, un cadeau fait d’images : un album de bandes dessinées, l’extraordinaire et indispensable MAUS, de Art Spiegelman.

Sam va découvrir l’horreur des camps de concentration et l’inacceptable de la haine grâce à ce livre, grâce à Josef qui, lentement, va s’éteindre, selon l’expression consacrée, et avec lui s’éteindront son inquiétude et sa souffrance.

Sam va se découvrir lui-même, se trouver un avenir à construire, se trouver, surtout, une attitude qui jamais ne trahira son enfance et ses émerveillements, son adolescence et ses fulgurances. Sa vie et ses amitiés…

Sam © Editions Inanna

Ce que j’ai énormément apprécié, dans ce livre, c’est sa simplicité. Dans le dessin comme dans les mots. C’est un livre qui se lit vite, qui se lit bien, c’est un livre tout en douceur, tout en intelligence, tout en « regards » ai-je envie de dire. Un livre véritablement humaniste, important, donc, en ces jours où se déshumanisent de plus en plus notre monde et ses idéologies…

Tout est en retenue dans le texte de Pierre Desbughes, tout est conjugué en noir, en blanc, en gris et en jaune dans le dessin de Ben Caillous. Le découpage joue avec les gros plans, avec les perspectives, ce qui rend le graphisme presque expressionniste, en tout cas totalement expressif.

Cela fait bien longtemps, croyez-moi, que je n’ai plus été aussi ému par un livre. Prenez le temps de le découvrir, prenez le temps de le commander chez votre libraire, ou sur internet, où on le trouve assez facilement… Loin des sentiers battus de l’édition bd, ce « SAM » est un petit bijou ensoleillé…

Jacques Schraûwen

Sam (dessin : Ben Caillous – scénario : Pierre Desbughes – éditions Inanna – 46 pages – juin 2019)