L’adieu à un des dessinateurs les plus lucides de l’univers de l’humour
Il avait 88 ans, et plus d’une trentaine de livres en français à son actif. A l’instar de Schulz et de ses Peanuts, il a créé un personnage emblématique de la révolte face à toutes les injustices, une petite fille qui, déjà, appartient pleinement à l’histoire du neuvième art !
Mafalda…
Une gamine comme toutes les autres ?…
Pas vraiment ! Une petite fille qui discute avec le globe terrestre, une enfant qui regarde le monde des adultes en se posant des questions politiquement incorrectes, en les posant à ces adultes qui semblent tout accepter.
Charlie Brown et Snoopy se posaient aussi mille et une questions, mais avec un regard qui, à sa manière restait enfantin et limité aux frontières de la famille et de l’amitié.
Chez Quino, les propos dépassent la cellule familiale et ses environnements. Ils dépassent l’enfance aussi, et ce qu’on croit être ses « puretés ». Ce sont des réflexions qui dénotent une vraie révolte face à l’injustice en Argentine, en Amérique du Sud, dans le monde.
Avec Mafalda, Quino a créé un personnage qui se révèle, avec simplicité, un portrait sans doute de l’auteur lui-même et de ses colères discrètes.
Mafalda, édité en France par les éditions Glénat, a rencontré un vrai succès, et nombreuses sont les personnes qui ont trouvé chez elle de quoi nourrir leurs réflexions, leurs capacités d’analyse du monde dans lequel elles vivent.
Mafalda est un personnage iconique du neuvième art, sans aucun doute. Pourtant, Quino a arrêté de le dessiner au début des années 70 ! Ce qui n’a pas empêché Mafalda, trublion enfantin et féminin de faire le tour du monde dans des traductions nombreuses.
Cela dit, si Quino a arrêté de dessiner Mafalda, il n’a pas arrêté, pour autant, de dessiner, encore et encore, des « gags » d’une page, des tranches de vies simples, asservies par le pouvoir, par tous les pouvoirs. Plusieurs recueils de ses dessins d’humour sont parus en français, également, et ils permettent de découvrir encore mieux ce qu’était le regard de ce dessinateur exceptionnel et universel.
Universel, oui, parce que ce grand esprit critique de la bande dessinée et du dessin d’humour s’est attaqué, tendrement, à bien des réalités contemporaines, de la gastronomie au monde de l’emploi, de l’amour aux millionnaires, avec, toujours, cette vision presque cynique parfois d’une société déniant au bonheur la chance d’exister…
Quino avait 88 ans. Il est mort. Et avec lui disparaît un auteur complet, intelligent, un des grands créateurs du vingtième siècle. A redécouvrir, tout le temps, pour l’acuité de ses propos et la belle simplicité de son dessin…
Jacques Schraûwen
Excellente Mafalda