Mes Mauvaises Filles

Un livre émouvant et important, humainement et sociétalement !

De temps à autre, rarement, un livre m’emporte dans une émotion incontrôlable. Ce fut le cas avec ces « Mes mauvaises filles » dont je ne peux dire, en préambule, qu’une seule chose : achetez-le, lisez-le, faites-le lire !

Mes mauvaises filles © Futuropolis

Il s’agit d’une histoire réelle, agrémentée sans doute de quelques retouches. Mais des retouches qui n’ont rien trahi de cette réalité ici racontée, des retouches de noms, de personnages, de lieux probablement.

On sent, de bout en bout, du premier jusqu’au tout dernier dessin, une vérité, un ton qui ne cache rien, une démarche, graphique et narrative, essentiellement humaine, totalement ancrée dans une histoire terriblement personnelle. Et extraordinairement universelle…

De quoi s’agit-il ?

D’une fin de vie…

D’une femme que ses deux filles, à sa demande, aident à mourir.

Du poids de cette demande pour une femme qui se sait condamnée, du poids de cette décision que deux femmes assument, se doivent d’assumer. De la douleur, aussi… Celle ressentie, depuis des années, par une mère malade, mais droite, passionnée, passionnante, courageuse, féminine, active, sans concessions. Celle de ses deux enfants, deux femmes adultes et partageant avec leur mère une volonté de pouvoir s’engager, dans la vie, même lorsque cet engagement dépasse les conventions.

Mes mauvaises filles © Futuropolis

Ce livre est un portrait, une multitude de portraits en parallèles, tant il est vrai que l’auteure ne laisse personne dans l’ombre tout au long de ce livre poignant.

Il y a Bri, d’abord, cette mère qui va, veut et doit mourir.

Il y a ses deux filles. Ylva, la cadette, électron libre indomptable sauf par l’amour de son compagnon russe et de ses enfants. Liv, l’aînée, divorcée, indépendante, trop sage parfois, mais soucieuse de vivre sans dépendre de qui que ce soit.

Il y a une vieille dame qui n’a plus de mémoire et réinvente à sa manière le présent, ses présents.

Il y a le père qui, quatre mois après la mort de Bri, se remarie.

Il y a un médecin qui aidera au geste définitif.

Il y a un infirmier dont l’empathie dépasse tout engagement uniquement professionnel.

Il y a un voisin, il y a les enfants.

Mes mauvaises filles © Futuropolis

Ce livre nous parle de la mort en nous montrant la vie, telle qu’elle est, réellement, au-delà de toute imagination stérile. La vie au jour le jour, avec ses colères, ses incompréhensions, ses éblouissements, ses épreuves, ses amitiés, ses amours.

S’il est vrai que le sujet est, pour le moins, délicat, s’il est vrai qu’il aurait pu sombrer dans une sorte de mélodrame pompeux, il est surtout vrai que, choisissant, comme je l’ai dit, la vérité dans l’histoire racontée comme dans les émotions ressenties tout au long de cette histoire, l’auteure évite tous les écueils possibles pour nous offrir (il n‘y a pas d’autre mot !) un livre d’une intelligence profonde, une intelligence qui appelle à un dialogue, muet, avec chaque lectrice, chaque lecteur.

Et Zelba parvient à cette prouesse, dans le texte comme dans le dessin, grâce, me semble-t-il, à deux ingrédients.

Le premier est de faire raconter l’histoire par Bri, la morte… Un peu comme pour mettre une distanciation entre l’horrible responsabilité qu’ont dû prendre ses deux filles, un peu aussi pour rappeler à tout un chacun que chaque mort d’un être aimé nous laisse en mémoire, charnellement presque, sa présence fantomatique…

Le second, c’est l’humour, et la justesse, de ce fait, dans la description quotidienne des deux sœurs qu’une vraie complicité unit, au-delà de leurs divergences de caractère, de vécu, voire même de regard sur l’existence.

Oui, ce livre nous parle de la mort, en nous parlant de la vie, et en le faisant avec humour, avec tendresse, avec poésie, sans mièvrerie. Avec, de bout en bout en bout, une émotion frémissante, une émotion humaniste, une émotion faite de chagrin et de respect, une émotion dont les larmes peuvent se faire sourires.

Mes mauvaises filles © Futuropolis

Ce livre est une « émotion », tout simplement… Une émotion qui devient un engagement pour que chaque individu puisse quitter la vie sans douleur, sans être réduit à une absence totalement médicalisée. Une émotion, donc, qui nous pose question, comme elle a posé question à ces deux sœurs qui ont accepté d’accompagner leur mère dans son ultime voyage humain, deux sœurs héroïnes vivantes d’un « roman graphique » exceptionnel !

Jacques Schraûwen

Mes Mauvaises Filles (auteure : Zelba – éditeur : Futuropolis – 160 pages,- septembre 2021)

Une réflexion sur “ Mes Mauvaises Filles ”

  • 21 octobre 2021 à 17 h 23 min
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    D’accord avec le thème: le droit à mourir dans la dignité

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