Gloire soit rendue à l’iconoclaste Pieter De Poortere de nous faire sourire sans retenue avec Dickie, son Beauf, et Vickie, sa petite femme libre et libertine, voire nymphomane !
Première précision à donner : cet album de quelque 164 pages est totalement muet.
Deuxième précision : les « héros » qui y sévissent n’ont rien, strictement rien de bien-pensants, de respectueux, de polis et gentils.
Troisième précision : le mauvais goût est partie prenante de chaque gag, avec un sentiment jouissif évident.
Quatrième précision : les deux personnages, physiquement, sont récurrents tout au long de cet album, mais ils se baladent dans différentes époques, dans différents lieux, dans différents moments historiques aussi… Dickie, par exemple, incarne avec une réjouissante bêtise le personnage d’Hitler !…
Vous l’aurez compris, Pieter De Poortere est à placer dans la famille d’Hara Kiri, de l’Echo des Savanes, ceux d’hier, voire d’avant-hier, bien plus qu’en compagnie de Tintin ou Spirou. Même si, graphiquement, on n’est pas très loin, avec Dickie, d’une certaine ligne claire…
La première grande réussite de cet album, de ce Dickie, c’est sa bonhomie… Son apparence est celle de monsieur tout-le-monde, un quidam perdu dans un monde qui le dépasse, mais un monde dans lequel il s’inscrit résolument, en y participant avec toutes les ressources infinies de sa fondamentale bêtise.
Alors, tout y passe…
Le romantisme amoureux sur les canaux de Venise…
Les duels dans l’ouest américain…
Les strip-tease vénaux…
La mode « feel good »…
Hitler et d’autres figures historiques, comme dans ce jeu d’échec dessiné mettant face à face les Blancs et les Noirs, Léopold II et Mobutu.
Eh oui… Et à chaque page, ainsi, le politiquement correct est égratigné… En même temps que le handicap, les cimetières, la mort, la religion, le sport, la pandémie, la science, la guerre, le cinéma.
Ce faisant, et sans avoir vraiment l’air d’y toucher, Pieter De Poortere nous dresse le portrait délirant de notre société… Un portrait au vitriol, un portrait qui n’a pas peur du mauvais goût, loin s’en faut, et il nous montre ainsi qu’en guise de mauvais goût, finalement, voire même de provocation, les maîtres à penser, politiques, idéologies, scientifiques que plébiscitent les médias n’ont rien à envier à Dickie… Lui au moins, de par un dessin direct, sans effets spéciaux, de par une apparence cool, se révèle de manière certaine bête et méchant, mais avec une espèce de fausse gentillesse provocatrice…
Oui, tout compte fait, ce livre iconoclaste, outre le fait qu’il nous fasse passer un bon moment, ne manque pas d’intelligence, et d’ouvertures nombreuses à des réflexions qui, elles, ne font pas vraiment rire…
Jacques Schraûwen
Le Petit Dickie Illustré – intégrale 2 (2011-2021) (auteur : Pieter De Poortere – éditeur : Glénat – octobre 2021 – 164 pages