Une « somme » souriante, fouillée, pour une redécouverte en profondeur d’un univers bd mythique !
Des livres consacrés à Astérix, il y en a eu, des tas même ! Mais celui-ci, par le choix qu’il fait, alphabétique, de s’intéresser à cette bande dessinée, se démarque de tous les autres.
Astérix, de 1961 à 1979, ce sont 24 albums dus à un duo exceptionnel, le scénariste génial René Goscinny et le dessinateur éclairé Albert Uderzo. A la mort de Goscinny, Uderzo a d’abord continué seul, avant de laisser la place à une nouvelle génération, le temps de quelque 16 albums.
Et le succès a été et est toujours au rendez-vous. Financièrement parlant, en tout cas… Les lecteurs d’Astérix le Gaulois sont des collectionneurs, et ne supporteraient pas, sans doute, de ne pas avoir la collection complète.
Maintenant, il faut être honnête et reconnaître que le talent de Goscinny manque à la série, terriblement, avec même quelques albums qu’on pourrait, sans mentir, qualifier de totalement inutiles !
Dès lors, je me permets de vous donner un conseil, ici… Plongez-vous dans ce dictionnaire insolite, oubliez le grand fossé, le griffon, et surtout le très très moche « le ciel lui tombe sur la tête », et retrouvez le vrai génie d’Astérix, Le vrai talent de ses deux créateurs.
Parce que c’est déjà, pour moi, la première qualité de cet ouvrage de Philippe Durant. Il ne s’adresse pas aux collectionneurs purs et durs, il n’a pas peur non plus ici et là, de porter des jugements, d’oser, tout simplement, dire ce qu’il pense.
Et Philippe Durant le fait avec tout son plaisir à jouer avec les mots, lui qui et un grand connaisseur, par ailleurs, de Michel Audiard. Plutôt que de jouer avec les mots, d’ailleurs, on peut dire qu’il en use et abuse avec un sourire omniprésent.
Et, ce faisant, avec simplicité, il rend un véritable hommage à la verve exceptionnelle de René Goscinny.
La deuxième qualité de cet ouvrage, c’est qu’il réussit, de bout en bout, à mélanger les genres, en choisissant l’anarchie de la mémoire, au fil d’un alphabet sans cesse réinventé. Certes, la table des matières permettra à tous ceux qui le souhaitent d’organiser leur lecture selon leur propre envie. Mais je vous assure que la meilleure manière d’aborder ce bouquin, c’est de se laisser aller au rythme créé par Philippe Durant, un rythme qui ne tient pas compte d’une quelconque chronologie mais qui suit les méandres d’une mémoire toujours sélective. On passe, ainsi, d’un article sur Depardieu à des explications précises sur la façon dont ont été réalisés les premiers dessins animés, on découvre les disques (oui, les vinyles) inspirés par les albums d’Astérix, mais aussi tous les personnages qui peuplent l’existence de ce petit village gaulois résistant aux diktats d’un grand Jules qui n’arrête pas de se ridiculiser.
La troisième qualité de ce dictionnaire libre et anarchique, c’est de redonner une place parfois oubliée à des gens qui ont, à leur manière, participé pleinement à l’essor des aventures d’Obélix, Idéfix et Astérix : je veux parler de Pierre Tchernia, entre autres, mais aussi de l’immense Roger Carel, ou Pierre Tornade… Et, en le faisant, de ne pas oublier non plus de montrer les influences subies par Goscinny et Uderzo, mais aussi celles qu’ils ont provoquées chez d’autres créateurs, au cinéma comme en bande dessinée d’ailleurs.
En fait, ce livre répond à la vraie question que tout un chacun devrait se poser, quidam ou homme ou femme de pouvoir : qu’est-ce qui fait qu’Astérix reste toujours, malgré les années, un des personnages les plus aimés dans l‘histoire de la bande dessinée, en dehors même des lourdes opérations de marketing ?
La réponse est évidente, à la lecture de ce dictionnaire qui n’a rien d’encyclopédique : Astérix et ses compagnons sont des râleurs, certes, mais ce sont surtout des humains qui résistent à des ennemis capables de violence ou de ruse, mais toujours vaincus par ce sentiment essentiel et essentiellement humain : le refus de quelque formatage que ce soit !
Astérix, râleur et hâbleur, est un résistant, oui, à la Audiard. En tout cas jusqu’à l’album qui le conduit chez les Belges. Parce qu’ensuite, à mon humble avis, il perd peu à peu la consistance qui en faisait un vrai symbole… Jusqu’à devenir, dans la dernière de ses aventures, un petit guerrier bien sage et bien gentil, acceptant sans sourciller que les modes du temps et leurs dérives deviennent moyens de pouvoir…
Jacques Schraûwen
Dictionnaire Insolite D’Astérix (auteur : Philippe Durant – éditeur : nouveau monde graphic – 350 pages – novembre 2021