Adèle Blanc-Sec : 10. Le Bébé des Buttes-Chaumont

Un livre étonnant, fou, démesuré, impossible à résumer, foisonnant, surréaliste, pataphysicien, un livre à la naissance duquel les feuilletonnistes du dix-neuvième siècle rencontrent Jules Verne, Alfred Jarry et Louis-Ferdinand Céline ! Une chronique dans laquelle ECOUTER Jacques Tardi !

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Le personnage d’Adèle Blanc-Sec, une héroïne vivant dans les années 20, a été créé au milieu des années 1970 par Jacques Tardi. A la fois féministe, individualiste, libre, révoltée face à une guerre à peine terminée, anarchiste aussi, Adèle est une aventurière perdue dans un monde de routines transpercées par un « fantastique » omniprésent.

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Tardi est un auteur essentiel, un homme, et c’est rare, qui est resté fidèle pendant toute son existence à ses idéaux de jeunesse, à ses colères, ses révoltes. Son œuvre est fabuleuse. Outre Adèle Blanc-Sec, il y a des adaptations de Manchette, « Le Cri du Peuple », Elise, ses albums nombreux consacrés aux horreurs de la première guerre mondiale, ceux aussi qu’il a consacrés à son père et à la guerre 40-45, sa manière exceptionnelle, également, de donner vie à Nestor Burma, le personnage du romancier Léo Malet. Et Brindavoine, et Ici Même, et Polonius… Et tant d’autres encore…

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Et pour mettre fin à la saga de l’immortelle Adèle, Tardi s’est amusé à nous plonger dans un univers complètement dingue, avec une épidémie, des trottinettes anachroniques, des momies qui rajeunissent et nous parlent d’immortalité.

Et Tardi a dédicacé ce livre à Dominique Grange, sa chanteuse préférée. Et son épouse depuis une quarantaine d’années. Dominique Grange, d’ailleurs, a enregistré une chanson consacrée à Adèle Blanc-Sec… Engagée elle aussi, dans des combats de liberté, elle a été la première lectrice de ce livre-ci.

Jacques Tardi et Dominique Grange

Tardi a créé, avec cet album, une sorte de tourbillon envoûtant empli de références de toutes sortes qui font de son récit une métaphore grinçante de nos propres présents. Grinçante, mais souriante, aussi, comme si Tardi prenait un immense plaisir à faire un pied de nez au réel et à ses contraintes !

Ces références ratissent large… Tous les albums précédents d’Adèle se retrouvent dans celui-ci, mais aussi d’autres livres de Tardi comme « Le Démon des Glaces », et le tout s’ancre, dans les actualités des années 20, dans une approche iconoclaste des institutions comme l’Académie Française. Il y a des références, bien évidemment, à la guerre et aux abattoirs, à Hergé, au Covid, au vaccin, aux masques, à la langue française, ses richesses et ses abandons…

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Je le disais, ce livre est impossible à résumer… Il faut se laisser aller, s’y balader, se laisser entraîner dans des tas de chemins de traverse qui sont ceux de l’imagination, donc de la liberté.

Usant et abusant avec une sorte de plaisir enfantin des trucs et ficelles du roman-feuilleton, du mélo, de la ligne claire même, Tardi mélange la provocation et la folie jouissive de l’absurde et de l’improbable. Il en résulte un livre inclassable et profondément libre, dans son ton comme dans sa forme.

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Ce dernier Adèle Blanc-Sec est déroutant, c’est certain ! Il faut s’y promener comme un enfant se balade dans une forêt imaginaire… Il donne envie, par ses références, de se replonger dans toute la série ! Jacques Tardi réussit et réussira toujours à nous étonner ! Jusqu’à cette fin qui semble une porte ouverte vers une suite, une suite qui, pourtant, n’aura jamais lieu… Avec l’apparition d’organismes vivants (et réels, eux !) prêts à envahir le monde: les tardigrades…

Dominique Grange et Jacques Tardi: les tardigrades

Ce livre ne demande pas d’user de son sens de la logique. Comprendre, en fait, n’est en rien important quand on se trouve dans le « fictif ». On est presque dans du Bunuel totalement délirant, avec une bande son entre Malet et Céline, le tout mitonné d’un peu d’Audiard. Et il faut souligner aussi le mise en couleurs de Jean-Luc Ruault qui s’immerge totalement dans l’univers déjanté de Tardi.

Jacques et Josiane Schraûwen

Adèle Blanc-Sec : 10. Le Bébé des Buttes-Chaumont (auteur : Jacques Tardi – couleurs : Jean-Luc Ruault – éditeur : Casterman – novembre 2022 – 64 pages)

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2 réflexions sur “ Adèle Blanc-Sec : 10. Le Bébé des Buttes-Chaumont ”

  • 14 novembre 2022 à 13 h 08 min
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    superbe chronique comme d’habitude

  • 15 novembre 2022 à 7 h 45 min
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    merci, claire…

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