Un des livres les plus essentiels dans l’histoire de la littérature, la vraie, pas celle de ces best-sellers faits de vacuités qui fleurissent de nos jours dans les cimetières de l’intelligence !
Après Rops, Rodin, Redon, Liberatore, Hulet, Yslaire, auteur de la somptueuse saga des Sambre, s’est en effet à son tour lancé dans l’illustration des Fleurs du Mal de l’immense Baudelaire. Il s’agit d’une réédition de l’édition originelle de ce chef d’œuvre de la littérature, 100 poèmes dans lesquels Baudelaire a joué avec les codes de la prosodie comme avec ceux de la bienséance, s’enfouissant avec des délices cruels et passionnels dans des spleens et des dérives superbement humaines.
Yslaire s’est donc confronté à cet univers qu’il avait abordé, déjà, avec son « Mademoiselle Baudelaire ».
Mais il ne s’est agi à aucun moment de confrontation, que du contraire. Je ne dirais pas qu’Yslaire s’est effacé derrière Baudelaire, certes, mais il n’a à aucun moment cherché à le supplanter non plus.
Chacun de ses dessins est une approche personnelle d’un poème bien plus qu’une interprétation des rimes de l’auteur qui a traduit Poe…
Une approche graphique, d’abord, passant d’un plan général à un détail précis (comme son illustration terrible de « La Charogne », poème que je considère comme le plus sombre et le plus lumineux de toute l’œuvre du poète maudit).
Une approche de sensations bien plus que d’intelligence, aussi, surtout. Dans ce livre, Yslaire a composé une musique, de couleurs et de dessins, en contrepoint de celle des mots de Baudelaire. Ses illustrations accompagnent les textes, c’est vrai, mais ils n’en sont jamais la seule illustration… Il a réussi ce que bien des gens essaient depuis très longtemps : composer un livre dans lequel les « images » ne sont pas la simple illustration des mots, dans lequel les mots se font, eux aussi, illustrations des dessins…
Et s’il fallait trouver une phrase, une seule, pour vous dire ce qu’est ce livre, ce qu’est Baudelaire, ce que sont les illustrations de Bernard Yslaire, je choisirais ces mots de Baudelaire lui-même… Chantre des gouffres profonds, créateurs de néant à taille humaine, n’a-t-il pas défini, en effet, ce qu’était sa poésie, ce qu’était la poésie : « Préférer la douleur à la mort et l’enfer au néant » !
Ces Fleurs du Mal sont celles de Charles Baudelaire, elles sont aussi désormais celles de Bernard Yslaire !
Bernard Yslaire que j’ai eu le plaisir de rencontrer, d’écouter… Et je vous invite à l’écouter à votre tour dans une interview à écouter dans sa durée…
Jacques et Josiane Schraûwen
Les Fleurs Du Mal (Charles Baudelaire illustré par Bernard Yslaire – éditeur : Dupuis – 256 pages – novembre 2022)