C’est en 1905 qu’est apparu pour le première fois un personnage de papier qui, très vite, allait devenir un anti-héros mythique de la littérature française !
C’est dans le cadre d’un début de siècle enflammé de rêves et d’espérances en des futurs chantants qu’Arsène Lupin a multiplié ses exploits… Amoraux, pratiquement toujours…
Grand séducteur, grand amoureux, grand aventurier, grand détective, gentleman cambrioleur mais avec classe et générosité, Arsène Lupin ne s’est pas contenté de séduire de nombreuses femmes, jeunes ou moins jeunes… Il a séduit tout un public qui, d’une certaine manière, a obligé son auteur, l’époustouflant Maurice Leblanc, à ne pas l’abandonner, à ne pas se créer une carrière littéraire différente.
Maurice Leblanc, en effet, n’a pas été que le chantre de cette espèce de Robin des Bois moderne. Il a à son actif des dizaines d’autres ouvrages, des contes légers, érotiques et désuets, charmants et charmeurs… Souvent avec un fond policier, mais toujours avec une constante sensuelle évidente, avec, comme axe central de tous ses récits, la femme, souveraine, mystérieuse, vivant comme un idéal impossible à atteindre, et, souvent aussi, libre, naturelle et, ma foi, libertine.
J’avoue d’ailleurs, après, adolescent, avoir lu toutes les aventures du bel Arsène, aimé encore plus, adulte, ces lectures légères, poétiques et osées, écrites dans un style souriant…
Mais revenons-en à Arsène Lupin et sa jeunesse, et à ce livre… Un livre qui s’intéresse à Raoul d’Andresy, un presque adolescent encore, à sa rencontre avec la mystérieuse Comtesse Cagliostro avouant sans vergogne l’âge de 106 printemps, tombant follement amoureux d’elle, se lançant pour ses beaux yeux dans la recherche d’un trésor venu du fin fond du Moyen-Âge… Et changeant de nom, toujours pour ses beaux yeux (et le reste, sans aucun doute…), devenant ainsi Arsène Lupin, roi de la cambriole, avec sa petite troupe qui n’est pas sans faire penser à Robin des Bois, encore une fois…
Et tout cela se vit sur un rythme endiablé, avec des trahisons, des coups de feu, des désespoirs, de l’amour, de l’humour, du désir, de l’abandon, de l’ésotérisme aussi, mais se terminant (ou presque) de manière raisonnable et logique…
Cet album de bande dessinée donne dessin, donc, à Arsène Lupin avant qu’il ne le devienne !
Le scénario de Jérôme Eho réussit à rendre compte de ce rythme, même si quelques raccourcis manquent cruellement, parfois, de clarté. Mais il parvient à nous restituer toute la verve et toute l’imagination de Maurice Leblanc, occultant malgré tout un peu trop sans doute l’aspect sensuel de l’initiation à la vie de ce jeune homme aventurier, certes, mais sans expérience amoureuse encore.
Le dessin de Raphaël Minerbe est encore un peu hésitant… On y sent des influences variées, du côté du réalisme franco-belge et de l’accentuation graphique du manga, et c’est étonnant de se balader dans ses pages en passant de séquences terriblement caricaturales à d’autres d’un réalisme tranquille. Mais, dans l’ensemble, ce dessin tient la route. Minerbe a du talent, et on sent d’ailleurs son évolution au fil de l’album, dans la façon qu’il a d’approcher les sentiments de ses personnages au travers de leurs visages, par exemple.
Cet album n’est pas un chef d’œuvre, c’est vrai. Mais il se laisse lire avec plaisir. Les couleurs de Massimo Malosso jouent un grand rôle dans ce plaisir à la lecture, d’ailleurs. Et puis, il faut souligner la présence d’un dossier, en fin d’album, qui nous fait découvrir de plus près tous les lieux de Normandie croisés dans cet album. Des lieux extrêmement bien dessinés pas Minerbe… Et enfin, la grande qualité de ce livre, c’est également de donner envie de se plonger à nouveau dans l’œuvre originelle de Leblanc, dans toute son œuvre, en se baladant dans cette Normandie qu’il aimait tant !
Jacques et Josiane Schraûwen
La Jeunesse d’Arsène Lupin – Cagliostro (dessin : Raphaël Minerbe – scénario : Jérôme Eho – couleur : Massimo Malosso – éditeur : Grandangle – septembre 2023 – 72 pages)