Des milliers de dessins, des techniques très différentes les unes des autres, du réalisme puissant et de l’humour léger, de la poésie et de l’observation… C’est tout cela qui fait de Pierre Joubert un illustrateur qui a marqué de son talent le vingtième siècle !

Un jour, il y a bien longtemps, je devais avoir onze ans… J’étais louveteau et, dans la bibliothèque de mon unité scoute, un livre a attiré mes regards, par sa couverture… Je l’ai emprunté… Il s’appelait « La mort d’Eric », était signé par Serge Dalens, et illustré par Pierre Joubert.

En quelques pages à peine, je suis devenu accroché du cœur et du rêve à cette collection, « Signe de Piste », et à ce dessinateur qui, pour le gosse déraciné un peu paumé que j’étais, réussissait à créer des rêves d’aventure et d’amitié… Des rêves qui ne m’ont jamais abandonné, comme ne m’a jamais abandonné la passion que j’ai pour ce dessinateur exceptionnel !

Et si j’ai lu, ensuite, les aventures de Bob Morane, c’était parce que les couvertures étaient dessinées par Joubert… Je me suis laissé dire qu’Henri Vernes, parfois, changeait un peu son texte pour qu’il corresponde au dessin de Joubert… Lorsque j’ai rencontré ce prolifique écrivain, il ne m’a pas contredit, il s’est contenté de sourire…

Un jour, la commune d’habitation d’Henri Vernes, Saint-Gilles à Bruxelles, a annoncé en grandes pompes et en petits fours la décision de créer une fresque rendant hommage à cet écrivain au travers d’un dessin… Un dessin que les intellectuels fatigués de cette commune avaient attribué à Forton, chose imbécile que j’ai corrigée pendant ce petit pince-fesses, puisque c’était de Joubert qu’il s’agissait… Cette fresque murale et citadine n’a bien évidemment jamais vu le jour, la politique démontrant sa richesse par le nombre de ses promesses non tenues !

J’ai, quelques années plus tard, passé une journée avec Pierre Joubert, pour la préparation, sous la houlette du journaliste Gérard Valet, d’un film documentaire qui aurait dû lui être consacré, ce que la triste frilosité des penseurs des médias télévisés n’a pas permis. J’ai rencontré là un homme souriant, intègre, humble aussi… Presque étonné du nombre de ses dessins mis en banc-titre par Gérard Valet…

Vous me direz que Pierre Joubert n’a rien à voir avec la bande dessinée… Je lui avais demandé, d’ailleurs, à l’occasion de cette journée, pourquoi il n’avait jamais fait de bd… Il m’a répondu, simplement, le sourire au coin de l’œil : parce qu’on ne me l’a jamais demandé… Sans doute n’a-t-il jamais, en effet, dessiné une vraie bd, avec bulles, etc., mais, par contre, l’influence qu’il a eue auprès de bédéistes essentiels est indéniable ! Des artistes qui lui ont rendu hommage, en 1987, dans un superbe livre intitulé « Les Chemins De L’Aventure ».. Pleyers, De Moor, Mitacq, Juilliard, Piroton, Follet, Vandersteen : rien que du beau monde ! Auquel on peut rajouter Hermann, Lepage, Pellerin… Et d’autres encore! Jusqu’à Levis!

Pierre Joubert a accompagné mon existence… Je partageais avec Josiane cette passion pour un artiste dont le talent était de parvenir, en un dessin, à raconter une histoire… Joubert ne se contentait pas d’illustrer un propos, un extrait… Il résumait en une couverture tout ce que le livre allait pouvoir offrir à ses lecteurs… Il exprimait, en une illustration intérieure des livres de la collection Signe de Piste, un moment du récit, certes, mais en y ajoutant, comme si de rien n’était, l’intensité des sentiments que ce moment racontait… Les illustrations de Joubert, à ce titre, n’ont jamais été un complément pour les livres qu’il a illustrés, mais bien plus une continuité, une envolée de l’imaginaire de Joubert face à l’imaginaire d’un écrivain…

Et donc, voici, après bien des livres qui lui ont été consacrés, deux nouveaux albums à ne pas rater par tous les amoureux du dessin ! Deux volumes, pour une rétrospective chronologique de toutes les aventures éditoriales, mais surtout graphiques, de Pierre Joubert… Une rétrospective qui, en deux opus donc, nous conduit de l’année 1927 à l’année 2000. 73 années pendant lesquelles un homme a passionné des générations de lecteurs, en leur faisant partager ses propres passions! Et ces deux livres nous font ainsi entrer dans tous les univers de Joubert…

Bien sûr, le scoutisme occupe une place prépondérante dans l’œuvre, et la vie, de Pierre Joubert. Le scoutisme, oui, et ses valeurs d’aventure, mais de solidarité, d’amitié, de résistance aussi à des normes sociétales et parentales trop pesantes parfois… Ce scoutisme qui évolue au fil du temps, parfois bien, parfois mal, mais qui reste accroché à l’âme de tous ceux qui y ont trouvé, non pas un idéal, mais une forme fondamentale de tolérance…

Mais Pierre Joubert, c’est aussi de la publicité… Des couvertures de chez Marabout, du western extraordinaire de Pierre Pelot, Dylan Stark, entre autres… Des couvertures et des illustrations pour des tas de revues… Des calendriers scouts de Belgique… Des croquis de voyage… Des livres sur l’héraldique et sur la marine… Des couvertures pour des éditeurs comme « Presses de la Cité »… Oui, Pierre Joubert a même illustré des couvertures de romans de Konsalik ! Et c’est tout cela qu’on retrouve dans ses deux livres somptueux ! Avec, en point d’orgue, l’extraordinaire livre que Joubert a consacré aux ivresses de Rimbaud!

J’ai adoré me perdre dans cette chronologie artistique… J’ai adoré sentir se réveiller bien de mes souvenirs qui m’ont permis, aujourd’hui, d’avoir la certitude de ne pas avoir trahi le gamin ébloui par Joubert que j’ai été. J’ai été heureux de ne pas trouver (mais peut-être est-ce une erreur de ma part) dans ce diptyque, deux « œuvres » de Joubert qui trônent sur une de mes bibliothèques : « Badge D’Or » et « Le Jeu des Ayacks » !

J’ai adoré ces deux livres… Et j’ai la certitude que vous ne pourrez que faire de même ! En découvrant, par exemple, au détour d’une page, une couverture que Joubert, à la demande de Fromental, a un jour dessinée pour une revue qui, pourtant, n’appartenait vraiment pas à son univers, Metal Hurlant…

Ne ratez pas ces livres… Ils rendent hommage, avec une iconographie impeccable, à un artiste complet, dont les chemins continuent et continueront pendant longtemps à s’offrir aux pas des amoureux du dessin !
Jacques et Josiane Schraûwen
P. Joubert – Rétrospective (deux volumes – éditeur : Plein Vent)
Merci Jacques et Josiane de nous replonger dans le creuset de notre jeunesse. Oui, que de souvenirs illustrés par ce merveilleux dessinateur !
Merci l’oiseau
Salut, Thierry….
Pour avoir feuilleté un de ces opus ce matin assise à la table de ta salle à manger..ou plutôt à » travailler » je reconnais ce que j y ai découvert avec beaucoup de plaisir….
Donne moi l opportunité de découvrir le deuxième volume prochainement
Magnifique chronique! Un agréable plongeon rafraichissant dans un univers fascinant et imbibé de vécu(s). Bravo!