Hermann met la touche finale à ce diptyque dont il rêvait depuis longtemps : un « peplum » violent, laissant à nu les horreurs humaines en tout temps, en tout lieu…
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Hermann n’a jamais fait dans la demi-mesure. C’est une des raisons qui font qu’il est, sans aucun doute possible, un des auteurs réalistes les plus importants du neuvième art. Par le nombre d’albums, sans doute, par sa propre évolution tant au niveau graphique qu’à celui du scénario, aussi, par son talent exceptionnel, tout simplement… Hermann est un raconteur d’histoires dans lesquelles, toujours, même lorsque le texte n’est pas (entièrement) de lui, il nous livre, désabusé, l’image qu’il a de notre monde…
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Hermann n’est pas un donneur de leçon. Il n’est pas non plus manichéen et même son Bernard Prince n’avait rien de lisse. Hermann est, à sa manière, le témoin d’un monde qu’il regarde avec, souvent, une sorte de dégoût, son monde, le nôtre. Et si ses albums (Jeremiah, Bois-Maury, etc.) se baladent et nous promènent de l’après-demain à des passés variés, c’est pour se dire et nous dire que les choses ne changent jamais vraiment, que la seule constante de l’existence, c’est l’horreur…
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C’est encore le cas avec Brigantus… Nous nous retrouvons en Ecosse, dans les années 80 après Jésus-Christ. Très précisément en territoire Picte. Dans une colonne de légionnaires en route vers un camp retranché, il y a un homme étrange… Démesuré… Brigantus… D’une puissance extraordinaire, mais que ses collègues militaires romains bon teint exècrent…
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Dans ce second album, on le retrouve prisonnier des Pictes… On le retrouve affaibli… On le retrouve prostré, comme perdu, comme absent à lui-même, et cela se voit, se sent, jusque dans la démesure du dessin. Mais, comme tout humain, il va tout faire pour vivre encore, même sans exister, en usant de ce que la nature lui a offert : sa force… Sa détermination… Sa haine…
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Parce que cette histoire, au-delà de celle d’un légionnaire romain aux origines incertaines, c’est d’abord le portrait d’un homme, avec toutes ses démesures… Avec ses émotions, ses sensations, ses trahisons… Et, ce faisant, Hermann parle moins d’une époque historique précise que d’une plongée dans les sentiments humains les plus effroyables. Des sentiments qui ne disparaissent jamais… Et il mêle à cette plongée ses propres réflexions, sans jugement, sur l’amitié, la trahison, l’identité. On ne parle pas de droit du sol, mais de territoires… De guerre… De toutes les guerres, finalement ! Et il le fait autant en peintre qu’en dessinateur, avec des bleus éclatants et des brumes profondes…
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Que recherche Brigantus ? A rejoindre les oiseaux et leurs cris qui planent dans ses souvenances ?… A découvrir enfin qui il est, véritablement ? A s’enfouir, ou s’enfuir, aux noirceurs du néant d’une mer immortelle ?… Tout cela le définit… Tout comme le définit le seul besoin qu’il ose exprimer : celui de se sentir bien et de voir la lumière…
Jacques et Josiane Schraûwen
Brigantus : 2. Le Picte (dessin : Hermann – scénario : Yves H. – éditeur : Le Lombard – janvier 2025 – 56 pages)