L’Edition BD : petit coup de gueule !

J’ai eu, hier, une petite discussion sympa avec un éditeur… Et l’envie m’est venue de vous parler un peu de la manière dont je vois la bd aujourd’hui, une bd qui, sachez-le, soyez-en certains, me passionne toujours autant !

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L’édition bd a de moins en moins de succès, économiquement parlant, me dit-on. On peut en imputer la faute à bien des choses, le succès du manga, par exemple. Cette bd venue du Japon et qui se construit à partir de codes très précis : des dessins qui se ressemblent tous un peu (beaucoup), des histoires qui s’adressent frontalement aux sensations et sentiments des jeunes lecteurs : romance, romantisme, action, un peu d’horreur, de fantastique, d’érotisme gentil, des personnages récurrents, des albums vite lus, une psychologie élémentaire, les mouvements et leurs caricatures prenant le pas sur les dialogues. Et, dans ce fouillis de non-créations, il y a quand même toujours des vraies pépites également !

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En même temps, les éditeurs franco-belges ne se posent pas la question de savoir ce que leurs lecteurs aiment naturellement, et donc ce qui est « vendable »… Les éditeurs « savent » ce que leurs acheteurs « doivent » aimer ! D’où toutes ces séries qui finissent par toutes se ressembler, et dont les scénarios, à force de vouloir étonner, tournent en rond… D’où le nombre incalculable de « romans graphiques » devant lesquels Eisner doit se retourner dans sa tombe, des bds volumineuses, qui se prennent très très très au sérieux, des dessins qui semblent être faits sur le coin d’une table après une bonne biture… Attention, je ne généralise pas, et dans le tas, il y a des vraies pépites, des vraies « œuvres » qui ne dépendent pas de la mode… Et j’en parle, souvent, dans mes chroniques… Et j’en parlerai toujours…

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Sans vouloir dire qu’il faudrait revenir aux bases de la bd, je pense quand même qu’il faudrait ne pas renier ce qu’est la bande dessinée : un média facile d’accès, un média à la fois littéraire et graphique, un média qui doit être lisible, un média qui ne tient pas compte des modes toujours passagères ni des idéologies quelles qu’elles soient, un média qui ne peut exister qu’avec de véritables créateurs, tant pour le dessin que pour le scénario, un média qui se doit d’être « ouvert », et donc varié, un média qui est celui d’un plaisir immédiat, un média qui doit tout aux libraires.

Et cela, ce n’est plus du tout le cas. Regardez les tables de la plupart de libraires spécialisés en neuvième art… Bien sûr, il y aura toujours des Largo machinchose de plus en plus formatés, ben sûr il y aura toujours des histoires de cul, de violence et de fric orchestrées par Van Hamme et consorts, bien sûr il y aura toujours des « artistes » qui se prennent pour les gourous de la bande dessinée. Bien sûr, il y aura toujours des livres sérieux… Mais, s’il vous plaît, mesdames et messieurs de l’édition, n’en faites pas, n’en faites plus le fil conducteur de votre travail qui est de plus en plus mercantile et de moins en moins artistique ! Que Sfar existe, d’accord… Mais Hermann aussi… Et Servais… Qu’on parle en bd de féminisme, c’est naturel et souhaitable, mais qu’on laisse des gens comme Catel, Kamari ou Schmitt le faire, elles qui sont de vraies artistes… C’est dans la variété, dans le respect des lecteurs auxquels rien n’est à imposer, que pourra se détruire cette routine qui est vôtre, depuis quelques petites années… Cette indifférence qui, vous le remarquez d’ailleurs, vous fait perdre ce qui semble vous tenir le plus à cœur : de l’argent…

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Je parle de variété… Simplement parce que, à partir du moment où le monde culturel manufacture son boulot, il participe à une entreprise de vidange intellectuelle de la société…

Je parle de respect, aussi… Celui qui est dû aux auteurs, évidemment… Celui qui est dû aux lecteurs, bien entendu… Celui qui est dû aux libraires, aussi ! Quand mon amie Eliane a été enterrée, je ne pense pas avoir croisé quelque représentant de l’édition bd que ce soit !

Cela dit, ce respect passe aussi par les « critiques » et « chroniqueurs » qui, tellement souvent, se contentent, en quelque lignes, de réécrire le dossier de presse ou, pire encore, la quatrième de couverture… Et voilà pourquoi je me permets aujourd’hui de me laisser aller à un coup de gueule qui, ma foi, me fait beaucoup de bien!

Jacques et Josiane Schraûwen

3 réflexions sur “ L’Edition BD : petit coup de gueule ! ”

  • 25 septembre 2025 à 12 h 55 min
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    Bravo !

  • 25 septembre 2025 à 12 h 56 min
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    L’autre problème, c’est que la BD, c’est cher.
    Si autrefois, on trouvait tout ce qu’on voulait en kiosque, avec une qualité inégale, certes, la BD était accessible et bon marché.
    Aujourd’hui, l’album est le vecteur principal, on ne le trouve qu’en librairie (ou -sigh- sur Amazon et cie) et le lectorat et son pouvoir d’achat se sont réduits.
    Le manga maintenait encore la tradition du périodique bon marché (sur un support trop cher par rapport à son coût de fabrication) mais lui aussi devient un produit de luxe.
    Et qui vit de la BD, aujourd’hui ? Pas la majorité des auteurs, pas la majorité des éditeurs et pas la majorité des libraires.
    Je m’inquiète quand à la pérennité du média.

  • 25 septembre 2025 à 15 h 24 min
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    Bonjour Jacques
    Un coup de gueule….comme vous les aimez et comme nous les aimons aussi….juste à la veille de cette fête de la bd….une pure coïncidence….
    Un coup de pied dans la fourmilière…
    Les effets en seront visibles..très vite
    .Bon week-end parmi les auteurs dessinateurs et leurs ouvrages…

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