Philippe Soulas : un dessinateur de presse « engagé » et merveilleusement libre !

Philippe Soulas : un dessinateur de presse « engagé » et merveilleusement libre !

Ce dix décembre, Philippe Soulas est mort… Il fait partie pour moi d’une race de dessinateurs politiquement provocateurs, d’artistes dont le trait allait toujours à l’essentiel, d’auteurs aux colères faisant du bien !

copyright soulas

Le dessin de presse a ceci d’extrêmement intéressant, important, qu’il permet en un dessin de s’enfouir dans une réalité avec, en supplément, une analyse éditoriale qui ne souffre d’aucune dépendance. Certes, selon le média concerné, l’approche de la réalité politique et sociale est plus ou moins frontale. Avec Soulas, elle fut pratiquement toujours directe et immédiate !

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Très discret, Soulas est cependant un auteur extrêmement prolifique, ayant « travaillé » dans Hara Kiri (et y étant, comme ses collègues, merveilleusement bête et méchant…), dans Libération, dans Marianne, organes de presse dans lesquels il pouvait, librement, exprimer son sens de l’anarchie, de la liberté. Oui, Philippe Soulas fut, finalement, plus libertaire qu’anar…

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Raconter un fait en un seul dessin, et le faire en prenant position, envers et contre tout, tel est le rôle des dessinateurs de presse, c’est évident… Et quand ils ne sont pas tristement timorés, ces artistes occupent une place essentielle dans le paysage audio-visuel. Philippe Soulas n’a jamais été timoré, et les nombreux livres qu’il a à son actif, souvent collectifs avec des dessinateurs très différents de lui, graphiquement et politiquement parlant, tous ces albums, ces centaines et ces centaines de dessins le prouvent avec une évidence souvent jouissive !

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Mon adolescence se construisit grâce à bien des influences… La bande dessinée, bien entendu, avec Tardi, libertaire lui aussi… Mais, en parallèle, il y eut les dessins d’humour, également, d’Avoine à Sempé, de Fred à Serre, de Soulas à Bosc… Sans leur humour, grinçant, parfois tellement loin de mes propres sentiments, je pense que je n’aurais pas vécu les lucidités qui ont été miennes et qui continuent à l’être. Que Soulas en soit ici remercié, tout simplement !

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Jacques et Josiane Schraûwen

A La Vie A La Mort – chronique express

A La Vie A La Mort – chronique express

Un livre sérieux, très sérieux, destiné plus aux parents qu’aux enfants, sans doute, même s’il est annoncé comme accessible dès neuf ans. Un livre utile…

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La mort est partie intégrante de l’existence, de toute existence. Elle est probablement même la seule certitude que nous pouvons avoir de ce qu’est la vie, notre vie. Je l’ai déjà dit souvent, l’expression « faire son deuil » me flanque des boutons à l’intelligence. On ne fait pas son deuil, on est en deuil, on le vit, chacun à sa manière, depuis l’aube des temps. La mort que l’on croise est un passage, le deuil est une réalité que chacun subit et assume, et je pense que les aides « psychologiques » tellement à la mode ne servent le plus souvent qu’à donner bonne conscience aux vivants observateurs du deuil des autres…

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Cela dit, et pour l’avoir vécu, comme vous toutes et tous, probablement, au moment de la mort de quelqu’un de proche, le besoin vient, au moins, de parler… D’avoir des regards à croiser, tout en faisant du souvenir une route de survie. Cela dit, aussi, dans notre société de plus en plus formatée, la sympathie, l’empathie ne sont devenus que des mots presque électoraux, et le désarroi est bien présent lorsqu’on assiste aux larmes qu’un décès provoque…

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Et ce désarroi est encore plus grand face au chagrin d’un enfant, face aux questions que cet enfant peut poser. Adultes, nous voilà alors dans l’obligation, éducative ai-je envie de dire, de répondre à ces questions, d’aider l’enfant en face de nous à apprivoiser en quelque sorte la mort toujours horrible, presque toujours inacceptable. Et dans ce livre-ci, un livre de Marine Nina Denis au texte et de Mikankey au dessin, ce sont des pistes de dialogue qui s’ouvrent. Une façon, en quelque sorte, d’offrir des outils aux parents qui, emplis de chagrin eux aussi, se doivent d’être « présents »…

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Oui, c’est un livre qui, à sa manière, peut aider à ce que naisse un vrai dialogue entre adultes et enfants autour de ce sujet universel qu’est la mort. C’est psy, certes, mais ce n’est pas mal fait du tout… Et, même si je continue à penser que chaque être humain devrait être capable de retrouver au fond de lui les ressources nécessaires à vivre, et à aider, à vivre, ce livre peut se révéler utile… Grâce aussi au dossier de fin d’album, qui concrétise différentes possibilités d’approche moins psys parfois, comme des bd à lire, comme des films à regarder… Et je tiens à souligner, aussi, la qualité du dessin de Mikankey qui permet d’aérer le propos et de montrer que le vie peut et doit rester souriante…

Jacques et Josiane Schraûwen

A La Vie A La Mort (texte : Marine Nina Denis – dessin : Mikankey – éditeur : Casterman – octobre 2025 – 64 pages)

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Invisibles – Chronique express

Les héros ne cacheraient-ils pas quelques héroïnes essentielles ? 

Voici un livre qui nous plonge dans les mythes et légendes grecques. Un univers dont la mémoire populaire retient les grands dieux, les grands héros !

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Mais Agamemnon comme Ulysse, Achille comme Narcisse, ces personnages auraient-il existé sans que des femmes interviennent avec une importance égale à la leur ? C’est ce que ce livre permet de comprendre et découvrir… Un livre-objet qui, grâce à un filtre rouge que l’on peut poser sur chaque page, montre à des lecteurs d’une dizaine d’années au moins les femmes « importantes » qui se cachent derrière les héros peut-être trop connus.

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On se trouve, en quelque sorte, en face d’un livre expérimental… Une œuvre réalisée par Ane Arzelus, queer et illustrateur-illustratrice. Un album qui, sans aucun doute, se révèle être d’une forme frontale de féminisme, loin de ce que fut ce mouvement jusqu’il y a peu, une forme de réécriture de l’histoire culturelle et donc patrimoniale qui est nôtre. On peut ne pas souscrire pleinement à cette démarche, c’est évident, et ce livre féministe, engagé, dont le but est de changer notre regard sur la mythologie, peut déranger ! Surtout, à mon humble avis, par la manière dont il oublie de remettre la mythologie dans sa perspective historique pour mieux la mettre dans une perspective uniquement féministe. Cela dit, et en toute objectivité, je pense que cet album est aussi très agréablement ludique, et je pense aussi qu’on ne peut, lecteurs que s’enrichir en s’intéressant à des opinions qui ne sont pas uniquement les nôtres.

Jacques et Josiane Schraûwen

Invisibles (auteur/autrice : Ane Arzelus – éditeur : Casterman – octobre 2025 – 32 pages)