Les Tuniques Bleues : 69. Lincoln Dans La Ligne De Mire

Les Tuniques Bleues : 69. Lincoln Dans La Ligne De Mire

Depuis 1972, cette série fait partie de la belle et grande histoire de la bande dessinée populaire. Ne boudons pas notre plaisir à la retrouver, encore et encore !

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Une série mythique… Une de ces séries dont on achète, presque automatiquement, le dernier album paru… Parce qu’on sait que, même si le temps passe et repasse aux horizons de nos lectures, on y trouvera toujours de quoi sourire, de quoi retrouver l’âge qu’on avait lors des premiers volumes lus… Et c’est bien le cas, je pense, j’en suis même convaincu, avec cette guerre de sécession vécue par un duo improbable : un militaire rigide et un autre militaire qui ne rêve que de désertion !

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Dans ce tome-ci, ces deux anti-héros par excellence, Blucth et Chesterfield, se retrouvent embarqués dans une mission d’infiltration au sein d’un groupe de sudistes désireux d’assassiner Lincoln. Le scénario de Fred Neidhardt est solide, il laisse peu de place aux temps morts, il aime l’action, tout en y ajoutant une pincée de romance… Le plaisir de la lecture est au rendez-vous, pour un album fidèle aux thématiques de la série, pour une histoire bien construite, entraînante.

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Le dessin de Lambil continue à me plaire… Certes, les années passant, son trait se simplifie, mais il reste toujours empreint de bien des mouvements, d’un plaisir à dessiner les paysages, tant en forêt qu’en ville… D’aucuns se permettent de critiquer son talent, pourquoi pas ! Cela me fait penser à ces critiques littéraires dont parlait Léautaud et qui n’étaient méchants, donc mauvais, que par jalousie… Des critiques qui n’étaient (et ne sont…) finalement, que des auteurs ratés… C’est pour cela que, personnellement, je fais des chroniques, pas des critiques… Et j’aurai toujours à cœur de parler de livres et d’auteurs que j’aime vraiment… Même si, exceptionnellement, je me laisse aller, parfois, à parler de ce que je n’aime pas, de ce que je ne supporte pas !… De l’uniformité naît l’ennui, disait je ne sais plus qui, de la variété naît le plaisir, et du plaisir naît l’intelligence… et le respect de ses propres mémoires!

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Certes, il y a dans cette série un manque cruel, c’est évident… Raoul Cauvin avait ce talent extraordinaire de pouvoir faire de l’humour avec n’importe quel sujet, d’être ainsi, avec les Tuniques Bleues, profondément antimilitariste, il pouvait ajouter à ses dialogues des jeux de mots parfois bien cachés, ou les émailler de références souriantes à des réalités contemporaines entre autres. Oui, Cauvin manque, c’est vrai… On le sent aussi dans le dessin de Lambil… Il continue encore, de ci de là, à sacrifier à son plaisir de dessiner un hibou sur une branche, un pic ou des champignons sur un tronc. Mais on ne ressent plus tout à fait le plaisir qui était le sien, et il me l’avait dit, à profiter des temps morts des scénarios de Cauvin pour « s’amuser »… Et, ce faisant, amuser ses lecteurs… Cela dit, Neidhardt fait du très bon travail, mais je pense que personne ne pourra jamais avoir l’humour décalé que Cauvin avait… Il en va de même pour Goscinny… Mais là où Astérix a perdu, avec ses scénaristes successifs, sa personnalité même, ce n’est pas le cas avec Les Tuniques Bleues et Neidhardt!

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Un bon album, donc, qui rejoint dans ma bibliothèque les 68 précédents. Je le disais en entrée de cette chronique : ne boudons pas notre plaisir… Il est, dans le cas présent, celui de retrouver des personnages toujours autant attachants, il est celui de savourer des dessins qui continuent à être d’une belle efficacité !… Il s’agit d’aimer la bande dessinée populaire dans ce qu’elle a de meilleur!

Jacques et Josiane Schraûwen

Les Tuniques Bleues : 69. Lincoln Dans La Ligne De Mire (dessin : Willy Lambil – scénario : Fred Neidhardt – couleurs : Leonardo – éditeur : Dupuis – octobre 2025 – 46 pages)

Martine En Belgique

Martine En Belgique

Le dessin de Marcel Marlier est indémodable, et survit à toutes les modes par sa lumière, sa gentillesse, sa forme tranquille de pureté…

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J’ai à cœur, dans mes chroniques, de ne pas être stupidement « sectaire ». De parler de tous les genres qui appartiennent à la bande dessinée, certes, mais aussi à la « littérature jeunesse », à la littérature tout simplement aussi. Et aujourd’hui, ce n’est donc pas d’une bande dessinée que je vais vous parler, mais d’un livre pour jeune public.

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Martine, c’est une série presque sociologique qui existe depuis plus de 70 ans et qui, grâce au dessin superbe de Marcel Marlier, résiste aux modes et aux ravages du temps. Et aujourd’hui, avec des dessins glanés ici et là dans des albums précédents, et mêlés à des photos, Martine se balade en Belgique, tout simplement.

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Sous la plume légère de Rosalind Elland-Goldsmith, amoureuse et spécialiste, on peut le dire de l’œuvre de Marlier, Martine nous fait donc découvrir, en compagnie de Patapouf son chien, Tournai, bien sûr, ville de son créateur, mais aussi Ostende, Namur comme Gand, Anvers comme Liège et Bruxelles. Avec gentillesse et sourire, ce qui, de nos jours, devient tellement rare! Surtout sous la pluie…

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C’est un petit livre sympa comme tout, pas compliqué, amoureux de la Belgique, et qui devrait donner aux enfants, et/ou à leurs parents, l’envie de redécouvrir le patrimoine belge. Un livre agréable et utile, donc ! Une Martine, d’ailleurs, qui appartient totalement au patrimoine de notre « pays petit »…

Jacques et Josiane Schraûwen

Martine en Belgique (dessin : Marcel Marlier – texte : Rosalind Elland-Goldsmith – éditeur : Casterman)

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Au Chant Des Grenouilles : 1. Urania, La Sorcière

Une série dans laquelle chaque album est dessiné par un artiste différent… Un monde imaginaire dont je vous invite à découvrir l’initiale, dans un premier tome lumineux… Un premier tome paru dans deux colorisations différentes.

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Une lapine sorcière… Un conte qu’elle raconte à un public jeune et anthropomorphique et dans lequel la peur est omniprésente… Une porte à ne jamais ouvrir, parce qu’elle donne sur un monde aux secrets indicibles… Et un concours de cuisine !

Aux commandes graphiques de ce premier volume, Florent Sacré, venant du monde des jeux vidéo :

La première évidence de ce livre, c’est que le monde dans lequel cette aventure nous entraîne semble fait pour un public jeune, et les personnages comme les décors, fouillés, se baladent du côté de Disney, de Hausman…

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Mais la deuxième évidence, à la lecture de ce tome, c’est que cet univers s’adresse aussi à un public adulte, un public qui sait que, dans les contes de l’enfance, la peur est un élément moteur de l’aventure et de l’apprentissage. Et cet univers, Florent Sacré le crée avec un plaisir évident:

Le scénario de Barbara Canepa et Anaïs Halard mélange, ainsi, le merveilleux et le fantastique, pour un récit qui, au-delà des codes des histoires que l’on raconte depuis toujours aux enfants, nous parle d’amitié, dans une aventure qui devient une quête, moins identitaire que s’ouvrant sur le monde.

Mais ces codes propres aux grands conteurs des siècles derniers sont bien présents. Et l’histoire qui nous est contée est comme un petit combat quotidien et tranquille d’enfants contre la peur que le monde leur impose, contre la méchanceté toujours prête à détruire toutes les amitiés…

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Et cette alchimie existe, incontestablement, grâce également au dessin, dans ce premier volume, de Florent Sacré qui parvient à créer une ambiance, un monde, une géographie :

Je le disais, en début de cette chronique, ce premier volume est sorti de presse de deux manières différentes… De deux prix différents aussi… Personnellement, je préfère l’édition en sépia… Et le superbe cahier graphique qui, en fin d’album, nous fait entrer dans les coulisses de ce livre, de cette aventure éditoriale et artistique aussi…

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Je pense, en effet, que le talent du dessinateur, ancré à la fois sur des décors imaginaires étonnants, improbables, et des éclairages extrêmement variés, je pense que ce talent de travail sur la lumière prend tout son sens avec ces teintes qui ne cherchent aucun effet et accompagnent les mots comme le dessin à la perfection. Florent Sacré:

Au niveau du scénario, et plus loin que la simple anecdote d’un concours de cuisine, les autrices s’amusent à multiplier les angles de vue, ai-je envie de dire, à dépasser le canevas classique d’une aventure animalière, en parlant par exemple de cette fameuse porte à ne pas ouvrir, et qui est sans doute celle des souvenirs… Des bons, oui, mais des mauvais aussi, peut-être, capables d’empêcher de vivre. Et, dans ce scénario, il y a cette volonté, écrite, d’arrêter de parler comme des grands !

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Ce qui, dès l’abord, est évident également dans ce livre, donc dans cette série, c’est l’importance capitale de la Nature. Avec, par exemple, des planches pratiquement didactiques, dues à un complice de plus, Giovanni Rigano. Des planches pratiquement encyclopédiques consacrées à des recettes de grand-mère, à découvrir, en fait, les mille possibles de la nature qui nous entoure sans jamais nous enfermer. Et là aussi, le dessin est essentiel. Florent Sacré:

Et c’est aussi avec ce mélange de gentille didactique et de récit passionnant, presque adolescent, que ce chant des grenouilles s’adresse à des adultes qui n’ont pas effacé les émerveillements de leurs enfances enfuies…

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Oui, ce livre nous raconte le début d’une histoire dont on devine qu’elle va s’animer dans mille et une directions… Et, finalement, le personnage central, oui, c’est cette nature, mais sans idéologie politiquement écologique ! Les auteurs nous ouvrent les yeux, simplement, en nous faisant sourire de tout le visage… Parce que cette nature est celle d’un fantastique, je le disais, influencé, lui, par des ambiances chères à Poe ou à Ray, par exemple. Parce que cette nature est aussi, culturellement parlant, sans cesse symbolique, dans le récit comme, finalement, dans la vie de tout un chacun !

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J’aurais pu vous parler des quelques albums déjà parus… Mais j’ai eu le plaisir, dans la librairie « Profil BD » de Ath, de rencontrer Florent Sacré, de l’interviewer… Et, en définitive, ce sont ses mots à lui qui ont rythmé cette chronique…

Jacques et Josiane Schraûwen

Au Chant Des Grenouilles : 1. Urania, La Sorcière (dessin : Florent Sacré et Giovanni Rigano – scénario : Barbara Canepa et Anaïs Halard – éditeur : Oxymore – 56 pages)