Il avait 85 ans… Sans être une figure de proue du neuvième art, cet illustrateur et bédéiste argentin a eu une carrière « populaire » réussie, de qualité, dans un univers réaliste, de polars souvent, extrêmement animés.

L’Amérique Latine a offert, en littérature comme en bande dessinée, bien des auteurs au monde de la culture… Des écrivains et des dessinateurs empreints d’une ambiance qui, toujours, avec poésie, avec violence aussi, avec révolte parfois, avec un sens aigu du mystère et du fantastique quotidien également, racontent le monde avec une évidente originalité. Fahrer, certes, n’a pas eu l’aura que bien des auteurs de bd de ce continent lointain ont eue ! Mais son œuvre reste qualitativement importante, dans une optique d’abord et avant tout populaire…

Aux côtés de Breccia, de Munoz, de Ceppi, entre autres, sa présence ne dénote nullement, même si son graphisme se rapproche plus, finalement, de la bd franco-belge que de la bande dessinée argentine.
Fahrer a commencé sa carrière à la fin des années 50, sans son pays natal, l’Argentine, d’abord comme illustrateur, ensuite, très vite comme auteur de bd. Grand voyageur, curieux de la vie comme du monde, il devient l’ami d’Hugo Pratt. Et c’est avec lui que, dans les années 60, il quitte le nouveau continent pour la vieille Europe, pour l’Italie, pour la France aussi.

On y trouve ses histoires de jour en jour dans des journaux comme « L’Aurore » ou « France Soir ». Du travail rapide, qui va former son trait, lui offrir à la fois la souplesse et le mouvement qui le rendent reconnaissable très vite et qui devient partie prenante d’une intrigue qui se doit d’être linéaire et directe. Il fut, ainsi, par exemple, le dessinateur de « OSS 117 »… Et de bien d’autres « séries » que les lecteurs de la presse quotidienne aimaient lire entre deux articles sérieux…

Remarqué par Greg, il entre au journal de Tintin, dans lequel ils créent ensemble le personnage de Cobalt. Avec Claude Moliterni, autre grand scénariste des années « populaires » de la bande dessinée, il crée Harry Chase… Des héros à la frontière de la « faille », toujours, des héros désabusés, toujours, des héros aux faiblesses évidentes, aussi, entourés, évidemment, par d’accortes jeunes femmes inspirées par les vamps du cinéma noir américain.
Mais Fahrer, voyageur infatigable, se baladant d’Europe en Argentine, de Brésil en Etats Unis, multiplie les aventures graphiques, avec le superbe « Gato Montès » entre autres. Il a travaillé pour Glénat, pour Soleil, pour Dargaud, pour Casterman (avec « Mon nom n’est pas Wilson »). Il a sans cesse passé son temps, semble-t-il, à s’amuser à vivre…

Walther Fahrer semble, quand on regarde son œuvre, aimer rester dans l’ombre… Il aime les histoires sans trop de fioritures, avec des personnages bien « marqués » sans être pour autant caricaturaux. Il aime, sans aucun doute possible, des récits qu’on peut lire rapidement, qu’on peut aussi redécouvrir plus calmement, et y trouver, comme dans toute œuvre de qualité, des références nombreuses au monde qui est nôtre. Au vu de son existence, je pense que Fahrer fut surtout un homme de plaisir : plaisir de voyager, de découvrir, de vivre, de cultiver l’amitié, de partager ses images toutes pleines d’impressions et d’expressions qui en rythment les récits…
Fahrer, c’est un de ces artisans de la bande dessinée sans lesquels ce média ne serait jamais devenu un art, le neuvième !
Jacques et Josiane Schraûwen