Un homme que j’ai rencontré quelques fois… Un homme passionnant, passionné…
Il y a des jours où on n’a pas vraiment envie d’écrire, de parler… Il y a des jours où la vie se montre telle qu’elle est, chemin conduisant à l’inéluctable du départ… Il y a des jours où la mémoire se fait cruelle aux miroirs d’un présent qui éveille, une fois de plus, des souvenances de larmes souriantes…
André Juillard s’en est allé dans des territoires du souvenir que ses livres emplissent de son talent, de sa générosité, de sa gentillesse.
Il avait 76 ans, 76 printemps… que lui soit douce la route vers l’ailleurs… Je n’en dirai pas plus… Mais pour le retrouver, suivez simplement les liens qui mènent à des chroniques que je lui ai consacrées… Carnets secrets… Double 7, avec une interview de Juillard… Le testament de William S., avec, également, du son d’André Juillard…
Les éditions « petit à petit » aiment faire de la bande dessinée un outil d’approche simple de la grande Histoire, sous toutes ses formes.
Artips, de son côté, occupe une place de choix sur internet, y racontant l’art par le petit bout de la lorgnette, mais toujours avec un souci de vérité historique. Il était donc naturel que ces deux médias voient leurs routes se croiser, dans un partenariat qui a donné vie à cet album, consacré à l’Art… Un album dont on peut qualifier le but, incontestablement, de « vulgarisation artistique » !
De quoi s’agit-il, en fait ?…
Tout calmement, et avec simplicité et humour, d’aborder des moments importants de l’Histoire de la création artistique au travers de petits récits sans prétention racontant des petites histoires souriantes mettant en scène quelques-uns des noms les plus importants de l’Histoire de l’art.
Quinze créateurs se retrouvent donc dans les pages de ce livre. De Vinci à Géricault, d’Ingres à Monet, du Facteur Cheval à Klein, de Vermeer à Warhol, du quinzième au vingtième siècle, cet album nous invite à découvrir quelques anecdotes étonnantes parfois, routinières d’autres fois, qui ont conduit ces artistes à créer une de leurs œuvres.
Je le disais, tout cela se fait sans prétention aucune… Il ne s’agit pas d’un pensum, mais d’une quinzaine d’historiettes de trois pages qui nous prouvent que le hasard préside très souvent à des moments essentiels de l’évolution de l’humanité, donc de l’art. Le hasard, parfois créé de toutes pièces par un peintre comme Klein, par exemple, ou Dali…
Un hasard mêlé aussi de technologie, comme chez Warhol ou Vermeer… Un hasard qui a permis des rencontres d’amitié et de talent, porteuses de réflexion, donc d’évolution des techniques artistiques. Avec Cézanne et Zola, ou Eiffel et Maupassant…
Quinze artistes, quinze anecdotes, quinze petits dossiers également, qui replacent chaque œuvre abordée dans son époque, sans grand discours didactique, mais avec une véritable clarté. Un seul scénariste, aussi, mais plusieurs dessinateurs. Que je ne connais pas tous, ce qui rend encore plus agréable la lecture de ce livre, puisqu’elle permet aussi la découverte de talents graphiques actuels. Je tiens quand même à souligner les « épisodes » de Vincent Duteuil, d’Alain Paillou, de Nathalie Bodin, Joël Alessandra ou Thierry Chavant et Coralie Nagel, qui me paraissent sortir du lot, comme on dit…
Un livre agréable, donc, sans prétention (je me répète…), mais bien fait, instructif sans être pédant, nous baladant ici sur le radeau de la Méduse, là dans un Palais Idéal, ailleurs sur la tour Eiffel et devant la cathédrale de Rouen.
Une « vulgarisation » agréable, aussi et surtout peut-être, à lire et à regarder !
Jacques et Josiane Schraûwen
Artips – Histoire(s) de l’Art en BD (scénario : Céka – dessin : divers dessinateurs – éditeur : petit à petit – 96 pages – mai 2024)
Les commémorations des 80 ans du débarquement en Normandie sont terminées, on a eu droit à super-Macron, au « Jour le plus long » sur nos petits écrans… On peut donc se plonger dans une bd, aussi, excellente… Meilleure que tous les discours officiels et les remises de médailles!
Le 6 juin 1944, commençait le début de la fin de la guerre 40-45. Et les éditions Casterman ont eu l’excellente idée de rééditer, en intégrale, deux albums de la série Airborne 44, un cycle complet parlant entre autres de ce débarquement sur les plages de Normandie, de ce fameux d-day.
En partie seulement, parce que l’auteur, Philippe Jarbinet, ne se contente pas de nous parler de guerre. Il nous parle aussi d’êtres humains perdus dans l’horreur universelle, mais désireux de faire plus que survivre. Dans ce cycle-ci, tout commence en 1938. Gavin, jeune franco-américain, tombe amoureux de Joanne, jeune française. La guerre approche, Gavin s’en retourne aux Etats-Unis, et il revient en France, en Normandie, le six juin 1944… Pour se battre, certes, mais aussi pour retrouver cette femme qu’il aime et dont il n’a plus de nouvelles. C’est donc, essentiellement, une bd qui nous montre à voir des personnages réels, de chair et de sang, d’amour et de peur… Avec une manière pudique de nous montrer ces horreurs, ces violences extrêmes… Parce que, je me répète, ce qui intéresse vraiment Philippe Jarbinet, c’est la vie… Dans ce qu’elle peut avoir, aussi, de plus beau…
Cela dit, une grande partie de cet album est, bien évidemment, consacrée au jour le plus long ! Dans la bd elle-même, dans le dessin, dans la narration… Mais aussi au long d’un superbe dossier dans lequel Philippe Jarbinet nous parle de son travail, nous parle de son approche très humaine d’un conflit qui a changé la face du monde.
On entend parfois des réflexions du genre : « pourquoi parler encore de cette guerre tant et tant de fois racontée, dessinée, analysée ? »
Loin de toute idée de nationalisme, loin, encore plus, de toute apologie d’une sorte d’héroïsme guerrier qui n’a sans doute jamais véritablement existé, parler de la guerre 40-45, c’est parler de l’humain, je l’ai dit, mais celui d’hier comme celui d’aujourd’hui.
Et j’ai envie d’épingler un texte, tout à la fin de cet album, dit par Joanne, des années plus tard, alors que les Etats-Unis se désengagent de la guerre du Vietnam : « De toute façon, si on ne fait pas celle-ci, on en fera une autre. Je n’aime pas le monde qu’on fabrique pour nos enfants. Sombre, moi ? Non… réaliste ! »
Et c’est par réalisme aussi, un réalisme très contemporain, très axé sur notre actualité, que Philippe Jarbinet construit sa série Airborne…
Airborne, c’est une série militaria, comme on dit. Et les passionnés, les amateurs éclairés apprécient le travail extrêmement fouillé de Jarbinet au sujet de tout l’environnement des histoires qu’il nous raconte : lieux, matériel, uniformes…
Mais au-delà de ces « fans », cette série, et singulièrement ce d-day, est bien construite, philosophiquement et passionnément, et se doit de plaire, assurément, à tous les lecteurs soucieux d’humanisme et de mémoire essentielle à la survie de l’intelligence…
Jacques et Josiane Schraûwen
Airborne 44 – d-day (auteur : Philippe Jarbinet – éditeur : Casterman – mai 2024 – 128 pages)