Alix Origines – L’enfance d’un Gaulois

Alix Origines – L’enfance d’un Gaulois

Revoici le héros mythique créé par Jacques Martin… Mais il a dix ans… Et le dessin comme le scénario font de cette aventure éditoriale une étonnante et excellente « nouvelle » bande dessinée !

Alix Origines © Casterman

C’est en 1948 qu’est né, dans les pages du magazine Tintin, Alix le Gaulois, héros pur et dur imaginé par Jacques Martin. Un héros qui, au fil des ans, va multiplier ses aventures, va également servir de support dans l’enseignement, celui de l’Histoire, mais celui du latin également, grâce à une traduction faite dans les années 80.

C’est un héros qui, d’ailleurs, continue toujours à vivre des aventures mouvementées sous la plume de plusieurs dessinateurs, « fidèles » au dessin originel.

Mais ici, on se trouve dans une tout autre approche. On retrouve Alix à l’âge de dix ans, en 58 avant Jésus-Christ. Il est le fils d’un chef de clan, Astorix, un chef qui, pour défendre les Gaulois de l’invasion des Helvètes poursuivis par Jules César, voudrait demander la protection des Romains. Ce qui ne plaît pas, loin s’en faut, à d’autres clans ! C’est donc dans une ambiance de presque guerre et de lutte de pouvoir(s) que le jeune Alix va entamer une éducation d’adulte.

Et ce gamin adorant ruer dans les brancards va ainsi être obligé de mûrir, très vite, et de découvrir que le monde n’est pas fait d’un seul bloc, de découvrir qu’au-delà des apparences, il y a des ailleurs, ceux du rêve, du fantastique et de l’onirisme, aussi importants que la seule réalité.

Voilà pourquoi, comme dans bien des Alix traditionnels d’ailleurs, le loup occupe ici aussi une place axiale…


Alix Origines © Casterman
Marc Bourgne: le scénario

Laurent Libessart : le fantastique

A mon avis, il n’y a dans cette neuve série, n’en déplaise aux puristes intransigeants, aucune trahison de l’œuvre de Jacques Martin.

Il y a déjà la série Alix Senator, qui nous montre un Alix vieillissant et père de famille, avec un dessin très actuel, très léché. Evidemment, dans cet enfouissement au plus profond de l’enfance d’Alix, le but est de renouveler le lectorat. Mais la démarche n’en demeure pas moins plus qu’intéressante ! Elle est, au vu des dernières découvertes archéologiques, de tenir compte de la réalité historique de cette époque, de remettre les choses en place, en quelque sorte, et de faire œuvre didactique, en nous montrant la façon dont les jeunes Gaulois étaient éduqués, la façon dont les tribus de la Gaule étaient habillées, aussi, et ce qu’était leur quotidien. Il y a eu, oui, un vrai travail de fidélité à la grande Histoire !


Alix Origines © Casterman

Marc Bourgne: historien

Cela dit, n’allez surtout pas croire que ce livre est pesant. Son but est de s’adresser à des lecteurs à partir de dix ans, et cet album se lit sans aucune difficulté. La raison en est à trouver, d’abord peut-être, dans le dessin, un graphisme qui s’éloigne énormément de celui de Jacques Martin, un graphisme qui n’a pas peur du mouvement, et qui est influencé, d’évidence, par le manga. Un graphisme séduisant, c’est incontestable. Tout comme l’est la présence de la couleur, qui joue avec le mouvement, avec les ombres, avec le rêve aussi. Une couleur qui, plus que créer des ambiances, permet à cet album d’être vraiment le reflet d’une époque, de ses mythes et de ses réalités.


Alix Origines © Casterman

Laurent Libessart : couleurs

Sans être un fan des reprises, des resucées, en bd comme en littérature ou en cinéma, je vous avoue que ce livre, oui, m’a séduit. Le dessin est moderne, la couleur est particulièrement réussie, le scénario est passionnant et didactique. C’est une vraie réussite, un album extrêmement bien construit, pour un public jeune et moins jeune, et qui se termine par un excellent cahier pédagogique !

Jacques Schraûwen

Alix Origines – L’enfance d’un Gaulois (dessin : Laurent Libessart – scénario : Marc Bourgne – couleurs : Florence Torta – cahier pédagogique : Franck Mathieu- éditeur : Casterman)


Alix Origines © Casterman
Ada & Rosie: mauvais esprit de famille

Ada & Rosie: mauvais esprit de famille

Une observation souriante mais réaliste de la vie de famille… Et tous les parents s’y reconnaîtront! Comme les adolescents, d’ailleurs…

Ada & Rosie © Casterman

79 pages… 79 « gags » qui mettent en scène une famille : la mère, le père, et leurs deux filles. Dont Ada, l’aînée, une adolescente dans toute sa splendeur.

Cela fait deux ans, en fait, que Dorothée de Monfreid publie ses dessins sur le site du journal Libération. Mais force est de reconnaître que l’impact de ses petites histoires est infiniment plus puissant sur papier, aujourd’hui !

Cette auteure connaît le monde de l’enfance, de la jeunesse, puisqu’elle a derrière elle une vraie carrière littéraire.

Mais ici, grâce au dessin, les situations qu’elle nous raconte se font à la fois succinctes et frontales et, de ce fait, nous touchent immédiatement. Elle nous emmène à sa suite dans un quotidien qui est certainement largement inspiré par le sien, et la description amusée et aimante qu’elle nous fait de cette fameuse Ada qui, sans cesse, s’ennuie, est d’une belle justesse de ton !


Ada & Rosie © Casterman

Dorothée de Monfreid: au cœur du quotidien

Dorothée de Monfreid: l’ennui

En fait, ce qui sous-tend chaque séquence de ce livre, c’est une vraie question existentielle : qu’est-ce que « l’esprit de famille » ? Qu’est qui peut caractériser la réussite d’une vie familiale, la réussite des relations enrichissantes entre parents et enfants ?

Cet album, d’ailleurs, n’élude pas tout ce qui fait partie intégrante de la vie d’aujourd’hui. On y parle, certes, des petites obsessions de chaque jour, mais aussi de mode, par exemple… A la sortie de l’école, on énumère, par exemple, toutes ses allergies, pour savoir qui en a le plus… On y parle de terrorisme, donc de peur… On y parle de « bio », aussi, de la possibilité de ne pas manger de viande. De connexion, aussi, par la multiplication des écrans de toutes sortes en face desquels adultes et surtout enfants semblent parfois se déliter… Et à ce titre, cet « Ada & Rosie » nous parle de la nécessité, pour qu’une enfance soit une enfance d’ouverture, de lui offrir des fenêtres culturelles variées. Et qui, elles, n’ont pas à dépendre des modes et de leurs diktats.


Ada & Rosie © Casterman


Dorothée de Monfreid: l’enfance et la culture

L’esprit de famille ?… Un mélange presque contre nature entre complicité et mauvais esprit, mauvaise foi…

C’est ainsi que ce livre passe des larmes au rire, des sourires aux angoisses. Rien n’est fortuit, finalement, dans cette observation amusée mais, tout compte fait, minutieuse que Dorothée de Monfreid partage avec nous de ses vécus… Des vécus qui ressemblent toujours aux nôtres.

L’esprit de famille, c’est peut-être aussi cela, d’ailleurs : la possibilité de regarder, mais avec amour, et de ne jamais oublier, adulte, l’enfant qu’on a été…

Parce que ce livre, même s’il nous laisse à voir, de l’intérieur, ce que sont les existences au jour le jour de tous les membres d’une même famille, n’est jamais mièvre. Et se révèle être un portrait d’enfance et d’adolescence plutôt que d’âge adulte.


Ada & Rosie © Casterman


Dorothée de Monfreid: tous publics, la part d’enfance

Dans la lignée de Sempé et de son « petit Nicolas », en parallèle des aventures de « Dad », par le ton, mais pas du tout par le graphisme ni par la construction, « Ada & Rosie » n’use d’aucun artifice narratif pour raconter le réel. Ce livre use d’humour, d’abord et avant tout, il use d’écriture, aussi… Une écriture qui prend vie au travers d’un dessin extrêmement souple, presque stylisé parfois, avec des à-plats de couleur sans inutiles fioritures, avec un plaisir à nous montrer des physionomies qui sont miroirs des sensations vécues par les différents personnages.

Des personnages dont les  » têtes de cochon  » sont un jeu de narration graphique, certes, mais certainement aussi une manière symbolique de définir les rapports humains de cette famille diablement attachante ! Une famille, oui, de têtes de mule…


Ada & Rosie © Casterman


Dorothée de Monfreid: l’écriture et le dessin

Jacques Schraûwen

Ada & Rosie: mauvais esprit de famille (auteure : Dorothée de Monfreid – éditeur : Casterman)

Agata: Tome 1 – Le Syndicat Du Crime

Agata: Tome 1 – Le Syndicat Du Crime

Olivier Berlion, interviewé dans cette chronique, est l’auteur complet d’une BD qui nous emmène dans une Amérique des années 30, sur les traces de Lucky Luciano et d’une superbe blonde !

agata
Agata © Glénat

Nous sommes en 1931. Agata est une jeune polonaise, blonde et souriante, musicienne et déracinée, qui débarque aux Etats-Unis, fuyant son pays et le  » péché  » qu’elle y a commis, un avortement.

Cette Amérique dans laquelle elle arrive sera-t-elle pour elle le lieu d’un nouveau départ, ou n’est-elle qu’un mirage de plus, comme pour tant et de migrants qu’elle croise à Ellis Island, porte d’entrée dans un monde qui n’a rien d’idyllique?

Un monde dans lequel le pouvoir n’appartient (déjà !…) plus à la politique, un monde dans lequel la mafia occupe tous les échelons de la société dite civile.  

Et cette série naissante nous dresse le portrait, certes, de cette jeune femme, amoureuse de la musique, qui va découvrir le jazz, qui est recueillie par des compatriotes, qui travaille dans un bar et tombe amoureuse de son propriétaire, qui se lie d’amitié avec un gamin espiègle et remuant.

Mais elle nous dresse aussi, en parallèle, le portrait sans concession d’un des plus connus et des plus puissants des mafiosi : Lucky Luciano !

Olivier Berlion, pour nous conter ces deux histoires, aurait pu faire le choix d’un graphisme aussi noir que le sont les romans abordant ces thèmes sombres de la littérature et de l’Histoire mêlées. Il n’en est rien, et c’est la première des qualités de cet album : la lumière, chaude, souriante, qui sert de trame de fond à son récit, au travers d’une couleur puissante.

agata
Agata © Glénat

Et cette lumière, née sans doute de la beauté de la belle Agata, cette jeune femme qui pourrait n’être qu’une  » vamp  » et qui se révèle infiniment plus forte et plus intelligente, cette lueur qui ressemble à celle de l’espoir, elle jaillit aussi de la façon dont Olivier Berlion nous montre à voir un des éléments importants de ce livre : la musique, et, plus spécifiquement, le jazz. Une musique pour laquelle, en quelques endroits de son récit, Berlion se fait didactique. Une musique, surtout, qui devient le rythme presque chaloupé à certains moments, endiablé à d’autres, des mots et des dessins.

Olivier Berlion: la musique
agata
Agata © Glénat

Olivier Berlion est un dessinateur réaliste… Surtout ici, dans cette nouvelle série. Un dessinateur dont on ne peut pas oublier la superbe série  » Sales Mioches « , dans laquelle son réalisme se faisait souple, presque poétique. Son style, alors, faisait penser à quelques grands aînés, comme Poulbot, Forget ou Joubert.

Cette manière qu’il avait d’approcher la physionomie de ses personnages, Olivier Berlion ne l’a pas perdue totalement, loin s’en faut. Et même si, dans ce  » Agata  » comme dans Toni Corso ou l’Art du Crime, autres œuvres qu’il a signées, le  sujet traité demande à son trait d’être résolument proche du réel, Olivier Berlion retrouve cette espèce de fraîcheur qui était la sienne dans l’approche graphique qu’il fait de l’enfance… Et d’un personnage qui, dans ce premier volume, se révèle vite bien plus qu’un simple second rôle.


Olivier Berlion: l’enfance
agata
Agata © Glénat

Auteur complet de cet album, Olivier Berlion a fait le choix, également, de privilégier, malgré le parallélisme des histoires racontées, une unité de temps, une immédiateté de lecture, aussi, grâce à un découpage classique.

A partir d’une documentation parfaitement assumée, en utilisant quelques raccourcis temporels qui n’enlèvent rien au plaisir de la lecture, en mêlant le polar, le romantisme, voire même le mélo, cet auteur parvient à étonner…

A étonner aussi par la facilité qui semble sienne à nous faire ressentir le poids du temps qui passe, et ce en passant de séquence en séquence, sans jamais briser le rythme de la narration.


Olivier Berlion: le temps
agata
Agata © Glénat

Dans ce premier volume, on découvre les Etats-Unis des années 30, la violence presque institutionnalisée, la déliquescence du monde politique. On rencontre, surtout, quelques personnages hauts en couleurs, dont les existences se laissent découvrir avec un véritable naturel.

La mise en scène de ce premier acte est vraiment réussie, presque cinématographique, tout en restant ancrée aux codes du roman américain noir.

Tout est en place, désormais, pour que Luciano, Agata et le destin se retrouvent en face à face dans les albums à venir !

Jacques Schraûwen

Agata: Tome 1 – Le Syndicat Du Crime (auteur : Olivier Berlion – éditeur : Glénat)


Agata © Glénat

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