La BD jeunesse a toujours existé… Elle se fait aussi, au fil des années, moins lisse, moins policée… Comme avec cette série-ci, qui se veut un regard sur le passé, avec humour, avec simplicité, et qui y réussit !
Dans cet album, le cinquième de cette série, c’est l’art qui est au centre de l’histoire qui nous est racontée. L’art et l’Histoire, la grande Histoire…
Revenons-en, d’abord, au titre générique de ces albums. La brigade des souvenirs… Elle est formée de Tania, Alban et Théo. Trois adolescents qui, dans chaque livre, se lancent dans des enquêtes pour découvrir le passé d’objets qu’ils découvrent, empreints de mystères. Les objets, d’ailleurs, quels qu’ils soient, ne sont-ils pas toujours les signes tangibles d’aventures passées, d’histoires humaines ?…
Dans cet album-ci, ces trois jeunes gens découvrent dans le recoin d’un grenier un tableau au dos duquel est dessinée une croix gammée. En cherchant à découvrir le pourquoi de ce symbole nazi, ils vont rencontrer entre autres la conservatrice d’un musée, qui va leur expliquer, leur raconter la spoliation des œuvres d’art par les nazis pendant la guerre 40-45.
Pour ces trois jeunes, c’est la rencontre avec la grande histoire, avec l’horreur du racisme, un racisme qui n’a pas disparu du quotidien comme ils vont s’en rendre compte ! Et ce livre, donc, nous raconte comment cette brigade va réussir, en partie du moins, à découvrir l’origine de ce tableau, en se baladant dans ce que l’Histoire peut avoir de plus inacceptable. Un sujet grave, traité à hauteur d’adolescence. Le scénario de Carbone et Cee Cee Mia n’a rien de pesant… Il est même souvent humoristique, en montrant simplement les problèmes relationnels que peuvent avoir trois adolescents aujourd’hui. La guerre est montrée, oui, mais très peu…
Le côté didactique du récit est rendu totalement accessible grâce à un jeu de dialogues extrêmement vivant. Quant au dessin de Marko, il n’a rien de réaliste, sauf un peu dans les quelques pages où nous est montré Goering s’emparant des œuvres d’art volées aux Juifs. C’est un dessin souple, léger, qui convient parfaitement et à la série et au sujet traité ici.
Cette série parvient ainsi, dans cet album plus peut-être encore que dans les précédents, à se faire chemin de mémoire… Grâce au dossier didactique qui termine le livre, certes, mais aussi et surtout peut-être grâce aux explications simples qui émaillent le récit, au travers des dialogues, du texte. Les réactions des trois héros sont des réactions enfantines, avec des réflexions simples, venant du cœur plus que de la raison, par exemple : « Cela ne se fait pas » !
La couleur, comme le graphisme, participent pleinement, je l’ai dit, à la réussite de cette série, à ce mélange subtil entre un regard adolescent et une réalité terriblement et tristement adulte… L’opposition, dans le dessin, dans la couleur, entre le « lumineux » présent et le « gris » passé parvient ainsi à rendre tangible et immédiatement accessible l’émotion… La violence même !
N’oublions jamais que la bande dessinée, avant d’être considérée comme un art, le neuvième, était un outil d’occupation des « jeunes », des enfants… N’oublions jamais que ces « vieilles » histoires souvent naïves, souvent pleines de valeurs convenues, sont ce qui a construit l’univers bd que nous connaissons aujourd’hui. Et que des auteurs puissent, de nos jours, avec simplicité, s’adresser à des jeunes, le faire avec intelligence et, ainsi, créer des ponts entre hier et aujourd’hui, c’est important… C’est se retrouver, en BD, dans une vraie continuation historique… Et cette « Brigade Des Souvenirs » est, indubitablement, à offrir à des adolescents parfois en mal de références non-scolaires… Et à lire par leurs parents, aussi, parce que la mémoire de l’horreur ne peut pas s’estomper dans les méandres du présent!
Jacques et Josiane Schraûwen
La Brigade Des Souvenirs – 5. Le tableau de Rachel (dessin : Marko – scénario : Carbone et Cee Cee Mia – éditeur : Dupuis – 64 pages – août 2024)