Lettre ouverte à Britanie Lenga, influenceuse dérangée (dégenrée ?…) de son état

Lettre ouverte à Britanie Lenga, influenceuse dérangée (dégenrée ?…) de son état

Permettez-moi tout d’abord de vous offrir ici quelques définitions totalement officielles, toutes simples, dont vous n’avez sans doute pas connaissance.

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D’abord, savez-vous que le mot « connerie » se définit comme étant une action ou une parole inepte ? L’ineptie étant, quant à elle, l’état de ce qui est complètement absurde ou stupide.

Ainsi, des expressions bien connues explicitent encore mieux le sens du mot con : con comme un balai… Faire le con… Ou, comme le disait Audiard, « les cons, cela ose tout, c’est même à cela qu’on les reconnaît ».

Ensuite, savez-vous que le mot bêtise se définit par un manque d’intelligence ou de jugement ?

Enfin, connaissez-vous la définition du mot imbécile ? La voici : « Qui est peu capable de raisonner, de comprendre et d’agir judicieusement. Dont les facultés physiques et intellectuelles sont faibles par nature ou par suite des infirmités ou de l’âge. » Vous voyez, madame l’influenceuse il n’y a dans tous ces mots aucune injure…

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Cela étant dit, permettez-moi, influenceuse auto-proclamée, de changer le titre de cette chronique. Le voici :

« Lettre Ouverte à une Imbécile »

Vous avez donc, du haut de votre (in)suffisance, lancé une pétition pour que soit interdite de vente une série bd intitulée « Boule à Zéro ».  Les raisons que vous invoquez (le mot « raison » étant ici utilisé de façon humoristique, les non-imbéciles l’auront compris) pour ce faire sont d’une triste limpidité ! Je les cite : « En 2025, un livre jeunesse raciste est publié sans aucune remise en question. Nous refusons de laisser passer ça ! La bande dessinée Boule à Zéro par Bamboo Édition, contient des représentations racistes et humiliantes des personnages noirs et asiatiques. Peaux exagérément foncées, grosses lèvres caricaturales, scènes humiliantes pour les personnages Noirs… Mais aussi peau jaune pour un personnage asiatique. Ce livre perpétue des stéréotypes raciaux d’un autre temps et véhicule un message toxique auprès des enfants. »

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Tout cela provoque quelques petites réflexions… D’abord, en 2025, nous en sommes au dixième tome de cette série… J’admire donc la célérité de votre réaction !… Ensuite, est-ce que vous essayez de nous dire que les Noirs n’ont jamais la peau très foncée, que les Asiatiques n’ont pas la peau jaune ?… Là, je ne peux, bien évidemment, que souligner l’aspect novateur de votre regard scientifique sur le monde tel qu’il est. Vous parlez aussi de stéréotypes, et là, votre réaction est l’exemple même de ce qu’est un stéréotype : « une opinion toute faite réduisant les particularités ». Sans doute ne vous en êtes-vous pas rendu compte… Ou, plus probablement, n’en avez-vous rien à cirer, des particularités des « autres » !… N’est-ce pas cela, aussi, du racisme ?

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Et puis, enfin, vous osez parler de message toxique, vous enfonçant là totalement dans la plus incommensurable des conneries ! Peut-être ne savez-vous pas lire ?… Ce serait une excuse pour vous arrêter, dans une bande dessinée, au seul graphisme, sans vous intéresser d’aucune sorte aux messages justement, que cette bd apporte, dessin et texte intimement mêlés…

« Boule A Zéro » est une bande dessinée essentielle, que l’éditeur Bamboo a eu le courage de publier… Une bd qui oser parler du cancer des enfants, de la maladie, de la mort, de l’hôpital, du mélange des générations, des volontés d’exister, toutes couleurs de peau confondues… Toute cultures s’acceptant les unes les autres, aussi ! C’est de la bd qui parle de solidarité, de non-racisme, qui utilise l’humour comme arme contre l’horreur…

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Madame l’influenceuse, vous êtes, oui, affligeante de bêtise, d’ineptie, de connerie… Critiquer un livre, quel qu’il soit, sans même le lire, c’est le signe du manque de respect total que vous avez, justement, à l’égard de la culture !

Oui, cette petite chronique est une lettre ouverte à une imbécile, vous en l’occurrence, ce mot n’étant nullement une injure mais une constatation… Pour pasticher Audiard, je dirais qu’il s’agit même, ici, d’un diagnostic…

Ces quelques lignes que je viens d’écrire n’auront sans doute aucune influence sur les quelques neurones qui sont vôtres. Mais si ces lignes donnent l’envie à quelques-unes, à quelques-uns, de lire ou de relire les albums sublimes et superbement intelligents de la série BOULE A ZERO, je m’en réjouirai ! Des albums intelligents, oui, et véritablement tolérants, eux! Mais je pense, madame l’influenceuse, que le mot tolérance ne fait pas partie de votre triste idéologie…

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Bien à vous, avec mes sentiments choisis, comme aimait à l’écrire Léo Malet.

Jacques Schraûwen

Brigantus : 2. Le Picte

Brigantus : 2. Le Picte

Hermann met la touche finale à ce diptyque dont il rêvait depuis longtemps : un « peplum » violent, laissant à nu les horreurs humaines en tout temps, en tout lieu…

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Hermann n’a jamais fait dans la demi-mesure. C’est une des raisons qui font qu’il est, sans aucun doute possible, un des auteurs réalistes les plus importants du neuvième art. Par le nombre d’albums, sans doute, par sa propre évolution tant au niveau graphique qu’à celui du scénario, aussi, par son talent exceptionnel, tout simplement… Hermann est un raconteur d’histoires dans lesquelles, toujours, même lorsque le texte n’est pas (entièrement) de lui, il nous livre, désabusé, l’image qu’il a de notre monde…

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Hermann n’est pas un donneur de leçon. Il n’est pas non plus manichéen et même son Bernard Prince n’avait rien de lisse. Hermann est, à sa manière, le témoin d’un monde qu’il regarde avec, souvent, une sorte de dégoût, son monde, le nôtre. Et si ses albums (Jeremiah, Bois-Maury, etc.) se baladent et nous promènent de l’après-demain à des passés variés, c’est pour se dire et nous dire que les choses ne changent jamais vraiment, que la seule constante de l’existence, c’est l’horreur…

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C’est encore le cas avec Brigantus… Nous nous retrouvons en Ecosse, dans les années 80 après Jésus-Christ. Très précisément en territoire Picte. Dans une colonne de légionnaires en route vers un camp retranché, il y a un homme étrange… Démesuré… Brigantus… D’une puissance extraordinaire, mais que ses collègues militaires romains bon teint exècrent…

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Dans ce second album, on le retrouve prisonnier des Pictes… On le retrouve affaibli… On le retrouve prostré, comme perdu, comme absent à lui-même, et cela se voit, se sent, jusque dans la démesure du dessin. Mais, comme tout humain, il va tout faire pour vivre encore, même sans exister, en usant de ce que la nature lui a offert : sa force… Sa détermination… Sa haine…

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Parce que cette histoire, au-delà de celle d’un légionnaire romain aux origines incertaines, c’est d’abord le portrait d’un homme, avec toutes ses démesures… Avec ses émotions, ses sensations, ses trahisons… Et, ce faisant, Hermann parle moins d’une époque historique précise que d’une plongée dans les sentiments humains les plus effroyables. Des sentiments qui ne disparaissent jamais… Et il mêle à cette plongée ses propres réflexions, sans jugement, sur l’amitié, la trahison, l’identité. On ne parle pas de droit du sol, mais de territoires… De guerre… De toutes les guerres, finalement ! Et il le fait autant en peintre qu’en dessinateur, avec des bleus éclatants et des brumes profondes…

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Que recherche Brigantus ? A rejoindre les oiseaux et leurs cris qui planent dans ses souvenances ?… A découvrir enfin qui il est, véritablement ? A s’enfouir, ou s’enfuir, aux noirceurs du néant d’une mer immortelle ?… Tout cela le définit… Tout comme le définit le seul besoin qu’il ose exprimer : celui de se sentir bien et de voir la lumière…

Jacques et Josiane Schraûwen

Brigantus : 2. Le Picte (dessin : Hermann – scénario : Yves H. – éditeur : Le Lombard – janvier 2025 – 56 pages)

La Brigade Des Souvenirs – 5. Le tableau de Rachel

La Brigade Des Souvenirs – 5. Le tableau de Rachel

La BD jeunesse a toujours existé… Elle se fait aussi, au fil des années, moins lisse, moins policée… Comme avec cette série-ci, qui se veut un regard sur le passé, avec humour, avec simplicité, et qui y réussit !

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Dans cet album, le cinquième de cette série, c’est l’art qui est au centre de l’histoire qui nous est racontée. L’art et l’Histoire, la grande Histoire…

Revenons-en, d’abord, au titre générique de ces albums. La brigade des souvenirs… Elle est formée de Tania, Alban et Théo. Trois adolescents qui, dans chaque livre, se lancent dans des enquêtes pour découvrir le passé d’objets qu’ils découvrent, empreints de mystères. Les objets, d’ailleurs, quels qu’ils soient, ne sont-ils pas toujours les signes tangibles d’aventures passées, d’histoires humaines ?…

Marko, dessinateur

Dans cet album-ci, ces trois jeunes gens découvrent dans le recoin d’un grenier un tableau au dos duquel est dessinée une croix gammée. En cherchant à découvrir le pourquoi de ce symbole nazi, ils vont rencontrer entre autres la conservatrice d’un musée, qui va leur expliquer, leur raconter la spoliation des œuvres d’art par les nazis pendant la guerre 40-45.

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Pour ces trois jeunes, c’est la rencontre avec la grande histoire, avec l’horreur du racisme, un racisme qui n’a pas disparu du quotidien comme ils vont s’en rendre compte ! Et ce livre, donc, nous raconte comment cette brigade va réussir, en partie du moins, à découvrir l’origine de ce tableau, en se baladant dans ce que l’Histoire peut avoir de plus inacceptable. Un sujet grave, traité à hauteur d’adolescence. Le scénario de Carbone et Cee Cee Mia n’a rien de pesant… Il est même souvent humoristique, en montrant simplement les problèmes relationnels que peuvent avoir trois adolescents aujourd’hui. La guerre est montrée, oui, mais très peu…

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Le côté didactique du récit est rendu totalement accessible grâce à un jeu de dialogues extrêmement vivant. Quant au dessin de Marko, il n’a rien de réaliste, sauf un peu dans les quelques pages où nous est montré Goering s’emparant des œuvres d’art volées aux Juifs. C’est un dessin souple, léger, qui convient parfaitement et à la série et au sujet traité ici.

Marko

Cette série parvient ainsi, dans cet album plus peut-être encore que dans les précédents, à se faire chemin de mémoire… Grâce au dossier didactique qui termine le livre, certes, mais aussi et surtout peut-être grâce aux explications simples qui émaillent le récit, au travers des dialogues, du texte. Les réactions des trois héros sont des réactions enfantines, avec des réflexions simples, venant du cœur plus que de la raison, par exemple : « Cela ne se fait pas » !

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La couleur, comme le graphisme, participent pleinement, je l’ai dit, à la réussite de cette série, à ce mélange subtil entre un regard adolescent et une réalité terriblement et tristement adulte… L’opposition, dans le dessin, dans la couleur, entre le « lumineux » présent et le « gris » passé parvient ainsi à rendre tangible et immédiatement accessible l’émotion… La violence même !

Marko

N’oublions jamais que la bande dessinée, avant d’être considérée comme un art, le neuvième, était un outil d’occupation des « jeunes », des enfants… N’oublions jamais que ces « vieilles » histoires souvent naïves, souvent pleines de valeurs convenues, sont ce qui a construit l’univers bd que nous connaissons aujourd’hui. Et que des auteurs puissent, de nos jours, avec simplicité, s’adresser à des jeunes, le faire avec intelligence et, ainsi, créer des ponts entre hier et aujourd’hui, c’est important… C’est se retrouver, en BD, dans une vraie continuation historique…  Et cette « Brigade Des Souvenirs » est, indubitablement, à offrir à des adolescents parfois en mal de références non-scolaires… Et à lire par leurs parents, aussi, parce que la mémoire de l’horreur ne peut pas s’estomper dans les méandres du présent!

Jacques et Josiane Schraûwen

La Brigade Des Souvenirs – 5. Le tableau de Rachel (dessin : Marko – scénario : Carbone et Cee Cee Mia – éditeur : Dupuis – 64 pages – août 2024)