Deux scénaristes parfaitement complices, un dessinateur d’un beau classicisme, une histoire qui se déroule, semble-t-il, dans deux univers… Un premier tome qui donne envie de vite lire la suite !
Il est inutile de présenter Rodolphe, scénariste prolifique, écrivain de polars aussi, dont les univers aiment à se varier à l’infini. Son Commissaire Raffini est, à mon humble avis, une série policière à rattacher aux grands du genre, Malet par exemple…
Il est tout aussi inutile de présenter l’autre scénariste de cette nouvelle série, Leo, dessinateur amoureux de la SF nous rappelant nos propres présents, dessinateur au dessin direct, sans fioritures, scénariste aussi pour nous inventer des mondes pleins de présences improbables.
Quant à Louis Alloing, il aime mélanger les genres, oui aussi, passant de l’illustration jeunesse à la publicité, et de la pub à la bande dessinée, avec, entre autres, une série qui ne manque ni d’action ni d’efficacité, Robert Sax.
Et ces trois talents se lancent donc dans une série dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle est, elle-même, un mélange de différentes affinités, de différents goûts, de différentes époques. Des époques qui, finalement, se rejoignent, d’ailleurs, grâce à la magie essentielle de l’âme humaine, la possibilité que nous avons toutes et tous de rêver.
Ce sont, en fait, dans ce premier opus, deux récits qui nous sont offerts. Deux récits presque antinomiques, dont les péripéties, qui n’ont rien à voir les unes avec les autres, se suivent dans une espèce d’anarchie scénaristique voulu et parfaitement assumée et assurée.
D’une part, il y a une petite ville américaine et ses teen-agers typiques des années 50. Ted et Jo s’y baladent, y osent des aventures quotidiennes qui, soudain, dérivent vers des inconnus étranges : la découvderte d’une salle immense qui semble se perdre à tout jamais dans les ténèbres, des flics qui les arrêtent, un vieil ouvrage scolaire qui parle de chose qu’ils ne connaissent pas : les nuages, la lune…
D’autre part, il y a un futur proche, un monde d’après l’apocalypse qui tente, plus ou moins, de garder le lien avec ce qu’il fut, et y fuient un homme qui fut médecin, et sa fille, Fleur… Pour eux deux, c’est l’initiation, aux feux de cette suite, à une vie dans laquelle la violence est une réalité à accepter… Pour eux deux, c’est aussi la découverte d’animaux bizarres et dangereux, de monstres impossibles qui ne peuvent que faire penser à des lutations génétiques…
Ces deux récits, je le disais, semblent se vivre sur deux plans temporels très différents.
Mais avec Rodolphe, les apparences sont toujours trompeuses et sont toujours, aussi, le lien primordial de l’aventure humaine. Avec Leo, on le sait, les personnages ne prennent leur importance qu’au travers des péripéties qu’ils subissent, tandis d’avec Rodolphe, ce sont ces péripéties qui dépendent des personnages et de leurs vérités.
Ici, un lien extrêmement ténu va apparaître entre Fleur et Jo. Un lien impalpable, toujours incompréhensible : celui du rêve, celui de l’onirisme auquel se mêle la réalité d’un amour à venir…
Mélange de styles, complicité de deux scénaristes : et en jaillit, étrangement, une alchimie réussie, passionnante, du mot comme du dessin.
« Où on va, et qui nous demande d’y aller ?… »
Cette phrase termine ce premier volume. Ce premier « acte », plutôt. Parce que nous nous trouvons ici, de manière indubitable, dans une construction théâtrale, ce qui entraîne un dessin quelque peu hiératique, comme si on se retrouvait en présence de personnages qui ne savent pas vraiment quel est leur rôle exact… Ce qui entraîne aussi, au niveau des couleurs, un travail d’un véritable classicisme.
Un livre réussi, donc…
Un livre dont on ne peut qu’attendre la suite…
Ce que je fais, d’ores et déjà…. En espérant rencontrer un de ces jours ces auteurs qui, souvent réussissent à m’étonner !
Jacques Schraûwen
Demain – Acte 1 (dessin : Louis Alloing – scénario : Leo et Rodolphe – 1Ver2anes – éditeur : Delcourt – 56 pages)